Un nouveau verre et une nouvelle rencontre [pv Cieran O'Reilly]

Il fallait croire que le meilleur moyen de surmonter une épreuve, d’encaisser toutes ces informations pouvant paraitre folle, fut de rejoindre un bar pour se remplir le bide d’alcool et oublier un moment ses soucis dans un verre. Alec connaissait pourtant l’existence du Bright Venture. Pourtant au début, il ne s’arrêtait qu’à l’entrée, hésitant à franchir le seuil de l’établissement pour succomber à la tentation de la boisson. Cela durait plusieurs jours, entre un arrêt devant et juste un petit coup d’œil. Puis il osa entrer, regardant juste comment cela se présentait à l’intérieur, prenant juste place pour regarder. Finalement, il décida d’y prendre ses aises et se comporter comme un vulgaire habituer.

Le Bright Venture faisait penser à un petit resto-bar, mais futuriste. L’agencement des tables et du bar resta classique, mais le design était très moderne, faisant penser à l’ameublement qu’on pourrait voir dans les séries et films Star-Trek ou The Orville. Loin d’être glauque et crasseux, l’établissement se montra très respectable. Divisée en deux pièces, une plutôt publique, l’autre intime, Alec ne sut quoi choisir. Il eut déjà fréquenté sur Terre des bars et des Pubs. Pourtant l’ambiance n’était pas la même. Au lieu d’être remplit et un minimum vivant par des chants ou une vive discussion, l’endroit paraissait tout aussi vide que le reste du vaisseau. C’était un rien déprimant, mais comme Alec éprouvait souvent de la timidité, il y trouva un certain courage à tenter l’aventure.

Traversant la salle à côtés des sièges parfaitement aligné près des tables, l’expert linguistique se sentit en confiance grâce à la faible musique qui emplissait la pièce à la place des clients. Ne sachant trop où poser son fessier, il opta pour le bar au fond, prenant place sur un des nombreux sièges hauts. Il se rendit compte qu’il n’était pas si seul que cela, apercevant à quelques places de lui, une seconde personne qui devait chercher sans doute réconfort et solitude ici. Alec se contenta de lui sourire et de dire un "Bonjour. Il y a foule aujourd’hui." De quoi détendre un peu l’atmosphère et briser la glace, même s’il pouvait se douter que cet inconnu puisse préférer le calme et l’isolement pour l’heure.

Ne voulant donc trop briser le cocon de cet homme, Freiszmuth se retourna vers le barman ou plutôt la barmaid. Quand la jeune femme lui demanda sur ce qu’il voulait prendre, l’allemand voulu tenter quelque chose de fort. Il demandait une boisson pouvant aussi bien l’aider à oublier, que lui faire revivre une certaine nostalgie, bien paradoxale, mais tel était l’humain.

"Un Beamish s’il vous plait."

La barmaid fit une grimace qui mit dans le doute Alec, avant de lui servir dans un verre transparent, un liquide à la couleur indéfinissable puis de disparaitre. Ayant fini, Alec regardait sa commande sans trop comprendre ce qu’il avait sous les yeux, se demandant s’il n’y avait pas d’erreur ou bien si le bar ne connaissait pas quelques bugs. Hésitant, il attrapa le contenant transparent qu’il apporta doucement à ses narines. L’odeur n’était pas spécialement mauvaise, mais cela lui fit penser à un médicament qu’on prenait pour les problèmes intestinaux. Rien que la couleur lui mit quelques doutes.

"Qu’est-ce que..." Se questionna presque en marmonnant le linguiste.

Alec n’était pas un pur touriste sur le Voyager. On lui avait déjà fait un petit topo du fonctionnement du vaisseau depuis. Seulement pour vivre, sa nourriture qui semblait bien militaire, des sortes de rations, et l’eau ne lui avait jamais mit la puce à l’oreille. Il se souvenait qu’on avait parler de stocks de vivre conserver à bord, et que même si on faisait tout pour rationner la nourriture depuis la mort de la Terre, quelques luxes auraient put subsister. Là, Alec prenait de plus en plus conscience des conditions de vie à bords du Voyager.
En même temps, il plaisanta intérieurement en se disant que si le bar restait aussi vide, c’était peut-être pour la raison de la qualité de la boisson. En tout cas, il prit vraiment son temps pour se décider si oui ou non, il devrait ingurgiter sa boisson. Sans aucun doute que cette dernière ne provoquera pas sa mort, Hécate semblait bien prendre soin de ses pensionnaires, mais il avait peur de finir à quatre pattes malades, pire que lors des festivités à Munich dont il aimerait oublier ces misérables mésaventures.

L’inconnu ne semblait chercher réellement la solitude. Même s’il s’approcha d’Alec se montrant ouvert à la discussion et on pouvait dire que pas mal de chose en peu de temps firent tilter le linguiste. Premièrement, il nota que le second consommateur était Irlandais. Détail qui ne manqua pas de lui faire sourire, car l’Irlande était une de ses destinations de voyage favorite. Il n’y était aller qu’une année ou plus pour son cursus universitaire, mais il avait tant aimé son séjour, les rencontres, la culture et la boisson servit qu’il trouva plus plaisante que celle qu’on trouvait en Allemagne. Bien entendu, rencontré quelqu’un d’Irish ici n’était pas une surprise sur un vaisseau comptant des centaines de personnes de diverses nationalités, cependant le plaisir n’était pas moindre et mit plus qu’à l’aise le nouveau venu. Grand sourire sur le visage, cependant un rien gêner d’être percer à jour du fait de n’être réveillé que depuis peu, Alec répondit favorablement à son interlocuteur.

"Oui en effet. Ça ne fait que deux semaines pas loin que je suis sortie de mon tube. Et c’est la première fois que je viens boire ici. J’avoue être quelque peu perdu encore. Enchanté Cieran. Alec Freiszmuth pour vous servir." Se présenta t’il donc tout en lui tendant une main au-dessus du bar.

Alec put mieux détails ce nouveau passager qui se présentait à lui. Plus jeune que lui, brun, barbu et un regard profond, Cieran avait une physionomie qui incarnerait bien celle de l’ami qui pouvait vous en faire voir, mais dont on s’amuserait bien tout de même. Alec ne croyait pas trop en cette science, cependant il trouva le jeune homme fort agréable et lui accorda même un minimum de confiance.
Revenant sur son verre un bref instant, le linguiste l’étudia rapidement, prenant en compte les commentaires de son nouveau compagnon. En effet la couleur ne donnait toujours pas envie. Et à entendre Cieran…

"Je n’aimerais manqué de politesse en critiquant la boisson. Mais je suppose que ça ne doit être si dangereux, sinon on aurait fermé l’établissement depuis longtemps." Ironisa à son tour l’allemand, avant de revenir au principal intéressé. "J’en déduis que vous êtes irlandais non ? Je viens d’Allemagne. J’ai déjà visité votre île et je ne cache pas que ce fut mon meilleur voyage. D’où j’ai trouvé une passion pour votre boisson. Alors dites-moi mon cher ami. Depuis combien de temps êtes-vous réveillé et comment avez-vous finis vous aussi à bord ?"

Curieux et confiant, Alec ne se priva pas de questionner O’Reilly, le cœur à en apprendre le plus possible comme lui, pourrait tout aussi bien révéler qui il était. Au moins, cet échange avait eu le mérite de faire oublier un moment les tracas de l’allemand qui ne pensait plus au fait d’être un petit nouveau perdu dans ce labyrinthe de métal perdu dans l’espace et encore moins au fait que la Terre ne fut plus qu’un souvenir avec ses habitants, tous mort d’un seul coup. Freismuth n’était au courant que depuis deux semaines au moins. Le début fut assez difficile, il prenait beaucoup sur lui, craquant le moins possible. Puis avec le temps, il tenta de faire avec ou du moins, ne plus trop y penser. Il s’en voulait aussi d’adopter une telle attitude, croyant qu’il manquait de respect à leurs chers disparus.
Fort heureusement, il avait aussi le travail qui l’aidait à passer un peu à autre chose. Il ne s’y était pourtant pas mit pleinement comme il pourrait le faire sur Terre. Il prenait un peu son temps, y allant pas à pas, s’adaptant à cette nouvelle vie dont il n’aurait sans doute jamais fait la demande…

Au fond, il se disait que Cieran devait peut-être vivre la même chose, vivre les mêmes tourments. Enfin, il ne savait rien et préféra ne pas trop aborder le sujet. Toutefois, ceci risquait fort d’être aborder à un moment ou un autre connaissant Alec. Pour l’heure, il cherchait à mieux connaitre son nouvel « ami », en savoir plus sur le vaisseau, ce qu’il se passait etc. Il en avait appris des choses, souvent des histoires peux rassurantes, mais il aimerait être documenter un maximum.
Sinon il ne disait pas non non plus à quelques échanges amicaux reposant sur des sujets classiques qui ferait oublier toute cette folle histoire.

La conversation semblait se poursuivre dans une bonne entente. Alec ne coupait pas son interlocuteur, le laissant parler et écoutait ce qu’il avait à dire. Aussi bien par politesse que volonté d’en découvrir plus sur la vie à bord, le linguiste n’était pas mentaliste, et encore moins psychologue. Pourtant il ne pouvait s’empêcher de noter l’amertume qui vivait en Cieran. Au départ ressemblant plus à un simple client de bar, le pilote s’approchait bien plus du type d’homme que pouvait être Freiszmuth en ce moment. C’est-à-dire un homme perdu, retourné par tant de malheur comme la perte de la Terre et cette histoire d’extra-terrestre et on en passe. Ceci rassurait un peu tout de même l’allemand qui se rendait bien compte qu’il n’était pas seul dans un tel état, même s’il aurait aimé trouver une idée ou image plus réconfortante.

Concernant ce « voyage qui serait la meilleure aventure de sa vie » … Alec ne savait pas trop quoi en penser. Cela devait dépendre de comment on l’interprétait sans doute. Déjà le linguiste avait un peu de recul sur les messages officiaux et était prudent sur tout ce qui concernait la propagande. Mais cela ne voulait pas dire qu’il était infaillible, juste moins sensible. Quand on lui bombardait de ces slogans accrocheurs, il ne vit qu’une petite promesse que tout était penser pour assurer un certain confort de voyage, mais rien de plus. A présent, il commençait à douter même de cette idée. Leur voyage avait-il toujours un but ou bien voguaient-ils sur les flots stellaires vers une triste fin ? Aussi désespérant que pouvait l’être la situation, Alec voulu rester positif et se dire qu’ils trouveraient bien une solution en cours de route.

"Excellente question. J'aimerais bien le savoir." Répondit donc l’Allemand au pilote, tout en contemplant son verre.

Oui, pourquoi l’avoir réveillé ? Alec avait du mal à le comprendre. Vu ce qu’il se passait, Freiszmuth aurait imaginé qu’il serait mieux de réveillés plus de pilotes, militaires et scientifiques. Lui, il n’avait aucune compétence dans ces domaines, se voyant comme un visiteur, un étranger n’ayant pas sa place. D’ailleurs, il savait qu’il n’aurait pas dû être là. C’était son mentor qui fut sélectionner pour le projet. Mais à cause de son état de santé, on l’avait désigné comme remplaçant qui avait convaincu par on ne savait quel miracle, ou par quelle « malédiction ». Et malgré toute sa carrière qui pouvait en faire saliver bien un, Alec manquait encore de confiance en lui. « A quoi je peux bien servir sur ce fichu vaisseau ?! Pourquoi ne suis-je pas resté dans mon caisson ! » Il aura sans doute ses réponses, mais peut-être pas tout de suite. Hécate était quand même une IA incroyable, dépassant tout ce qu’il a bien put voir. Sans doute prévoyait-elle quelque chose à son sujet qu’il devra accomplir en temps et en heure.

"Pour le moment j’essaye quand même de faire ce pourquoi je fus envoyé. Après tout je n’ai pas d’autre occupation en attendant. Mais qui sait, peut-être qu’on viendra faire sonner la cloche et qu’on m’appellera quand ce sera mon tour de faire quelque chose." Plaisanta-t-il.

Sinon, Alec avait déjà une petite idée. Ces aliens bien que l’histoire puisse être terrifiante, intriguaient le linguiste. Il se posait bien des questions à leur sujet et aurait voulu savoir si oui ou non ils avaient un mode de communication étudiable. Mais ce n’était sans doute qu’une idée un peu folle rien de plus.

"Mais je dois avouer que mon Munich natal me manque un peu déjà. Au moins, là-bas on servait un bien meilleur alcool comme en Irlande." Plaisanta bien-sûr Alec histoire de ramener un peu plus d’enthousiasme en cette heure. "Tiens au fait, vous êtes sortie lors d’une des dernières expéditions ?" Ceci aussi, Alec trouva la chose peine croyable. Il était tombé sur les dernières informations rapporté de planète visitée, et il ne pouvait s’imaginer tout ce qui fut découvert. Se donnant donc un grand coup de pied pour croire en l’incroyable, il se montra si curieux pour tant de chose, mais ayant cette difficulté à demander dans un ordre logique.

l’irlandais risquait fort de découragé l’allemand de boire au final. C’était à se demander s’il existait quelque chose de comestible à bord et qu’Alec s’était sans doute réveillé bien trop tard pour profiter de quelques mets et boissons sucrées et alcoolisés. Là, c’était un liquide traité et recyclée. Sans doute était-ce bon, mais on devait le boire en dépit qu’il n’y avait rien d’autre. Bah ! Au moins le Voyager pouvait encore frimer d’être un des plus beaux vaisseaux (sachant qu’il était le seul) à la pointe de la technologie. Au moins, ce n’étais pas une épave qui menaçait de tomber en morceaux au milieu de l’espace… Pas vrai ? Alec se voyait dans un reboot d’une Science-Fiction où tout le monde se retrouvait coincé dans un vaisseau et que peu aller survivre.

"Vous voulez dire la raison pour laquelle je suis à bord je suppose. Ma mission est simple, observer et noter l'évolution du langage. Dans un lieu clos, avec une petite communauté aux origines si variés, comment la communication se développera-t-elle. Plusieurs théories bien entendu furent proposées. Une langue unique s'imposera, ou bien une nouvelle serait inventée par exemple. Ces données aideraient beaucoup à la compréhension de notre propre espèce et peut-être même prévoir les évolutions sociétales dans l'avenir." Disait-il avec un regain d’optimisme, un sujet qui fit oublier un moment le situation. Et puis, Alec pouvait bien préciser les détails de sa mission. Elle n’était pas classée « TOP SECRET ». Même, si quelqu’un le désirait, il pourrait jeter un coup d’œil sur ses propres notes. Cependant, Freizsmuth aimerait minimiser ceci, car un bon observateur doit surtout réduire son influence sur les sujets tests. Enfin bon, une petite vague tristounette recouvrait le visage du linguiste.
Ses recherches auraient dû à la fin, être rapporter sur Terre pour examen. Mais la Terre n’existait plus, du moins n’était plus qu’un caillou fumant privée pour longtemps de vie. Il remettait donc en doute son travail, son utilité. Sans doute était-ce de même pour tout le monde ici, beaucoup qui bossaient en lien avec leur monde d’origine devaient perdre leur repère. Néanmoins Alec évita d’aborder le sujet, ne voulant pas donner le cafard à tout le monde, gardant l’espoir qu’une solution quelconque existait. Quoi précisément ? Aucune idée, mais l’allemand se disait que tout ne pouvait être perdu.

Cieran fit briller les yeux du linguiste en parlant d’une de ses aventures sur une planète extraterrestre. Explorer un monde étranger se révélait pour lui jusque-là, que de la fantaisie. Mais voilà que ceci fut possible. Un rêve en effet ! Une planète alien avec en prime un autre vaisseau ? Alec avait un peu de mal à le croire, tellement c’était… Et bien incroyable. Il voulait bien donner du crédit après tout ce qu’il venait de vivre en si peu de temps, mais on ne pouvait pas tout acquiescer d’un coup. Emporter par l’engouement d’un tel récit, l’allemand ne put s’empêcher de presser son compagnon de question.

"Un vaisseau alien dites-vous ? J’ai entendu parler des créatures à bord, mais pas de vaisseau sur une planète, je n’ai pas encore lu le rapport sur ça il faut croire. Vous avez une chance incroyable. Dites m’en plus je vous en prie ! Comment était-il, qu’avez-vous trouver à l’intérieur ? Oh et bien entendu, y avait-il des écrits ?!"

Alec voulait tout savoir d’un coup tellement cette perspective de découvrir de nouvelles civilisations dans la galaxie l’enivrait. C’était aussi une manière de se tourner vers l’avenir et oublier leur triste planète. Il se demanda si oui ou non, il aura la chance à son tour de fouler le sol d’un de ces mondes et admirer soit un paradis luxuriant, ou un désert de cristaux brillant. Enfin, il voulait déjà réussir à s’acclimater au vaisseau, s’habituer à ce que le Voyageur proposé, avant de partir en exploration d’un tout nouveau monde.

Finalement Alec prit le risque. D’une traite, il avala la boisson à l’aspect de médicament pour la diarrhée, faisant une grimace pour se préparer à l’horrible goût peu plaisant dont on avait tant vanté les mérites. Visage crispé, il ouvrit un œil, laissant sa face se radoucir et exprimer son verdict.

"Pas terrible certes… Mais ce n’est pas aussi infâmes comme on me l’avait promis. J’exige d’être rembourser !" Concluant avec un rire franc.

Sans se faire demander deux fois, sans doute du fait d’une si bonne rencontre, de l’enthousiasme retrouver, ou bien de l’effet insoupçonné de la boisson, Alec communiqua son mail sur le Voyager avec plaisir. Ceci n’était né que d’un simple délire, mais l’allemand s’en moquait bien. Tout ce qu’il voulait, s’était s’amuser un peu, rigoler en bonne compagnie. Et il sentait qu’avec Cieran, il serait bien servi. De plus, face à des situations compliquées, on avait toujours besoin d’être bien entourer pour surmontés les épreuves. Les deux hommes avaient visiblement le besoin de se changer les idées, se lâcher un peu de temps en temps. Qui irait les condamner pour cela ?
La conversation se poursuivit sur l’étude du comportement humain vis-à-vis des objets. Le pilote semblait comprendre l’idée proposée. Bien entendu, on ne pouvait pas tout expliquer simplement. Le psychisme humain avait des lignes reconnaissables, mais elle était si compliquée, si variante d’un individu à un autre qu’on ne pouvait pas attribuer les mêmes lois à chacun. Qu’est-ce que ce serait, si l’allemand était un psychiatre comme Freud ?

"En gros on peut dire ça oui. Mais on ne peut le dire pour tout le monde. Chacun à une expérience qui le prédispose, et il y a avant tout le contexte."

Voulant illustrer encore ses propos, l’allemand termina son verre avec une horrible grimace à la fin. Jouant avec le contenant vide, il l’agita entre lui et son compagnon de bar.

"Ce verre par exemple… Si je désire l’appeler Adrian. Vais-je m’y attacher et en faire un ami, ou bien pourrais-je le jeter sans remord sachant que ce n’est qu’un objet sans vie ?"

Le linguiste prit bien son temps pour réfléchir aux mots qu’il allait employer. Ce n’était pas son domaine et les études qu’il a pu voire étaient peu nombreuses. Donc il resta modeste, parlant avant tout de ce qu’il comprenait et pensait personnellement, sans imposer la moindre science comme véridique.

"Et bien selon la personne et sa culture, son vécu, les deux choix sont possible. Et aucune ne pourrait prévaloir sur l’autre. Si ce verre j’y mettais de l’émotion. Un souvenir d’un proche disparu, trouvé lors d’une anecdote plaisante, ou pour combler un manque, je peux y voir un compagnon en ce verre. Mais… N’ayant aucune attache avec, juste un simple verre trouver dont j’ai donné un nom après avoir picoler, il peut disparaitre cela n’aurait aucune importance."

Les connaissances psychologiques sur le sujet de Freizsmuth atteignaient leurs limites. Il pourrait continuer à en parler, présenter diverses images pour illustrer ses propos, mais on risquait de tourner en rond. Reposant donc Adrian sur le comptoir, l’expert linguistique essaya de revenir justement vers son propre domaine, là où il avait matière à parler et où il se sentirait plus à l’aise.

"Il existe un autre point que je trouve fascinant. Dans la langue, ont peut faire une distinction entre l’humain et l’objet ou machine. D’un côté les êtres de chaleurs avec des émotions, de l’autre ceux étant froid et mort. Dans ces cas-là, on ne favorise pas ce rapprochement. Alors que dans d’autres langues, comme le Français par exemple et un peu l’allemand, on peut dire Il ou Elle pour un objet. Et même chez certains peuples, des objets sont considérés comme des êtres vivants. Ceci peut traduire la considération qu’à un peuple envers ces mêmes objets ou machines. Et pourtant, on note des divergences, que malgré des barrières ou des ponts faits, certains éprouves quand même une considération ou non envers nos amis inanimés. Et là, on retombe dans de la psychologie pure."

Ce n’était pas évident, mais le linguiste s’était forcé de présenter quelque chose de simple. Si on le laissait faire, pendant toute la journée, il soulerait pire que la boisson servit ici, l’irlandais avec ses explications. Il s’y prendra petit à petit, faisant une petite intro comme là il venait faire et essayera de répondre au mieux, si le cœur lui en disait, à Cieran s’il avait la moindre question.
De plus, le sujet fascinait également l’allemand. Cette considération envers les robots trouvait des explications dans tant de chose, et l’étude linguistique n’y était pas étranger. Si justement à un robot on parlait de lui de façon neutre, l’humain étant de nature sociable, fit très vite évoluer son mode de pensée pour presque mettre sa création sur un pied d’égalité. Attention à la révolte des robots dans ce cas.

Pendant un moment, Alec eut le sentiment de revenir au temps où il donnait quelques cours à la faculté ou discutait avec ses collègues. Loin d’y éprouver une tristesse nostalgique en repensant encore de ses belles années qui de manière in soupçonnaient, allaient l’exilé dans l’espace, ce fut le cœur hardi et sourire aux lèvres qu’il revivait l’expérience. Voyant les choses sous un point de vue optimiste, cette conversation amenait un sentiment paradoxal entre le fait de vivre ce qui lui plaisait tant sur Terre, mais en même temps lui faire oublier son chagrin. Et ne voulant se laisser aller à la mélancolie, Alec se laissa donc emporter par cette jouissance du moment, à qui il le devait entièrement à son nouveau compagnon irlandais.

"Mais vous ne m’agacez pas du tout l’ami ! Et pour preuve, ce sera avec plaisir que je vous répondrais. Effectivement, c’est que je voulais expliquer un peu avant. Point de vue personnel ou culturel, notre vision du monde et de ceux qui le compose dépend beaucoup de notre vécu. Cela compte aussi bien notre propre expérience que l’éducation que nous donne notre société. Un exemple un peu radical, dans certaines tribus d’Asie et même d’Amériques, les objets inanimés étaient considérés comme le réceptacle d’âmes, des êtres vivants divinisé. Bon, je ne dis pas que ce verre ou nos amis robots sont des dieux. Mais pour montrer que selon où on vie et ce que l’on vit, on peut aussi bien voir une machine comme notre semblable, ou pas du tout."

Il y avait beaucoup de cas exceptionnel, de culture aussi singulière que les autres. Alec mettrait tout un siècle à en parler, préciser et énuméré. Mais un siècle, il n’en avait surement pas et risquait fort d’ennuyer ce pilote à la longue. Alors il essayait d’être le plus concis possible, prenant quelques raccourcis bien entendu dans son raisonnement, qui pourraient à la longue, méritaient quelques précisions. Mais à force de prendre des verres ici, la tâche risquait d’être quelque peu ardu.
Cieran parla donc de son robot, la fameuse Lady dont le pilote semblait très attaché. L’allemand l’écouta donc, et avec l’émotion exprimait à travers la voix, trouva l’irlandais fort sympathique. Plus qu’au départ même. Il était curieux de lui poser des questions à son sujet, mais la remarque de son compagnon, comme quoi il n’était pas psy le freina quelque peu. Il ne voulait pas trahir cette image, se faisant passer au final pour un psychologue de bas étage. Idée amusante.
Alec ne connaissait pas la vie du pilote, ni ce qui pourrait expliquer son attachement à un robot. Peut-être le fait de se savoir seul, isolé dans l’infinité, peur de la solitude alors on personnifie ce qui peut exprimer un minimum de sociabilité ? Ou pas, tout était possible. Freizsmuth avait déjà croiser quelques opérateurs dans les couloirs. Ces espèces de grosses boites colorées flottant dans les airs l’impressionnaient un peu. Il avait à peine prononcé quelques mots devant eux, sans trop savoir si ces machines pouvaient le comprendre. Peut-être bien que oui, ces êtres pouvaient faire office de bons compagnons, Alec avait du mal à trancher un avis à leur sujet. Alors oui, il comprenait bien que c’étaient avant tout des outils de travail, servant à seconder l’équipage, mais éprouver un attachement, les voir autrement que ce pourquoi ils furent créés… Impossible à se prononcer, pourtant, vu l’expression de Cieran les concernant, le linguiste pouvait déjà y réfléchir.

"Pas contre un jus de pomme. Enfin, si c’est bien meilleur que cela."

Difficile de faire passer ou même d’oublier le goût de cet alcool recyclé. Ce n’était pas à proprement parlé de l’alcool même qui risquait de faire tourner la tête, mais de l’ensemble de la boisson qui n’avait plus le même goût depuis longtemps et qui devait être la boisson du désespoir, quand il n’y avait plus rien d’autre à boire. Mais bon, Alec gardait justement une étincelle d’espoir comme quoi, un simple jus de fruit serait peut-être plus comestible. Comme on le disait si bien « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. » Ayant déjà un peu la tête qui tournait, l’allemand sentit un élan de motivation pour tenter de se renseigner un peu plus, sans trop paraitre déplacé.

"Et cette fameuse Lady alors ? Qui est-elle et comment vous êtes-vous rencontrer ?"

Il fallut attendre quelques minutes pour qu’Alec se rende compte qu’il parlait d’eux comme d’un couple, deux êtres munis d’une âme similaire. Sans doute que la boisson et être aussi bien plonger dans le sujet de la considération de l’objet, l’ont poussé à jouer le jeu. Sans compter qu’Alec, malgré la rudesse de sa curiosité, tâchait de toujours se montrer fort poli en ménageant au mieux son interlocuteur. Et vu l’attachement de Cieran vis-à-vis de cette fameuse Lady, il ne voulait paraitre grossier.

Les deux compères passèrent un agréablement moment, oubliant bien leurs malheurs. Alec se sentait bien en la présence du pilote qu’il trouva fort amusant. Peut-être bien qu’au final, cet alcool recyclé avait quelque chose de spéciale à l’intérieur. Bah ! L’allemand s’enfichait et profité bien de l’instant présent. Leur principal sujet resta concentrer que les machines et toujours sur la Lady Di. On avait donc confirmation que cet opérateur revétait d’une grande importance pour l’irlandais. Pourquoi ? Alec avait bien expliqué ne pas être psy, et les raisons poussant cet attachement entre un humain et son robot ne regardait que lui.

Il apprit également l’existence d’une certaine Rhiannon, spécialiste dans les IA. Bien que ce domaine ne concernât pas Freiszmuth, ce dernier se montra en partie intéressé. De la curiosité rien de plus. Car au fond de lui, il trouvait ces robots intelligent, virtuel ou non, si fascinant et intriguant. Même s’ils copiaient les humains et respectés un programme, ils semblaient si vivants, du moins l’illusion était parfaite. On pouvait donc comprendre Cieran et lady Di. Et peut-être qu’une discussion avec cette experte, l’aidera à trancher sur l’avis concernant les machines.

"Il y a tellement de monde que j’aurais à cœur de rencontrer. Mais votre ami Rhiannon me parait-être une personne forte intéressante. J’aimerais beaucoup aussi lui parler et discuter des IA afin que je puisse approfondir le sujet et me faire une opinion plus construite."

Après… L’allemand avait tout son temps pour voir tout le monde. Peu de monde était réveiller, et c’était un long, un très long voyage qui les attendait. Si Alec voulait apprendre un nouveau domaine, il avait donc tout le loisir pour. Sauf si un astéroïde venait percuter le vaisseau et ne tue tour le monde.
Joyeuseté mise à part, l’irlandais proposa une dernière tournée avant que chacun ne reprenne sa route. Alec accepta volontiers, mais fut bien déçus que cette rencontre touchait déjà à sa fin. Les bons moments ne duraient jamais ce qui faisait qu’on les apprécier. En tout cas Freiszmuth fut bien heureux de cette journée. Il but donc une dernière fois, rigolant un bon coup avec O’reilly avant de se séparer.

"Je vous remercie beaucoup de votre compagnie. Elle me fut agréable et j’ai à cœur que nous nous retrouvons prochainement. Et surtout, n’hésitez pas à passer rendre visite et si vous le désirez toujours, voir où en est l’étude."

Cette première rencontre s’étant donc parfaitement bien passer, Alec s’en alla, saluant une dernière fois l’irlandais et la barmaid, avant de s’en aller. Il se disait la joie au cœur que peut-être tous les deux deviendraient de très bons amis, à voir ce que l’avenir réservait.
En attendant, l’allemand cherchait à faire passer le goût de la boisson, car ce fut seulement après qu’il regrettait un peu d’avoir prit autant de verre. L’alcool se sentait à peine, mais cet arrière-goût qui donnait envie de vomir comme un médicament, était fort désagréable. Le linguiste se retrouva donc plusieurs fois à tirer la langue pour en chasser le désagrément sans y parvenir. Et quand il voulait travailler, se concentrer la tâche fut bien difficile. Mais qu’importe, il trouvait qu’au final, le prix en valait la peine. Et même si la prochaine fois, il fera plus attention, Alec en reprendrait un ou deux de plus avec son nouveau compagnon de bar…