¡ Cumpleaños feliz !

La vie a presque repris un cours normal sur l'Arche et Cieran est toujours aussi impressionné de la capacité qu'ils ont, tous, à rebondir et à ne pas se laisser abattre. Évidemment, leur quotidien est très différent de ce qu'ils ont pu connaître sur leur Terre natale mais chacun s'organise comme il peut et il n'est pas rare, au détour d'un couloir, d'entendre un rire ou de surprendre un échange enfiévré. C'est bien pour apporter sa pierre à cette normalité que le pilote se retrouve devant l'imaginarium cet après-midi - pour lui, cycle de repos, mais il préfère catégoriser ça autrement dans sa tête - les bras chargé de tout ce qu'il a pu récupérer ici et là. Ca n'a pas été facile, autant ne pas le nier, et l'irlandais a dû jouer de ses relations. Il faut d'ailleurs qu'il pense à avertir Adrian qu'il a un rendez-vous galant avec l'aide-cuisinière, il trouvera certainement un moment pour le faire plus tard. Le pilote ne lui en voudra sûrement pas trop, c'est pour la bonne cause après tout.

L'Imaginarium. Contrairement à beaucoup de gens, Cieran évite un peu l'endroit, pas forcément pressé de se remémorer des souvenirs qui sont mieux profondément enfouis mais aujourd'hui, c'est différent. Ce n'est pas pour lui qu'il est là. Déposant la couverture à terre, il y dépose précautionneusement tout ce qu'il a ramené avant de contempler son travail d'un air satisfait. On dirait - presque - un pique-nique tout ce qu'il y a de plus naturel, si on oublie le cadre et le moment. Le cadre va s'arranger après et le moment, il ne peut pas y faire grand chose. Autant profiter du fait qu'ils soient en vie ! L'Imaginarium est une idée d'Adrian alors Cieran s'est chargé, lui, de ramener la nourriture. Pas d'alcool - certes, il a une bouteille de cidre mais en bon irlandais, comment considérer ça comme de l'alcool à part entière ?- des pâtisseries portoricaines négociées à grand frais auprès de l'aide-cuisinière - d'où le rendez-vous de son camarade pilote - faites avec ce qui est disponible sur le Voyager, c'est à dire pas grand chose. Il n'est même pas sûr que ce soit bon, ou que ça ressemble à quoi que ce soit de mangeable, mais on ne peut pas lui reprocher d'avoir essayé ! Il a fallu remplacer une bonne partie des ingrédients mais avec un peu de chance, le goût principal demeurera.

C'est qu'aujourd'hui est un jour bien particulier pour la petite portoricaine qui complète leur bande d'enfants terribles du pilotage. Elle a trente ans, et ça vaut bien la peine de marquer le coup avec une petite célébration ! Ils n'ont pas grand-chose à lui offrir, presque rien même, mais cette petite attention lui fera plaisir, il l'espère sincèrement. "Hécate, tu peux diffuser des images de la plage Jobos à Porto Rico s'il te plaît ? Avec l'audio." Précise Cieran. Il a déjà fait un test histoire d'être sur que cela fonctionne et une plage de sable fin se retrouve soudain diffusée tout autour de la salle, avec le bruit caractéristique des vagues et les cris diffus des mouettes. Parfait. Pour l'occasion, l'irlandais a enfilé un short et il se dépêche d'enlever ses baskets, histoire de parfaire l'illusion. Un pique-nique sur l'une des plus belles plages de son pays, n'est-ce pas un cadeau précieux maintenant que la Terre a disparue ? Un autre cadeau, bien enrubanné celui-là - d'accord, avec des plans inutiles et gribouillés du simulateur, pas de déchets - attend la pilote. Un planeur en polystyrène que Cieran a récupéré des découpes de son projet, savamment travaillé pour planer sans être trop grossier. Il a même dessiné une petite Veronica à la place du pilote.

C’est un jour un peu spécial, c’est vrai. Quand ils en ont discuté, Cieran et lui, ils étaient d’accord pour se dire que c’était une bonne façon se remettre un peu de normalité dans leur vie, et pour faire plaisir à leur amie commune. Sur le vaisseau, ils ont tous subi un choc quand ils ont appris que tout ce qu’ils connaissaient, tout ce qu’ils laissaient derrière eux, n’existait plus. Mais parmi eux, la Portoricaine semblait particulièrement touchée - ou elle avait l’honnêteté de le montrer plus que certains. Adrian, lui, n’avait plus personne qui l’attendait, si ce n’est de bons camarades de division, dont la disparition ne lui avait pas fait plus d’effet qu’un pincement au coeur. Il avait déjà tant perdu avant cela, c’était un peu la suite logique, pas vrai ?

Mais en ce jour, aucun nuage ne devrait ternir leur ciel bleu. Enfin, façon de parler. Alors que Cieran s’était chargé des pâtisseries et de la partie mise en scène, lui-même devait emmener la reine de la soirée à bon port. Avant cela pourtant, il était allé rendre visite à son ami Teddy dans l’Arboretum. En insistant un peu et en jouant beaucoup de son charme naturel - si si, ça a fait toute la différence - il est parvenu à le convaincre de lui donner deux pommes. Il lui a pourtant répété qu’ils étaient trois, que c’était une occasion spéciale. Mais non. Deux pommes. Pas plus. Très bien, au moins, ils auront de vrais fruits. Frais ! Pas de la bouillie reconstituée et sans goût.

Ces derniers jours, il les a également passés auprès de quelques techniciens et leur merveilleuses machines. Il a longtemps cherché une idée de cadeau à lui offrir et ce n’était pas évident, puisque chaque ressource compte à bord. Il a finalement décidé de se séparer d’une vieille montre bas de gamme, autrefois offerte par son père. L’une des rares possession qu’il lui reste de sa vie d’avant. Il y a longtemps réfléchi, et même s’il a eu du mal à le faire, il sait que c’est une bonne idée. L’important désormais, c’est d’aller de l’avant, de se concentrer sur les vivants et leurs chances de survie. Cette montre a fait son temps et il ne voit pas de meilleure manière de faire vivre encore un peu le souvenir de son père qu’en utilisant ces matériaux pour en faire une oeuvre nouvelle.

Dans une de ses poches, il y a donc ce bracelet fait de perles métalliques à partir de cette montre qu’il a pu faire recycler. Des perles où il a fait graver le callsign de Veronica. Il a confié les pommes à Cieran et il est allé chercher son amie durant son temps libre, espérant qu’elle ne se douterait de rien. Il a prétexté une envie de revanche à Mario Kart, tout en faisant un détour en affirmant qu’il a découvert un “raccourci” pour s’y rendre depuis le réfectoire. Une belle arnaque dont elle n’est certainement pas dupe. Peut-être s’imagine-t-elle qu’il leur a trouvé un nouveau coin tranquille pour se retrouver en toute intimité, comme ça a été le cas ces dernières semaines. Et si l’idée lui a clairement traversé l’esprit, il sait que leur camarade de vol les attend.

Arrivé devant la salle de l’Imaginarium, il s’arrête près de la porte et lui fait signe d’entrer, l’air satisfait. « Avant d’y aller, il faut que tu voies ce qu’il y a là-dedans. Je te promets que tu ne le regretteras pas. » Il croise les doigts pour avoir raison.

« Je ne vois pas comment tu as fait pour devenir pilote, avec un sens de l’orientation aussi terrible », taquine-t-elle gratuitement Adrian, alors qu’il la conduit dans un secteur qui n’a absolument rien à avoir avec la salle des jeux vidéo. C’est qu’elle y passe beaucoup de temps, dans le coin de la recherche et de l’enseignement, et elle commence à connaître ces lieux par coeur ! À son humble avis, Adrian évite surtout d’être confronté à nouveau à ses talents à Mario Kart, et veut donc la distraire. D’une bien curieuse façon, par contre. Puis, cette distraction est de toute façon la bienvenue, pour Veronica, en ce jour spécial.

C’est son premier anniversaire sans sa famille.
Son trentième anniversaire. Deux fois son quinceañera, quinze ans depuis la célébration de son passage de l’enfance à la vie d’adulte. Elle se souvient de sa robe (un immense gâteau rouge et kitsch récupéré chez une cousine de son père), de l’enthousiasme de sa mère, des danses protocolaires avec ses frères, de l’émotion de son père. Ils ont toujours été pauvres, mais pour cette fête, Ronnie avait eu le sentiment d’être la plus choyée.

C’est si loin, en vérité, neuf cent quinze ans dans le passé. Elle tente de ne pas y penser, de se concentrer sur ce qu’il lui reste, aujourd’hui. Et ce qu’il lui reste, apparemment, c’est une future partie de Mario Kart avec un pilote mexicain au sourire rusé, qui s’arrête devant la porte de l’Imaginarium. « Avant d’y aller, il faut que tu voies ce qu’il y a là-dedans. Je te promets que tu ne le regretteras pas. Ronnie croise les bras sur sa poitrine, sceptique, et évalue l’expression d’Adrian, si innocente (faussement, elle le sait, elle le connaît de plus en plus). Finalement, elle cède et ouvre la porte. Qu’est-ce que je gagne, si je le regrette ? » Elle n’est pas de si mauvaise foi, tout de même, elle ne fera pas exprès : c’est à la blague, qu’elle pose la question, et c’est net qu’elle se retrouve coite, alors qu’en l’espace de quelques pas à peine, elle se retrouve sur une plage. Elle s’arrête dans son avancée, alors qu’elle regarde d’abord Cieran, pieds nus et en short, puis tout autour d’elle.

Ça pourrait être n’importe quelle plage des Antilles, mais Veronica sait exactement où elle est. Elle reconnaîtrait partout cette eau turquoise, qui s’assombrit alors qu’elle s’éloigne de la berge, ou lorsque les bancs d’algues dessinent des ombres dans ses vagues. Cette plage faite d’un sable fin, bordée de longues langues rocheuses, sur lesquelles l’écume s’accumule, et où le soleil déclinant nimbe tout d’or. Surtout, derrière, il y a la forêt, les palmiers, et plus fort encore que le bruit des vagues et des oiseaux, il y a celui des coquís, ce son si familier, si propre à son archipel. Sa respiration est bloquée dans sa gorge et ses yeux se remplissent de larmes émues.

La Portoricaine se retourne vers Adrian, qui la regarde avec… nervosité ? hâte ? anticipation ? Doucement, elle prend sa main et l’attire vers elle, puis le serre dans ses bras. Étouffant quelques premières larmes contre son épaule. « Gracias, Adrian. Sois perfectos.** » Parfaitement chiants, crétins et imbéciles, parfois, parfaitement casse-tête et casse-bonbon, parfaitement crasses et menteurs, parfaitement enfantins et immatures… et aussi parfaitement drôles, attentionnés et tendres. Des amis parfaits. Elle tire le pilote jusqu’à l’endroit où se tient Cieran, et c’est au tour de l’Irlandais de se mériter une étreinte chaleureuse (et à son chandail à lui aussi d’être trempé de larmes)(comme qui dirait, brace yourselves, elle ne fait que commencer). « Buíochas*, Cieran. Oh, je pensais que vous aviez juste trop peur que je vous écrase encore à Mario Kart, et c'est pour ça que vous m'évitiez. »

*Merci, Adrian. Vous êtes parfaits. (espagnol)
**Merci (irlandais)

Il a entendu du bruit derrière la porte close de l'Imaginarium l'irlandais, et il attend sagement. Presque pas nerveux. L'idée du pique-nique est la sienne, le lieu est sorti de la tête d'Adrian et Cieran est tout prêt à dire que c'était l'idée du mexicain si quelque chose va de travers. Il ne se fait aucun illusion, Adrian est probablement prêt à dire la même chose. Veronica finit par ouvrir la porte, lançant quelque chose que l'irlandais ne comprend pas, n'ayant rien entendu de l'échange. Mais ce qu'il sait, c'est que la pilote s'arrête net, presque choquée par la scène qu'elle a sous les yeux. Un instant, un bref instant, Cieran doute qu'ils aient eu une si bonne idée que ça.

Cela ne dure que quelques secondes pourtant, jusqu'à ce que la jeune femme serre son camarade dans ses bras avant de lui réserver le même sort, visiblement émue. C'est une bonne surprise, et heureusement : Cieran s'en serait voulu d'avoir gâcher le premier anniversaire de Veronica sur le Voyager. Les larmes sont des larmes de joie et quand la pilote leur explique qu'elle pensait qu'ils l'évitaient, l'irlandais ne peut s'empêcher d'éclater de rire. "La vieillesse te guette Thaisce, à moins que ce ne soit la mauvaise foi d'Adrian qui serait contagieuse ? Jamais tu ne nous as écrasé à Mario Kart. On a peut-être perdu quelques parties d'affilée, mais c'était juste pour te laisser gagner." Et c'est Veronica qu'il accuse de mauvaise fois, parfaitement. Serrant brièvement la jeune femme contre lui, l'irlandais dépose un baiser amical sur sa joue. "Feliz cumpleaños Ronnie." Ils ont passé beaucoup de temps ensemble ces derniers temps, et ce serait mentir que de dire que Cieran n'apprécie pas la jeune femme. Il se recule ensuite pour embrasser d'un geste de la main leurs préparatifs. "Il n'y a aucune garantie que ce soit bon, par contre." Sauf les pommes dénichées par Adrian, tout leur repas n'est fait que de recettes réinventées avec les moyens du bord. "Mais avant tout..." Il laisse sa phrase en suspens avant de regarder ses camarades d'un air qui se veut sévère. "On est à la plage, et vous êtes bien trop habillés pour l'occasion." Lui-même ne porte qu'un short et un T-shirt, pieds-nus, histoire de parfaire l'illusion. Parce ce que c'est bien plus agréable de jouer le jeu, l'espace d'un instant, et de croire que tout est redevenu normal. Évidemment, aucun d'eux n'a pris de maillot de bain, mais ça n'empêche pas les pilotes trop habillés de se débarrasser de leurs vêtements superflus.

"Et ensuite seulement, tu auras le droit à tes cadeaux." Taquine Cieran, amusé. Que serait un anniversaire sans cadeau, après tout ? Lui, pour sa part, porte fièrement le sien - pas là, évidemment - à chaque moment qui ne requiert pas la compagnie de quelqu'un d'extérieur au petit groupe de pilotes. Pas que cela le dérange d'être reconnu presque officiellement comme le meilleur pilote de l'Univers, non, mais si la discipline et la rigueur militaire sont relâchées sur le Voyager, il n'a pas encore oser tenter de porter un uniforme subtilement personnalisé à la vue et au su de tous. Comment rester le chouchou d'Alejandra, après tout, s'il se laisse aller à outrepasser outrageusement les règles ?

« Qu’est-ce que je gagne, si je le regrette ? » Il lui adresse un sourire entendu mais reste tout à fait silencieux. Il appréhende tout de même un peu ; va-t-elle apprécier la surprise qui l'attend ? En ont-ils trop fait ? Tant de questions qui traversent son esprit quand Veronica ouvre la porte et qu'elle s'immobilise devant la scène qui lui est présentée. L'endroit est d'un réalisme époustouflant. La plage, les vagues, le bruissement du vent... Il ne manque que les odeurs et la chaleur du soleil contre la peau. Adrian ne s'arrête pourtant pas sur tout cela. Il n'a d'yeux que pour son amie dont il attend la réaction avec inquiétude. Il croise son regard quand elle se retourne pour lui faire face et il n'ose pas faire un mouvement. Va-t-elle l'engueuler ? Il en doute, vu la lueur dans ses yeux. Il en doute encore moins quand elle le prend dans ses bras à l'en étouffer et qu'il retourne son étreinte avec affection, un sourire chaleureux se dessinant sur ses lèvres. « Gracias, Adrian. Sois perfectos. » « Je le sais. » qu'il réplique dans un murmure léger et plein d'humour dans desserrer son étreinte. Voir la joie qui émane de la Portoricaine, c'est tout ce qu'il lui fallait aujourd'hui.

Adrian se fait entraîner sans plus de cérémonie vers le lieu du pique-nique et il suit docilement. Cette fois, c'est à Cieran de recevoir ses remerciements. « Buíochas, Cieran. Oh, je pensais que vous aviez juste trop peur que je vous écrase encore à Mario Kart, et c'est pour ça que vous m'évitiez. » Le pilote laisse échapper un éclat de rire qui trouve un écho chez son camarade. « La vieillesse te guette Thaisce, à moins que ce ne soit la mauvaise foi d'Adrian qui serait contagieuse ? Jamais tu ne nous as écrasé à Mario Kart. On a peut-être perdu quelques parties d'affilée, mais c'était juste pour te laisser gagner. » « Exactement. » complète-t-il avec un hochement de tête assuré, les bras croisés. Jamais ils ne se sont fait écraser, pfft. Quelle idée.

« On est à la plage, et vous êtes bien trop habillés pour l'occasion. » Le Mexicain hausse un sourcil circonspect. Veut-il vraiment jouer à ce petit jeu ? « Si tu le dis. » répond-il simplement en retirant t-shirt et pantalon pour se retrouver en sous-vêtement sans aucune pudeur. Ce n'est pas comme si les deux ne l'avaient pas déjà vu ainsi. Pour des raisons différentes, certes. Il s'installe ensuite sur les couvertures tendues et tapote la place à côté de lui d'un air charmeur. Puis, s'adressant à Cieran. « J'espère qu'on va pas être malades avec ce que t'as apporté. » Il regarde particulièrement le gâteau d'un air dubitatif. Et il se justifie auprès de Veronica en levant les mains. « Moi j'ai juste apporté les pommes, c'est-à-dire la seule vraie nourriture présente. » Il faut bien qu'elle sache à cause de qui elle aura l'estomac barbouillé.

Évidemment, les deux pilotes nient toute victoire potentielle de sa part, à Mario Kart, plaidant qu’elle imagine des choses - ou qu’elle a pris leur grande générosité de gentleman pour ce qu’elle n’est pas. Veronica n’est pas dupe, et si elle n’insiste pas, elle n’a pas moins l’air très fière de sa boutade. Sachant très bien qu’à la prochaine partie, elle se fera un plaisir de leur montrer qui est vraiment le meilleur pilote à bord.
La meiilleure pilote.

Aux pieds de Cieran, une couverture sur laquelle est déposé tout le matériel d’un pique-nique. Comme une enfant, Ronnie tape des mains, aussi ravie que curieuse de voir ce qu’ils ont trouvé, afin de souligner son anniversaire. La nourriture l’intrigue, surtout : qui ont-ils soudoyé, pour obtenir cela ? Toutefois, alors qu’elle fait un pas vers le couverture pour s’installer, elle se retrouve arrêtée dans son mouvement par le regard sévère de l’Irlandais. « On est à la plage, et vous êtes bien trop habillés pour l'occasion. Et ensuite seulement, tu auras le droit à tes cadeaux. Vraiment ? » Puisqu’il insiste… La brune retire d’abord ses souliers, afin d’être un peu plus confortable à la plage (son jean, lui, reste bien en place), puis dans un geste souple, son t-shirt. Oh, elle est presque décente, dessous ! Sa bralette simple en cache plus qu’elle n’en montre (ce n’est pas comme si elle avait beaucoup de choses à montrer, de toute façon) et son tatouage au sternum est bien caché sous le tissu noir. Pas plus gênant qu’un haut de maillot. À peine plus intime.

Adrian a déjà tout vu, de toute manière, et Cieran… vaut mieux qu’elle n’y pense pas trop.

Elle balance son t-shirt à Cieran, un grand sourire malicieux sur le visage. Les joues un peu rosies, de ce strip-tease inattendu (le sien comme celui d’Adrian, qui est plus qu’agréable à mater)(là encore, elle a tout vu, mais elle n’est pas prête de se lasser du paysage). « Vire le haut, lindo. C’est mon anniversaire. »

Hé, si elle n’a pas le droit d’avoir deux hommes torse nu pour son trentième anniversaire, elle n’y aura jamais droit !

Veronica prend enfin place juste à côté d’Adrian, et son oeillade appréciatrice passe de Cieran au Mexicain, puis aux fruits nommés par son camarade. Elles ont fières allures, les pommes, à vrai dire ! « Tu crois qu’on peut vraiment les manger, ces pommes ? » Des fruits qui ont poussé dans l’espace. Ça a de quoi rendre n’importe qui un peu dubitatif, tout de même ! Elle vient ensuite remuer son nez délicat au-dessus d’un assortiment de desserts, qui éveille aussitôt sa dent sucrée. Surtout qu’au parfum et à l’oeil, elle croit bien que les délices assemblés sont portoricains. Enfin, ce qui s’en rapproche le plus, sans doute. « Comment as-tu fait pour avoir du flan de queso ? » Le budín de pan est fait sur une base de pain rassis (ou, dans leur cas, de neuf cent ans de poussière de pain), mais un flan au fromage… doit justement contenir du fromage. À voir la quantité de simili dulce de leche dans lequel le flan est noyé, elle ne sait pas si elle doit avoir beaucoup de foi dans le dit fromage. Le sourire de Veronica ne fond toutefois pas - même si tout ça goûtait la cendre, elle le mangerait avec plaisir. Parce que les efforts de ses deux amis valent bien cela. « Alors ? Quels sont mes autres cadeaux ? » Véritable gosse.

Ils sont bien trop habillés, oui, mais Adrian ne se fait pas prier bien longtemps pour se déshabiller, loin de là. Ils sont camarades de chambres, et ce ne sera clairement pas la première fois que l'irlandais voit son compère pilote en sous-vêtements. Veronica, par contre, c'est bien une première ! Cieran laisse ses yeux dériver un peu trop longtemps sur le corps de la jeune femme avant qu'elle ne lui lance son t-shirt, qu'il attrape au vol. Pieds-nus dans le sable, tous les trois, ils goûtent pleinement l'illusion offerte par l'Imaginarium.

L'ordre lancé par la jeune femme fait sourire l'irlandais, qui lui offre un salut militaire moqueur avant de répliquer. "Tes désirs sont des ordres, birthday-girl !" Il ne se fait pas prier davantage et ôte son t-shirt, gardant pourtant son short. Il n'est pas particulièrement pudique, pas en étant dans l'armée depuis aussi longtemps, mais il n'est pas pressé de supporter la comparaison avec son compère mexicain. Il n'a pas forcément à rougir, il le sait, mais il sait également que ses deux camarades ont passé beaucoup, beaucoup de temps à se voir sans aucun vêtements. Cela doit bien créer une certaine connivence, non ?

Posant les deux t-shirts sur le côté, Cieran hausse les épaules face à l'inquiétude d'Adrian. Il mentirait s'il disait être à 100% sûr que la nourriture est mangeable, après tout, mais il peut au moins le rassurer sur un point. "Ce n'est pas moi qui l'ai fait, donc il y a déjà de fortes chances que ce ne soit pas horriblement mauvais." Il n'est pas un cuisinier extrêmement doué, l'irlandais le reconnaît volontiers. A la question de Ronnie pourtant, il offre un large sourire. "Secret défense, thaisce." Il aura tout le temps d'expliquer plus tard à Adrian comment il a réussi à monnayer tout ça, grâce à sa généreuse - et ignorante, pour le moment - contribution. Se laissant tomber assis à côté de ses camarades, il ne peut s'empêcher de rire devant l'impatience quasi-enfantine de Veronica. Se penchant pour farfouiller dans son sac, le pilote finit par se redresser en tendant un cierge à la jeune femme. "Je n'ai pas trouvé de bougies d'anniversaire." S'excuse-t-il, "Alors j'ai emprunté ça." Pas de cadeaux sans bougies, après tout. "Breithlá sona *!" , lance Cieran avec conviction avant d'allumer le cierge.

Il ne sait pas trop ce qu'elle pourrait faire comme vœu, sincèrement. Que tout ne soit qu'un rêve ? Certes, aucun d'entre eux ne s'attendait à tout cela, mais Cieran sait, au fond, qu'il ne regrette rien. Il a prié pour les morts, pour ses proches, pour l'humanité toute entière. Ses prières lui ont permis, sinon de faire son deuil, au moins d'être en paix avec l'idée qu'il a survécu, lui, et qu'il lui incombe de continuer à vivre. Mais peut-être, sans doute même, que le cheminement n'est pas le même chez les autres. Alors, pour alléger l'atmosphère, Cieran penche la tête vers Adrian, se composant un air étonné. "Tu as prévu d'autres cadeaux que les pommes ?" Veronica devinera bien assez vite qu'il la fait marcher, sans aucun doute. Mais il connaît Adrian, et il sait que l'homme n'est jamais avare de plaisanteries douteuses.

Ils lui donnent leur cadeau, chacun son tour, emballé sommairement dans ce qu'ils ont pu trouver. Cieran, pour sa part, offre à la jeune femme un planeur, un de ces avions en polystyrène capable de voler sur de longue distances. Il l'a décoré des couleurs de son équipe de foot préféré, et a même dessiné une petite Veronica aux commandes de l'appareil.

Pieds-nus dans le sable virtuel, assis par terre sur la couverture dénichée par Cieran, ils se croiraient presque en vacances, tous les trois, à fêter l'anniversaire d'une amie chère sur sa plage préférée. Quelques dizaines de minutes volées aux autres passagers du Voyager, placées uniquement sous le signe de la détente. Ca fait du bien de faire semblant, songe Cieran en observant le ciel bleu au-dessus de sa tête, avant de se laisser tomber sur le dos, fermant les yeux pour mieux savourer le bruit des vagues. Le repas n'était pas si mauvais, compte-tenu de sa fabrication. Sans réelle saveur, évidemment, mais pas si mauvais.


¤ Joyeux anniversaire

Ils ont fière allure, tous les trois à moitié vêtus, dont elle qui est hilare devant son cierge d’anniversaire (Dieu leur pardonnera bien leur léger sacrilège). Elle doit reprendre son souffle, avant de se concentrer sur la flamme qui vacille devant ses yeux. Alors que l’Irlandais l’allumait, par instinct, elle a pensé à ses proches, à ses morts, à ceux qu’elle ne reverra plus ; cette fois, pourtant, Ronnie sait qu’elle doit penser à l’avenir. À ce qui se trouve devant eux, à quelque part dans l’immensité inconnue, inexplorée. À quelque part dans les étoiles.

Elle regarde les deux hommes comploter à voix basse, leurs sourires fiers de leur surprise. Puis, l’Imaginarium. Les merveilles perdues de son île, le son des coquís, leur chant omniprésent qui a le don de l’apaiser. La Portoricaine ferme et les yeux et en un souffle vigoureux, éteint le cierge.

Un autre sacrilège que Dieu lui pardonnera.
(elle a pensé aux vivants)

Les pâtisseries ne goûtent pas celles de sa mère, ou de son abuela, mais elle s’en fout, elle les mange avec autant d’appétit. Les pommes ont un croquant inattendu, un goûteux juteux et délicieux, qui lui met les larmes aux yeux, alors qu’elle mâche ses quartiers avec la lenteur d’un goûteur professionnel. Sans savoir si un jour, elle pourra à nouveau déguster ce fruit. La sensation de croquer dans quelque chose d’interdit, Ève de l’espace. Puis, il y a les cadeaux, aussi ; le présent de Shamrock, d’abord, qui arrache de la désormais trentenaire une exclamation de joie. « Il est parfait ! » Elle applaudit des deux mains, la Veronica, en découvrant le planeur aux couleurs d’El Huracán Azul, avec même une petite pilote au poste de commandes. Une gamine au sourire aussi grand que son visage, qui ne peut pas se retenir d’essayer l’avion et le fait planer à travers l’Imaginarium. Elle étreint Cieran pour le remercier et sait déjà que l’objet aura une place de choix dans son dortoir. Puis, le présent de Firefly. « Oh, Adrian… ¿ que has hecho ?* », souffle la brune avec émotion, alors qu’elle découvre le bracelet métallique. Le Mexicain l’attache doucement à son poignet et leurs mains s’attardent les unes dans les autres, pendant quelques secondes, moment presque volé d’intimité, alors qu’ils n’osent pas s’embrasser devant Cieran. Leurs regards en disent bien long, toutefois, sur les remerciements qui suivront, dans quelques heures.

Plus tard, elle somnolera, lovée entre les deux hommes, les yeux alourdis par le roulis des vagues et les rires, l’estomac plein.

Elle se dira que ce premier anniversaire sous les étoiles est réussi.

*Qu’as-tu fait ?