Les bonnes habitudes ne s'oublient pas !

Déjà 5 jours ! Putain ! 5 jours…
On se réveille avec ce message, alors qu’on est encore à moitié dans les vaps. On aimerait se le repasser 20 fois, pour être bien sûr d’avoir compris le sens général. Et puis finalement on reste encore dans les vaps pour un bon moment… La Terre détruite… rien que ça. Ça fait de nous, quoi ? Les derniers représentants de l’espèce humaine. Je voulais me faire un nom pour la postérité mais là c’est juste un peu exagéré. Et puis quelle postérité ? C’est quoi le plan maintenant pour le maintien de l’espèce ? Sans parler du fait, sûrement un peu stérile, de vouloir faire survivre les hommes sans nulle part où les implanter. Je crois que je vais un peu loin dans les questions existentielles, faut pas que j’oublie que ça a jamais été trop mon truc. Je suis plutôt terre à terre avec des considérations plus concrètes. Par exemple, je sais pas comment ça s’est passé pour les autres mais pour moi, c’est pas simple ce réveil. J’ai bien mis 4 jours à me remettre physiquement et encore je ne me sens pas au top. Passe encore les crampes la nuit, les courbatures qui n’en finissent pas, mais alors les vertiges ça c’est vraiment handicapant… Surtout que bon, faudrait pas que trop de monde s’en rende compte non plus. On se connaissait peut être pas avant, mais il est hors de question de rater la première impression. Peut être pas la plus importante mais pas loin…

Du coup retour à la salle, faut que je me rebooste un peu ! Je vais éviter la muscu je crois que mes muscles sont pas encore prêts à encaisser la fonte. Alors je vais démarrer avec un truc un peu plus soft, en douceur, avec quelques passes sur les sacs de frappes. C’est un bon moyen de se dérouiller de partout : déplacements de jambes, mouvements de bras, plus la cardio. Un bon moyen pour savoir où je me situe dans ma forme. Inspiration, expiration, frappe… J’enchaîne quelques coups puis j’accélère le rythme, je suis moins rouillé que ce que je croyais. Après vingt bonnes minutes et une bonne suée, je m’accorde une petite pause. Les sensations me reviennent bien, la boxe c’est comme le vélo finalement ça ne s’oublie pas. Je vais même pouvoir enchaîner sur une petite séance avec un partenaire histoire de changer un peu le rythme. Mais en regardant autour de moi, je constate que la salle n’est pas bien pleine, je ne vais pas avoir l’embarras du choix. Une heure trop matinale peut-être ? Je lance tout de même : « Ça tente quelqu’un une petite séance sur le ring ? » et j’ajoute, plus pour moi que pour mon futur partenaire « Un petit échange pas trop violent, juste histoire de se dérouiller les muscles. »

C'est amusant, mais ils ne sont pas bien difficile à discerner, les nouveaux éveillés. Le Voyager se remplit, c'est un fait, et avec le roulement de leurs planning ce n'est pas évident de croiser tout le monde mais pourtant, réellement, les petits nouveaux se remarquent facilement. Un je-ne-sais-quoi de différent, peut-être encore le choc de la nouvelle et de leur actuelle situation ? Une hésitation dans leurs mouvements, dans leur sens de l'orientation, alors que désormais les habitués ont fait de leur Arche leur nouvelle maison ? Quoi qu'il en soit, s'il avait de l'argent, Cieran n'hésiterait pas à parier que le boxeur amateur, aux prises avec le sac de frappe, est l'un de ces nouveaux éveillés. L'irlandais est pourtant trop bien élevé pour continuer à dévisager l'homme et préfère se concentrer sur ses propres actions.

Mais quand l'homme lance un appel pour un partenaire, Cieran n'hésite pas bien longtemps avant de sauter sur l'occasion. Il n'est pas très doué en boxe, n'en ayant jamais fait plus qu'un peu à l'université et occasionnellement lorsqu'il était à l'armée, mais il se défend. Et puis, s'il ne s'est pas trompé, l'homme est réveillé depuis bien peu de temps et ne devrait pas être un adversaire trop redoutable - ce n'est pas de la triche, c'est de l'opportunisme ! "Je suis votre homme." Lance l'irlandais tout sourire, se moquant bien de la repartie cliché au possible. Il attrape une paire de gants de boxe avant de se hisser sur le ring, s'avançant pour frapper ses gants contre ceux de son partenaire du moment.

"Cieran." Se présente-t-il, sachant pertinemment que son prénom, bien plus que son anglais chantant, trahira allègrement ses origines. "Si j'ai bien compris, on y va doucement. Vous n'êtes pas réveillé depuis longtemps, n'est-ce pas ?" Parier contre soi-même, c'est un peu inutile mais peu importe, il est curieux l'irlandais. Cieran recule un peu et se met en garde sachant que vu son niveau, son jeu de jambes reste sans doute son meilleur atout. Il reste aux aguets, observant son partenaire avec attention, pas franchement pressé d'être celui qui attaquera en premier. Il risque fort d'être rouillé, depuis le temps, et la défense est sans doute plus facile à gérer que l'attaque, surtout si l'homme est doué ! Et il a le pressentiment, Cieran, que son adversaire est d'un tout autre niveau que le sien. Il aurait peut-être dû attraper un casque, tiens ! S'il revient avec un œil au beurre noir, il n'a pas fini d'en entendre parler !

Et puis au moins, se forcer à observer son partenaire, définir une stratégie d'attaque ou de défense, cela contribue à maintenir ses pensées occupées, loin de tout ce qui secoue le Voyager en ce moment. Loin de la suspicion, des cadavres ou de leur futur précaire. C'est appréciable, même si ce n'est pas pour longtemps. Et peut-être qu'il l'envie un peu, ce nouvel éveillé qui n'a pas connu tout ce qu'ils ont vaincu, qui n'est pas - encore - marqué par l'inquiétude, les peurs et les doutes. Oui, il l'envie un peu, c'est sûr, pas assez cependant pour ne pas avoir de scrupules à engager un combat amical alors que l'homme souffre encore potentiellement des effets de son réveil. Non. pas du tout.

Bon, on va pas le dire trop fort, mais une part de moi espérait que personne se propose. Et sûrement pas avec autant d’énergie… D’autant qu’il a l’air gaillard et en pleine forme le bonhomme, aucune chance qu’il soit réveillé depuis peu et dans les choux comme moi, j’espère vraiment ne pas avoir présumé de mes capacités. Mais bon plus le choix, on va pas faire marche arrière maintenant…
J’accueille mon partenaire avec un sourire tout en le jaugeant, une vieille habitude des compétitions. Et ce que je vois me rassure moyennement quand à l’issue de notre échange : ses déplacements sont fluides, sa démarche assurée et il enfile ses gants comme quelqu’un qui a déjà boxé. Cela dit, qui se lance sur un ring en n’ayant jamais mis de gants avant…
La deuxième évaluation c’est le salut, cette petite frappe des gants sert plus à ça qu’à se saluer en vérité. C’est là que je constate que mon homme n’est quand même qu’un amateur, les pros ont cette façon bien à eux de retenir leur frappe tout en ne la retenant pas vraiment. Difficile à expliquer, c’est une phase d’intimidation en quelque sorte.
Je réponds à son salut : « Léon, sympa de te proposer. »
Le prénom et l’accent, mon partenaire vient du Royaume Unis pour sûr, ça sent le gaélique à plein nez. Irlandais ou Gallois ? Ma connaissance du royaume unis reste faible, j’ai jamais mis un pied là bas…
Au hasard finalement je tente : « Irlandais ? » Pas sûr non plus que lui devine mon origine, passer toute sa vie dans un pays quasi anglophone ça masque bien les accents.

Clairement je suis vraiment pas réveillé depuis assez longtemps… Tant pis, on abandonne l’attitude inflexible, c’est cramé visiblement.
« Ça se voit tant que ça ? 5 jours et j’ai toujours l’impression que ça fait 10 minutes. C’est pareil pour tout le monde ou c’est juste moi ? Du coup, oui, si ça te va, on attaque en douceur, mais pas trop non plus, j’ai de bons restes visiblement. » Abandonner la façade je veux bien, mais pas question de passer pour trop faible non plus !

On se met en garde, mais mon homme se recule et ne semble pas vouloir amorcer trop vite le combat. Dommage pour lui, j’ai jamais été adepte du chat et de la souris. Je lance 2 petites attaques, direct puis crochet, pour tester ses réflexes et observer ses déplacements. Puis j’enchaine avec une petite feinte et je lance ma frappe. Un peu plus mollement qu’il aurait fallu mais ça reste un combat amical, je m’en voudrais de le sonner dès les premiers coups.
Je profite du temps de récupération pour amorcer une petite discussion autant pour briser la glace que pour essayer de le déconcentrer un poil : « C’est pas vraiment ton sport de prédilection, je me trompe ? Ça fait longtemps que t’as pas mis les gants ? Le ‘en douceur’ était autant pour toi que pour moi en fait ! » Les petites railleries c’est plutôt monnaie courante sur le ring et j’ai jamais été en reste, j’espère juste qu’il n’est pas trop susceptible…

Il n'est pas un pro, inutile de le nier, et n'a jamais eu l'intention de faire semblant d'en être un. Évidemment, l'armée irlandaise prône la bonne forme physique de ses membres mais l'irlandais a toujours préféré les cours de ju-jitsu ou de TIOR à la boxe. Son opposant du jour ne lui en tiendra pas rigueur, probablement. L'homme se présente à son tour, lui indiquant son nom avant de lui demander sa nationalité. "Gagné !" Lance Cieran avec une fierté qu'il ne cherche pas à dissimuler. Il ne s'en cache pas, il est fier de sa patrie, même si elle est disparue maintenant. "Tu viens d'où ?" Demande-t-il, curieux mais pas vraiment joueur. Il n'est pas assez sorti de son Irlande natale pour se targuer d'être un expert en accent.

Par contre, en ce qui concerne la date de réveil de son compagnon de ring, Cieran est persuadé de ne pas se tromper. L'homme s'interroge et l'irlandais lui offre un sourire qui se veut rassurant. "Non, c'est pareil pour tout le monde. C'est juste, un petit quelque chose, des hésitations, des détails. Et on ne s'est jamais croisé, je pense." Ce qui n'est pas forcément une indication fiable puisque désormais qu'ils sont presque une centaine, leurs temps de travail, de repos ou de loisirs se chevauchent parfois sans vraiment leur laisser le temps de tous se connaître. En tout cas, l'homme rappelle qu'il faut mieux qu'ils y aillent en douceur, un rappel que l'irlandais valide à cent pour cent. Léon attaque sans précipitation, direct, crochet, avant de lancer un coup qui prend l'irlandais presque au dépourvu et vient frapper ses avants-bras, levés dans une garde approximative - et hâtive, en vérité. Léon reprend la parole, moquant gentiment son manque d'expérience et l'irlandais secoue la tête, loin d'être vexé.

"Qui te dit que je ne suis pas un grand champion incognito ?" Demande-t-il en tentant de prendre un air offensé, avant de laisser tomber. "Techniquement, ça fait 900 ans." Souligne-t-il avec malice, ignorant sciemment son cœur qui se serre à cette idée, pas encore totalement acceptée au fond. "Et quelques années de plus. Je suis plus doué en combat qu'en boxe, même si j'ai déjà fait quelques tournois amateurs organisée par mon escadron." Est-ce utile de préciser qu'il les a tous perdu, sans exception ? Sans doute pas. L'irlandais tente une feinte de corps avant de lancer un direct vers son adversaire. "Je suppose que tu es plus expérimenté, et qu'il me faudra compter sur la chance ou les symptômes persistants de la cryo pour espérer ne pas me ridiculiser." Cieran soupire avec ostentation, comme s'il portait tout le malheur du monde sur ses épaules, mais l'éclat rieur dans ses yeux dément son accablement.

Quand Cieran me retourne la question des origines, je ne suis pas sûr de pouvoir arborer la même fierté que lui. Parce qu’il en est fier de son Irlande et ça se voit comme le nez au milieu de la figure !
« Je suis Congolais, mais j’ai grandi en Suède. Mon père était diplomate. » Me sens-je obligé d’ajouter. Parce que le Congo et la Suède en théorie n’ont rien à voir ensemble : pas la même langue, pas d’histoire de colonisation… « J’admire ceux qui, comme toi, admire leur pays, j’en tire pas autant de fierté… » Je secoue la tête pour chasser les pensées qui m’ont assaillies à l’évocation de mon enfance. C’est sur, un pincement me serre en pensant que tout a disparu, mais ça reste pas des bons souvenirs tout ça…

Le sourire rassurant et les paroles réconfortantes de l’Irlandais sur les effets de la cryogénisation me laisse mi-figue mi-raisin. Ça fait un peu forcé comme discours, comme si ça avait été resservi des dizaines de fois déjà, à chaque nouvel éveillé croisé. Mais bon, j’imagine que comme il le dit, c’est pareil pour tout le monde. Je crois qu’il n’y a pas à épiloguer plus longtemps…

Il me fait sourire cet irlandais, non seulement il ne prend pas mal, mais il a même un peu de répartie. Je rétorque à sa remarque avec un grand sourire « Si on va par là, ça fait 900 ans pour moi aussi ! Je dirais donc que ça ne compte pas ! On pourra peut-être tenter autre chose plus dans ton domaine, alors, la prochaine fois que nos temps de repos concordent ?» J’ai jamais été très sociable, mais vu les circonstances, je crois que je vais revoir ma position sur les interactions sociales. Avoir quelqu’un dans son réseau avec quelques sujets de discussion autre que ce vaisseau et ces problèmes, ça va devenir plus qu’utile pour ne pas que je pète les plombs…
Un peu perdu dans mes pensées, j’ai presque failli me faire prendre par surprise par l’attaque que Cieran lance. La feinte est un peu évidente, mais le direct est bien ajusté et plutôt bien dosé. J’esquive in extremis et lui renvoie un uppercut très très approximatif avant de me replacer en garde. « Ton escadron ? Militaire alors ? Quel domaine ? »
Décidément il me fait sourire cet irlandais avec ses soupirs faussement contrits, démentis par l’amusement évident qu’il prend. Ouais, il me fait sourire, je crois même que je l’aime bien.

L'homme ne se fait pas prier pour répondre, et il devance même la question muette de l'irlandais. Fils de diplomate, alors. Les voyages, les absences sans aucun doute et la réponse de Léon semble aller dans ce sens : il ne doit pas avoir que de bons souvenirs de son pays, au ton qu'il a pris. Cieran se sent vaguement désolé pour lui, ce qui ne l'empêche pas de sourire avec fierté. "Irlandais depuis des dizaines de générations, originaire d'un endroit perdu dans la campagne. Mais notre endroit perdu." Il ne prend pas la peine de se cacher, le pilote, il aime son Irlande, ses verts paysages, ses falaises vertigineuses et même son temps peu clément. L'idée qu'il ne la retrouvera jamais s'impose à son esprit mais il la chasse d'un serrement de la mâchoire, avant de se concentrer sur son adversaire du moment. Ce n'est pas le moment de se montrer nostalgique, et il a décidé, Cieran, de se montrer résolument positif malgré tout ce qui leur tombe dessus. S'il y arrive.

Ils n'échangent pas que des coups et Léon renchérit sur ce que Cieran vient de dire, réfutant totalement la valeur de son argument en précisant qu'il en est de même pour lui. Mais l'homme semble le prendre à la rigolade, aussi Cieran hoche la tête en faisant un pas en arrière, pour mettre un peu plus de distance entre lui et son adversaire. "Aucun problème. Une partie de foot à deux, ça risque d'être compliqué, mais on peut s'affronter sur Fifa sans souci." Plaisante-t-il en évoquant le jeu. Les concepteurs du Voyager ont eu une riche idée en embarquant tout un tas de jeux vidéos !

L'attaque surprise de l'irlandais ne touche pas sa cible, la faute aux réflexes de Léon, et la réponse de son adversaire déstabilise presque l'irlandais quand il veut l'éviter, ses baskets dérapant sur le ring. Il évite de justesse le coup, qui même approximatif aurait pu le sonner, et se rétablit tant bien que mal en faisant à son tour quelques pas sautillants en arrière, histoire de mieux évaluer sa prochaine attaque. "Yep" Lance-t-il avec bonne humeur, "Aer Chó... heu... armée de l'air." Traduit-il rapidement, histoire d'éviter les yeux ronds et l'incompréhension de son interlocuteur. Il s'habitue, l'irlandais, à utiliser l'anglais même pour les termes plus techniques mais les habitudes reprennent vite le dessus, et le fait de parler irlandais avec les quelques réveillés du bord et Ronnie, surtout pour éviter que quelqu'un ne les comprenne, lui joue encore des tours. "Je suis pilote." Explique-t-il rapidement. "Pour les chasseurs du Voyager." Précise-t-il avant de demander à son tour. "Tu as servi dans l'armée ? Tu fais quoi à bord ?" Ajoute-il avec curiosité avant de lancer brusquement son attaque, faisant mine de lancer un crochet rapide sur le visage de son adversaire avant de d'opter pour un direct vers l'estomac. Un enchaînement rapide, en comptant sur la lenteur de la réaction de Léon, Cieran espère que cela lui suffira pour prendre l'avantage.

Pas que le congolais ne se soit montré particulièrement lent jusqu'à présent, c'est vrai, mais le pilote espère bien que le temps de réflexion que l'homme prendra pour lui répondre lui servira quelque peu. Pour l'instant, aucun de leurs coups n'ont porté, mais cieran sait bien que ce n'est que pour tester l'autre et connaître ses réflexes et son mode de fonctionnement. Il n'est pas très doué, certes, mais il se défend et se doute bien que Léon, à voir ses mouvements, en connaît bien plus que lui sur les postures et les attaques à adopter. Cieran, lui, doit juste être rapide : ils font approximativement la même taille mais l'homme n'est pas réveillé depuis bien longtemps, peut-être que cela le ralentira suffisamment ?

Décidément depuis mon réveil c’est l'enchaînement des surprises. Certaines meilleures que d’autres… Evidemment aucune comparaison possible entre ‘il y a des aliens à bord qui veulent nous tuer’ et ‘les concepteurs ont même pensé à embarquer des jeux vidéos’ ! « Sérieusement !? On a Fifa dans les cartons !? J’ai raté ce genre d’info capitales au briefing » dis-je avec un franc sourire. « Je vais de surprises en surprises. D’autres choses utiles que je devrais savoir avant de passer pour le nouveau réveillé qui débarque à chaque conversation ? Surtout du style des sujets à éviter ou à aborder avec certaines personnes ?» Pour la vie en huis clos, c’est toujours utile de savoir où on met les pieds avant de se griller complètement. D’autant que la situation pourrait fort bien durer un très long moment.

J’attendais pas grand chose de ma contre-attaque en uppercut, mais je constate quand même avec plaisir qu’elle déstabilise l’Irlandais. Elle n’est vraiment pas passée loin, j’ai de bons restes finalement malgré les séquelles du repos forcé. Je me recule également, reprenant des distances et nous laissant le temps de reprendre un peu de souffle. Pilote de l’armée de l’air ! Rien que ça ! Je l’avoue je suis un peu impressionné, c’est que ça en jette un peu… Surtout lancé comme ça, l’air de rien, dans ce qui, j’imagine, est de l’irlandais. « Pas mal comme affectation ! Je comprends mieux d’où tu tires une forme comme ça. Je suis pas militaire, non, bien que l’idée m’ait effleuré quand j’avais besoin de structure dans ma vie. A la place j’ai fait de la boxe ! » lance-je en frappant mes gants l’un contre l’autre dans une tentative toute macho de me valoriser un petit peu… « Mais maintenant, je suis médecin. Légiste en fait. »
Et voilà une seconde d’inattention, et la vitesse d’attaque de Cieran me surprend. Au vu de ce qu’il m’avait montré auparavant, j’aurais du être plus vigilant. C’est pourtant une des bases que mon coach me répétait sans cesse : ‘T’es trop sûr de toi Léon, trop prétentieux, ça te jouera des tours et pas qu’une fois !’ Mantra que je répétais moi-même aux jeunes que j’entrainais. L’ego n’a pas sa place sur le ring, y’a que la concentration qui vaille… Heureusement le coup, même s’il est bien ajusté, n’est pas suffisamment appuyé. Je m’en sors bien… Je reprends mes déplacements en essayant de me remettre dans l’échange. Je lance une série d’attaque que je veux rapide –crochet au corps à droite puis à gauche, feinte au visage pour enfin envoyer ma frappe : direct du gauche – pour tenter de reprendre l’avantage. Mais la rapidité n’est pas encore mon fort, aucune certitude quand à la surprise que ça pourrait lui créer. Alors je reprends aussi la joute verbale : « Tu as déjà eu l’occasion de faire des sorties ? Dans l’espace je veux dire. De ce qu’on en voit par les hublots, ça doit déstabiliser par rapport à ce que tu connaissais de notre galaxie… » Outre la tentative de déconcentration, le sujet m’intéresse vraiment. L’immensité de l’espace et pouvoir l’explorer doit être grisant. « C’est ta spécialité le pilotage des navettes spatiales ? »

Au moins, la nouvelle qu'ils ont à bord des jeux vidéos semble enthousiasmer son adversaire et l'irlandais lui rend son sourire. Le rendez-vous est acté, et il se promet de prendre le mail de Léon pour lui proposer une partie un de ces jours ! Quand il sera un peu plus réveillé, évidemment, il ne voudrait pas que sa victoire - évidente - soit ternie par des soupçons de tricherie ! Léon enchaîne en lui demandant s'il a des tuyaux et le sourire du pilote s'élargit. Il serait faux de nier qu'il a l'oreille pour les ragots, de toute façon. "Renseignes-toi sur les filles de la cryo." Lance Cieran avec amusement. Ca, c'est un sujet que tout le monde maîtrise plus ou moins sur le Voyager ! "Et ne parles pas de ce qu'il s'est passé, si tu ne veux pas raviver les suspicions." Soupire l'irlandais, perdant sa bonne humeur quelques instants. L'ambiance s'est tendue depuis le meurtre d'Alena, et les dossiers révélés n'ont rien arrangé, bien au contraire. Léon, en tant que tout nouveau réveillé, est certainement l'un des moins suspects. "Tu ne t'es pas réveillée dans la bonne période, malheureusement." Ajoute Cieran avant de se re-concentrer pour échanger d'autres coups avec l'homme.

La contre-attaque de Léon l'a pris par surprise, et ils échangent encore quelques coups. L'homme semble impressionné mais Cieran balaie le compliment d'un geste. Etre pilote, ça impressionne, il le sait mais réellement, il n'est pas assez imbu de lui-même pour en tirer fierté, pas comme certains. Oh, il est fier d'être ce qu'il est et de faire ce qu'il fait, mais réellement, il n'aime pas s'en vanter. La remarque de Léon le prend au dépourvu pourtant. Si l'homme est un vrai boxeur, pas comme lui, cela explique bien des choses en réalité ! Et médecin légiste... Ça a aussi le mérite d'expliquer pourquoi il est réveillé maintenant. Cieran lance une attaque particulièrement rapide, espérant prendre l'homme au dépourvu mais il échoue de peu, et doit mobiliser toute sa concentration pour parer les coups qui viennent après. La garde de l'irlandais ne plie pas pourtant, et il finit par reculer de quelques pas, essoufflé par l'effort, alors que Léon reprend la parole. Mais ses questions poussent l'irlandais à réfléchir et la feinte de son adversaire le prend au dépourvu, le direct du gauche de Léon enfonçant sa garde bien trop légère. Il recule encore l'irlandais, toussant pour reprendre son souffle, avant de se forcer à se redresser pour faire face à Léon. "Joli coup." Autant le saluer pour ça, il ne l'a pas vu venir. "Et oui, je suis sorti. Plusieurs fois." Il ne va pas s'étaler sur son échec d'il y a quinze jours, par contre. "Is iontach... euh... Merveilleux ? Magnifique ?" Hésite l'irlandais. "C'est grisant, de se dire que l'on est dehors." Il n'y a pas assez de mot, sans doute, pour l'exprimer. "Et non, c'est la spécialité de Veronica." C'est bien pour ça qu'elle a piloté, d'ailleurs, et pas parce qu'elle a gagné leur pierre-feuille-ciseau qu'il avait presque légitimement remporté. "Une autre pilote. Je me partage les chasseurs avec mes autres collègues." Souffle-t-il, sans même se demander si Léon saisira la différence d'expérience entre leurs chasseurs maniables et les navettes bien plus grosses.

Il ne se laisse pas démonter l'irlandais, et s'avance vers son adversaire, faisant mine de chercher à asséner un uppercut avant de s'interrompre quelques secondes pour proposer au congolais. "Passe à l'Arboretum, si tu veux vraiment en prendre plein les yeux." Réveillé depuis peu de temps, Léon ignore peut-être la vue époustouflante de l'espace qu'on peut y avoir. Il enchaîne directement, l'irlandais, sur un crochet du gauche dans lequel il met toute sa force. Léon n'est pas le seul à parler pour décontenancer son adversaire !

Il est friand de potins l'irlandais, c'est vrai - surtout qu'il s'est trouvé une complice aussi intéressée que lui - et Léon ne semble pas être fermé sur la question. L'irlandais se contente de lui adresse un sourire joueur, avant de répondre avec malice " J'ai l'air de plaisanter ?" Il s'est réveillé trop tard, Léon, mais Cieran est tout déterminé à le tenir au courant de ce qui se passe d'intéressant sur leur arche ! De toute façon, c'est clairement un sujet plus léger que tout ce qui se passe en ce moment. Léon se montre curieux et l'irlandais ne peut pas l'en blâmer : l'homme a participé à l'autopsie, presque à son réveil, c'est un peu normal qu'il cherche à en savoir plus, vu le contexte ! Mais Cieran secoue négativement la tête : Adrian doit se faire interroger aujourd'hui mais pour le moment, il n'en sait pas plus.

Léon a frappé plus fort que Cieran ne l'avait escompté mais l'homme ne pousse pas son avantage, ce que l'irlandais apprécie à sa juste valeur. Il n'est pas un boxeur et il doute d'être à la hauteur si Léon prend réellement leur échange au sérieux. Pour le moment, c'est juste un échange entre adversaires respectueux, autant rythmé par leurs coups que par leurs paroles. Et l'homme se montre curieux, c'est un fait ! Cieran le comprend, en même temps : être réveillé depuis peu et se trouver réellement dans l'espace, dans un univers inconnu, est une source de questionnements presque inépuisables ! L'irlandais se redresse, après le coup de Léon, et réfléchit quelques secondes avant de répondre en riant. "Viens dans les hangars un jour, je te ferai visiter !" Lance-t-il avant de reprendre, plus sérieusement :" C'est une approche différente. Les navettes sont lourdes, moins maniables, alors que les chasseurs sont prévu pour un seul pilote." Il garde les choses simples le pilote, l'homme est un novice et il se demande même s'il a déjà vu de près un de leurs chasseurs. "Tu vois la différence entre un bus et une voiture de sport ?" Explicite Cieran, non sans avoir jeté un regard autour de lui pour s'assurer de ne pas être à portée de voix de Veronica. On ne sait jamais, et il ne tient pas plus que ça à la contrarier. "Les chasseurs sont là pour la défense, principalement, les navettes sont taillées pour l'exploration et le transport : plus grande capacité, meilleure autonomie, ce genre de choses." Il pourrait en parler de longues minutes, réellement, mais quelque chose lui dit que Léon est là pour se dépenser et non pour subir un cours magistral.

Leur combat reprend, une fois que Cieran a repris ses esprits et ils échangent de nouveau quelques coups. L'irlandais opte à nouveau pour la déstabilisation de son adversaire mais il était loin de penser que cela fonctionnerait aussi bien ! Son coup atteint sa cible et Léon pose un genou à terre, visiblement sonné. Il n'a pas réellement le temps de réagir le pilote que l'homme se relève déjà pourtant et même si les mots de son adversaire sont des compliments, l'irlandais ne peux s'empêcher de grimacer d'un air désolé. Il ne pensait pas y avoir mis tant de force, sincèrement. "Je suis vraiment désolé. J'ai eu de bons profs, il faut croire." Et Léon est, définitivement, pas au top de sa forme, inutile de le nier. "Ca va aller ?" S'enquiert l'irlandais, un peu coupable à l'idée d'avoir corrigé un nouveau à peine réveillé, peu importe que ce soit de façon involontaire. Il n'a pas vraiment un dossier impeccable en gestion de la violence, ces derniers temps.

Il attend que Léon reprenne suffisamment son souffle et lui fasse un signe pour continuer - ou arrêter. Il est vrai que le mettre au tapis est tentant mais ils ne sont pas là pour ça, c'est juste une joute amicale, et l'irlandais observe le jeune homme se redresser, prêt à intervenir si ce dernier lui demande de l'aide. "Si ça peut te rassurer, moins d'une semaine après mon réveil, j'ai perdu un défi contre mon officier supérieur. Mon éventuel talent n'est pas en cause, juste le cryosommeil." C'est rassurant de le penser, au moins. Sa tentative de triche contre Vakarian n'a pas fonctionné lors de leur petit défi , son son ego a moins souffert en pensant que c'était dû à son réveil récent. Si cette révélation peut apaiser l'ego de son adversaire !

L'exclamation de Léon a le talent de pointer exactement le problème de la réponse de l'irlandais, et ce dernier esquisse une grimace, vite effacée par un sourire malicieux. "Qui a dit que quelqu'un devait être au courant ?" Après tout, qui saura qu'il a emmené un civil visiter les hangars ? Qui, véritablement, a dit qu'ils étaient interdits, surtout accompagné de personnel autorisé. Il ne vient pas à l'esprit de Cieran - ou il ne s'y attarde pas - que personnel autorisé suppose qu'il existe du personnel interdit. Il lui suffit de s'arranger pour savoir qui, et surtout qui n'est pas, de surveillance aux caméras, et le tour est joué ! "Scout's honor." Promet le pilote. Léon ne le connaît pas, mais Cieran a beau respecter les règles, il trouve toujours un moyen de contourner ce qui ne l'arrange pas.

A la question de l'homme sur quelqu'un qui pourrait, éventuellement, les entendre, Cieran se contente d'un sourire évasif. Clairement, Léon ne connaît pas Veronica ! Ce n'est pas qu'elle entende qui lui fait peur, mais bien la façon dont elle saura lui expliquer son mécontentement. Il en a marre, l'irlandais, de se faire ridiculiser dans leurs parties de jeux vidéos !

L'échange de coups continue, dans une ambiance plutôt détendue, aucun des deux adversaires n'ayant pour réel objectif de se faire mal. Le coup donné par Cieran est bien trop appuyé et touche sa cible un peu plus fort que l'irlandais ne l'aurait escompté, mais Léon balaie ses excuses d'un geste. Visiblement, il ne lui en tient pas rigueur, et il finit par se remettre en garde, imité par Cieran. Plus prudemment, visiblement, puisqu'il garde ses distances. "Trois fois rien, une histoire de trois kilomètres et d'un manque de fair-play évident de notre spécialiste tactique." L'air innocent de l'irlandais ne trompera sans doute pas grand monde, mais qui pourrait bien l'accuser, avec des preuves, de réécrire l'histoire à sa sauce ?

L'échange reprend, mais il se méfie désormais l'irlandais. La carrure de Léon est bien plus imposante que la sienne et il n'est pas sûr que l'homme ne réagisse pas à son coup de tout à l'heure. En toute amitié, bien évidemment, mais il est sûrement plus taillé pour la boxe qu'un pilote irlandais, médecin légiste ou pas. Nouvel échange, mais il reste sur la défensive le pilote, guettant une ouverture. "Quand tu seras libre, fait moi signe. Pour les hangars." Précise l'irlandais, avant de lui lancer un sourire complice. Après tout, il a une planification sérieuse à faire, avant !