Réveil mouvementé

Tu as les yeux fermés, tu ressens comme une atroce douleur dans la tête – des lancements, des boums boums, une alarme qui retentit au loin. Tout est flou et l’espace d’un instant tu ne sais pas si tu es en train de rêver, si tu es réveillée ou encore endormie. Où es-tu ? Tu te sens comme paralyser dans ton caisson, tu restes un moment là essayant tant bien que mal de détecter les sons qui t’entourent, de déterminer si tu es dans la réalité. Après beaucoup d’efforts, tu décides d’ouvrir les yeux, bouger tes doigts ; oui, tu es réveillée. Mais quelle est cette alarme atroce que tu entends atténuer comme si tu étais dans une bulle ou sous l’eau, les bruits sont étouffés. Tu essaies de te lever et te prends de plein fouet la vitre de ton caisson de cryosommeil. Tu pestes contre toi-même, te disant intérieurement, mais ne l’avais-tu pas vu cette vitre-là sous tes yeux... ?

Tu entends une voix de femme, tu ne comprends pas tout ce qu’elle dit, elle récite un texte préenregistré. Tu captes des mots, tu entends l’essentiel et notamment, qu’il y a eu une collision. Le passage sur les 900 ans t’échappe un peu, tu comprends qu'il faut que tu prennes ton pad avant de quitter la pièce.

Tu te sens comme paralyser, endoloris comme si tu venais de subir une opération et que tu te réveillais de l’anesthésie. Tu essaies de te rappeler ton dernier souvenir, tu revois cet homme avec cette blouse blanche qui te disait de compter à l’envers, puis, plus rien. Et cette alarme qui résonne partout, tu ignores si c’est juste dans ta tête ou si le vaisseau est attaqué… ? Tu t’assois sur le bord de ton caisson et en essayant de te lever, tu t’écrases à terre. Tu soupires, le réveil est douloureux. Tu auras plus de blessures en sortant de cryogénisation que durant toutes tes années de service dans l’armée. Le front, la tête, maintenant le poignet qui s’est à moitié tordu dans ta chute et le genou qui s’est égratigné. Tu te redresses comme tu peux tout en restant par terre, tu as peur que tes jambes te lâchent à nouveau. Tu as peur de vaciller et tomber.

 « ERREUR. ERREUR. ERREUR » L’alarme semble réelle, des lumières rouges près de la porte clignotent. Ce n’est pas vraiment rassurant. L’espace d’un instant, tu hésites à retourner te coucher dans ton caisson. A peine l’idée t’a-t-elle effleurée l’esprit que tu entends une voix  « Désactivation du caisson. » Tu n’as plus le choix, tu vas devoir affronter la dure réalité devant toi. Le bruit incessant de l’erreur matérielle continue à résonner dans la pièce et tu penses que cela provient même du couloir avoisinant.  « Porte du sas bloquée. ERREUR. ERREUR. Dysfonctionnement. »

« Je vous entends. Merci pour l’alarme. » Ce bruit incessant qui résonne dans tes oreilles, tu n’en pouvais tout simplement plus. Et surement, que lui non plus. Il devait y avoir un souci à bord de l’Arche. Oh ça, tu n’en doutais pas si cela faisait bel et bien 900 ans que vous divaguiez dans l’espace, c’était certain qu’il y avait eu un problème. Quelqu’un avait chié dans la colle.

Tu n’as pas vraiment imaginé ton réveil comme ça. Tu pensais ressortir fraîche et pimpante de ton caisson comme tu y étais entrée. Ou presque. Pleine de vie et enthousiastes à l’idée de vivre cette aventure avec ta tante et plein de personnes passionnantes. Et en fait, là de suite, tu as très mal à la tête et tu te sens un peu ridicule d’être sur le sol froid comme ça. Comme une vieille loque qui a dormi 900 ans. Pour toi, c’est comme si c’était hier. Les embrassades avec Ellen. Les quelques plaisanteries avec elle. Tu ne t'imaginais pas ressortir dans cet état, tu as l’impression d’avoir été écrasée par un bus, ou un train ou quelque chose dans le genre.

« Meghan. » dis-tu. « C’est Meghan et vous ? » Tu fronces les yeux pour essayer de lire le nom sur sa combinaison. Minaïev. « Pouvez-vous…? » tu ne finis pas ta phrase, tu lui fais signe comme quoi tu aimerais te relever. Mais tu ne sais pas bien si tu es tombée du caisson, car tu n’es décidément pas douée et que tu devais être sonnée ou s’il y avait un autre souci au niveau de tes jambes. Tu t’appuies au caisson qui ne s’est pas encore rangé pour te mettre debout. 900 ans couchée. C’est un miracle que des membres de l’équipage soient encore en vie, les systèmes auraient pu se couper, le vaisseau aurait pu être détruit… Nous avions beaucoup de chance.

« Je suis tombée. » Réalises-tu enfin, à cet instant tu te sens un peu comme une enfant qui vient de se faire mal et qui ne l’a pas encore dit à ses parents. « Merci. » Merci d’être là, merci de te soutenir, merci de ne pas te laisser seule. Tes yeux brillent, heureusement que Vassilli est là sinon tu te mettrais à coup sûr à pleurer en fait… Pleurer parce que la situation semble folle à bord...