Allan Gallagher - Oui, un L de plus, c'est pratique pour voler, voilà

• 14 janvier 1990 : Voilà que tu pousses ton premier cri en présence de tes deux parents, Jennifer et John Gallagher. Tous deux ingénieure en électronique et développeur informatique, tu naquis dans le foyer parfait pour l’homme que tu allais devenir, dans cette ville de Tipperary, Irlande. Et tu grandis, enfant solitaire et plus collé aux basques de ses parents que réellement intéressé par le reste du monde.

• 1997 : Swansea, au Pays de Galles, compte désormais trois habitants de plus. Ton père ayant été muté dans une filiale de son entreprise, tu le suivis, avec ta mère évidemment. Ce fut compliqué pour l’enfant que tu étais de perdre ses repères, ses habitudes, et si tu étais jusque là assez solitaire, tu ne passas pas loin de devenir pratiquement isolé. Pourtant, il y eut une personne qui sut traverser la muraille que tu t’étais érigée, Rhiannon. Elle te ressemblait tant que tu avais la sensation que la refuser, ce serait refuser ton reflet dans le miroir, quelque part. Aussi, tout naturellement, vous devenez en quelque sorte des amis exclusifs – tu ne pus pas en compter d’autres à tes yeux, aucun ne parvenant à la cheville de cette petite fille.

Ainsi, tu vécus une vie ponctuée d’idée de plaisanteries à destination des voisins, amis de la famille, toujours empirées par les maladresses presque légendaires de ton amie, avec à côté de ça, un désir de découvrir les spécialités de tes parents. Tu fus rapidement plus porté sur l’informatique, mais avec ta mère, tu adorais fabriquer ces objets simples, ces circuits imprimés, comme des dessins qui faisaient une magie composée de courants électriques.

• 2005 : Tu avais quinze ans quand tu entendis parler de Gary McKinnon, un pirate informatique arrêté pour avoir piraté des ordinateurs du gouvernement américains… Afin de savoir s’ils contenaient des preuves de l’existence de la vie extra-terrestre. Cette histoire pourrait sembler anecdotique à première vue, tu avais même tout simplement éclaté de rire en te demandant comment il était possible de développer de telles compétences juste pour ça. Pourtant, cette histoire te resta en tête, et tu ne pouvais pas t’empêcher de te dire que si un débile croyant à l’existence des aliens venant visiter la Terre pouvait le faire… Pourquoi pas toi ?

Et ce fut là le point de départ d’un garçon déjà assez calé en informatique qui décida qu’il voulait devenir un cador. Profitant de cet univers absolument génial qu’était internet, les supports de communication, tu appris à en démonter chaque point virgule numérique, chaque vis matérielle, tout ce qui pouvait être amusant, pour les maîtriser, en auto-didacte, avec parfois la complicité de ton père, promettant évidemment de ne rien faire d’illégal, promis papa, doigts croisés dans le dos.

• 2006 : Rhiannon partit à Londres pour étudier, mais toi, tu restas à Swansea. Tu lui avais promis que pour l’instant, vous ne pouviez pas être ensemble, mais que l’avenir allait vous donner une occasion de vous réunir, et ça, tu l’avais gravé dans la pierre. Tu étais triste, évidemment, mais pourtant, optimiste : tu te donneras les moyens pour qu’à nouveau le Rhillan puisse se retrouver. Aussi, ça atténua ta peine. De ton côté, de toute façon, tu te donnais deux ans pour être diplômé, et tu finanças ton début d’indépendance en développant des programmes simples et sites internet en freelance, un peu au black. Tu te faisais tes armes aussi dans ce côté frisant l’illégalité, sans pour autant y sauter à pied joint – quoi que si, mais tu parvenais bien à te dire roh, ce n’est pas si grave.

• 2007 : A dix-sept ans, tu n’étais pas non plus un criminel endurci, mais tu rentras dans un groupe de petits hackers. Il s’agissait d’activistes du web, militant sur approximativement tout ce qui pouvait être protesté dans la sphère numérique. Tu voudrais te dire que tu y étais par conviction, d’ailleurs, tu tentais de t’en convaincre un peu, mais avouons-le de suite : tu trouvais ça juste terriblement cool. Tu aimais faire partie de ce groupe qui, au fil des années, te permis de t’améliorer de plus en plus dans cet art que tu adorais. Tu aimais l’esprit d’entraide et de compétition y régnant, et d’ailleurs, tu restas à leurs côtés très longtemps.

• 2008 : Tu rentras dans le monde du travail aussitôt ton diplôme obtenu. Devenu bien plus proche de ton père que de ta mère avec les années, il avait tenu à te donner un coup de pouce, te souhaitant une longue et belle carrière professionnelle. Si les premiers temps furent compliqués, tu finis par te faire ton trou. D’ailleurs, quelle déception ce fut pour ton père de constater que tu fus en réalité un employé pépère, plutôt qu’ambitieux. Tu n’avais pas vraiment l’intention de gravir les échelons, à vrai dire, tu en gravissais d’autres. Avec l’argent que tu obtenais de ton petit poste, tu pouvais financer tes voyages occasionnels vers Londres, pour visiter ta seule amie, d’éventuelles conventions de jeux vidéo que tu considérais comme la seule raison de ne pas rester enfermé chez toi, puis du bon matériel pour ta vie d’à côté. Car à côté, tu devenais meilleur, de plus en plus. A force de t’investir dedans, d’ailleurs, tu en oublias presque la vraie vie. Tu ne te rendis même pas compte, alors que tu vivais sous le même toit qu’eux, que tes parents divorçaient.

• 2011 : Après des années de désert affectif, n’ayant jamais ressenti vraiment le besoin d’une relation romantique avec quiconque, tu avais fini par être attiré par une personne cachée derrière un pseudo, JarOfSomething. Un jeu s’était installé entre vous deux, une sorte course à celui qui trouvera l’autre en premier. Et après des mois à vous idéaliser l’un et l’autre, à vous chercher, tu finis par trouver sa trace dans un petit village dans le sud de l’Angleterre. Vous aviez l’air fins, toi en jean délavé à moitié déchiré, trop grand, sweat noir à l’effigie d’un groupe de musique que tu aimais bien, et elle avec des valises comme cernes et ses cheveux en pétards. Sur le coup, le mythe s’était un peu écroulé, mais bon. Ca vous allait bien, finalement. Et tu quittas l’appartement que tu avais partagé du coup avec ton père, pour t’installer pas trop loin de chez elle, et débuter ta première relation, timidement.

• 2012 : JarOfSomething, ou plutôt Mary, et toi avez finalement formé un couple certes, mais pas que. Vous vous amusiez, tous les deux, à aller toujours plus loin, et à force, vous avez fini par faire une erreur. Vous avez piraté le réseau de la police anglaise, plus pour la performance que pour vous intéresser aux fichiers, et cette fois-ci, Mary fut attrapée. On te suspecta aussi, mais aucune preuve ne te relia à ce hack, aussi tu fus totalement blanchi. Cependant, voyant le départ de Rhiannon pour les Etats-Unis pour un signe du destin, tu décidas que tu allais tout simplement changer d’air, sortir des radars de la police anglaise qui te regardait malgré tout de travers. Aussi, tu trouvas un petit boulot à la con, tandis que ton amie était engagée par la NASA, rien que ça.

Tu aurais pu te contenter de cette vie, mais changer de pays, de continent, ce n’était pas assez. D’un coup, tu avais de l’ambition, un petit peu. Tu voulais aussi être à la NASA, et pour ça… Tu avais ta petite idée de comment faire pour y être engagé. Tu commenças donc des préparations, de quoi t’assurer de faire un véritable festival impossible à manquer.

• Juillet 2013 : Assis à ce nouveau bureau, regardant le magnifique matériel informatique face à toi, tu te rendais compte du chemin parcouru. La ligne entre être engagé et être emprisonné après un hack était très fine, et tu t’étais montré extrêmement prudent. Il existait le principe de white hacking, qui consistait à hacker des réseaux confidentiels, commerciaux, pour signaler des failles et ainsi permettre aux hackés de combler la faille. Ce fut ta politique. Et ça avait marché, tant et si bien que tu fus à la tête d’une équipe de développeurs chargés de concevoir le site de candidature du projet Voyager. C’était du sérieux. Tu faisais partie pratiquement de l’armée américaine.

Toi. Le hacker irlandais qui ne faisait que s’amuser, au départ. Qui jouait avec des choses franchement illégales, souvent. Au sein de la NASA. Tu eus un fou rire nerveux à en pleurer une fois dans la solitude de cette pièce qui t’était dédiée.

• Septembre 2015 : Tu te trouvas une relation romantique à nouveau, dans un service voisin au tien. Une jeune femme qui travaillait aux relations publiques, qui voyait en toi, cet homme avec la cravate un peu de travers et ses cheveux trop longs, quelqu’un avec qui parcourir un bout de chemin. Tu en étais le premier surpris, et après le plantage Mary, tu pensas que Shannon, ce n’était pas trop mal. Puis, tu étais bien, avec elle. Tu n’avais pas besoin de faire des efforts monstres, vous ne vous voyez pas si souvent que ça, et c’était elle qui faisait le premier pas, la plupart du temps. Elle t’appelait mon petit idiot affectueusement, et elle t’expliquait que les relations entre personnes du bureau, ce n’était jamais très bon, qu’il valait mieux rester discrets, un peu. Au moins quelques temps. Le temps de voir si entre eux, ça marchait bien.

• Fin 2016 : C’est totalement replié que ta chaise de bureau, dans ton modeste studio, que tu regardais ton curseur posé sur un bouton, envoyer. Tu avais fait ton dossier pour le projet Voyager, et tu hésitais. Tu étais triste, très triste, un trou béant au niveau du cœur. Ca, pour un idiot, tu l’étais. Parce que s’il ne fallait rien dire au bureau sur votre relation, c’était parce que Shannon, elle était mariée. Et à être si peu porté sur les relations humaines, tu n’avais jamais su ça, jamais, tu n’avais jamais pensé. Pour toi, c’était normal, de faire comme ça, ça t’allait bien, et on t’avait pris pour un con. Et tu l’avais appris quand tu avais fouiné un peu, pour passer le temps, les dossiers de candidature du projet. Tu avais vu celui de Shannon.

Tu ne répondais plus à ses propositions de rendez-vous, au téléphone, par mail. Non. Tu l’ignorais dans les couloirs du travail. Tu n’allais plus à votre petit coin. Mais tu voulais te venger. Comme ce mec, à ton ancien travail, qui t’avait pris pour la tête de turc. Pour autant, tu n’allais pas la confronter, Shannon. Non. Tu allais juste niquer sa chance de partir avec le projet Voyager. Tu allais prendre sa place. Tu savais comment faire. Et tu savais que tu n’irais pas seul. Tu voulais quelqu’un à tes côtés. Alors, tandis que tu appuyais résolument sur envoyer, tu appuyas sur la touche rapide de ton téléphone. « Allô, Rhi’, faut que je te parle d’un truc… » Tu allais donner un coup de pouce au destin, oui. Tu t’étais tenu relativement à carreau jusque-là, ne faisant que bidouiller, pour ne pas rouiller, mais tu savais encore comment faire, oui.

• Fin 2018 : La formation des candidats retenus au premier tour était compliquée pour un homme qui n’avait pratiquement jamais bougé autre chose que ses doigts sur un clavier ou avec des outils de précision sur des circuits imprimés, mais tu t’y plaisais bien. Rhiannon était avec toi, vous alliez partir pour un voyage de trente ans et, quelque part, tu te moquais bien de revenir. Le visage déçu de Shannon avait été aussi gravé dans ta mémoire, te donnant une satisfaction certaine. Mais tu devais donner un dernier coup de pouce au destin, le tirage au sort ne te permettait pas de rester réellement optimiste. Cette place, tu la voulais, et tu allais l’avoir. Et tu l’eus, effectivement.

• Août 2919 : Après des centaines d’années de voyage, voilà que tu finis par lever un œil. Le reste de l’histoire appartient à l’avenir, Allan…