Quinn - It's just the beginning

• 17 mai 1994 : Jour de fête nationale en Norvège, c'est le jour que j'ai choisi pour venir au monde. Mais alors que tout le monde devrait être heureux, c'est un froid glacial qui s'emparait de la salle d'accouchement de l’hôpital, les médecins et infirmiers se regardent dubitatifs, désespérés, ils ne comprenaient pas ce qu'il venait de se passer, comment tout cela est-il arrivé alors que tout semblait bien se dérouler. Et tandis que je poussais mes premiers cris, ma mère venait tout juste de rendre son dernier souffle en me donnant la vie... Mon père à ses côtés ne savait plus ce qu'il devait faire, entre pleurer le décès de l'amour de sa vie et célébrer la naissance du fruit de leur amour.

• Mars 2000 : Malgré tous ses efforts pour tenter de tourner la page et m'avoir appris à être forte, à vivre sans la présence de ma mère, il finit par craquer et ne pouvait plus vivre là où ils ont presque toujours vécu ensemble. On a alors déménagé pour Oslo où je passerai la majeure partie de ma vie. Le changement était plutôt radical pour moi, je passais d’une petite ville plutôt paisible à une capitale où les bâtiments touchaient presque le ciel et bien qu’Oslo soit loin d’atteindre la densité d’une mégalopole, il fallait bien reconnaitre que pour une enfant de même pas encore six ans, le changement était assez important, moi qui n’avais connu jusqu’à présent que la campagne. De plus, j’avais perdu les quelques amis que je m’étais fait, ceux que j’avais rencontrés à la crèche, ceux avec qui j’avais passé des heures à empiler des briques de constructions ou à faire des dessins qui s’approchaient plus du gribouillage que d’autre chose.

• Septembre 2000 : La rentrée était pour moi sans aucun doute la chose la plus compliquée, ça ne faisait que quelques mois que j’étais à Oslo, j’étais une gamine et à l’exception de quelques voisins qui n’étaient même pas dans la même école que moi, je ne connaissais personne et les autres enfants ne semblaient vouloir venir près de moi afin de devenir ami. Je me retrouvais alors seule à six ans sur les bancs de l’école et pour combler cette solitude, je passais mon temps à lire des livres, pas des choses bien compliquées évidemment puisque j’étais en train d’apprendre à lire, mais j’aimais prendre un conte pour enfants, ouvrir et tenter de décoder les mots, comprendre l’assemblage de ceux-ci pour former une phrase… Je tentais même de lire des choses que je ne comprenais pas mais quand je n’y arrivais pas, je regardais alors les images quand il y en avait.

• Février 2001 : C’est durant ce mois qu’une nouvelle élève débarquait dans notre classe, moi j’étais toujours seule à lire mes livres pour enfants. Cette fille était tout aussi perdue que moi il y a de ça quelques mois maintenant et tout de suite je la comprends, je n’avais que six ans mais je venais de vivre la même situation il y a très peu de temps et les enfants de la capitale n’étaient pas les plus chaleureux, c’est donc moi qui fis le premier pas pour qu’elle ne se sente plus seule. Elle s’appelait Solveig, tout comme moi, elle était aussi originaire d’une petite ville du nord du pays et elle se sentait tout aussi perdue que moi. On est vite devenues inséparables et seulement deux mois après notre rencontre on décidait de devenir les meilleures amies pour la vie… Pour moi elle aura toujours été ma seule et unique véritable amie.

• 2004 : C’est à ce moment que je montre mon premier véritable intérêt pour les sciences et plus particulièrement pour la botanique et la chimie. Je m’amusais à planter des graines dans des vieux pots de yaourt et tous les jours je prenais un réel plaisir à venir voir comment les plantes se tenaient, si elles poussaient bien, s’il ne fallait pas les arroser, etc. Au bout de quelques semaines, j’avais presque rempli tous les appuie-fenêtre de la maison avec des pots de yaourts si bien que mon père ne savait plus trop quoi faire avec moi. Afin de tenter de me faire découvrir autre chose que le jardinage en pot de yaourt, mon père décida de m’offrir un kit du petit chimiste pour Noël et quelle surprise ! Je me souviens y avoir passé des heures dessus, seule ou avec Solveig, je m’amusais tellement que même plusieurs années après je continuais de m’en servir, perfectionnant les techniques et essayant d’obtenir un meilleur résultat à chaque tentative. Mais bien que j’avais l’esprit occupé la majeure partie du temps, je commençais à réellement ressentir le manque de ne jamais avoir connu ma mère, de ne jamais avoir eu cette personne à mes côtés, je commençais même à m’en vouloir d’être née me répétant en boucle que si je n’étais pas venue au monde elle serait toujours vivante et passerait de bons moments en compagnie de mon père.

• 2006 : La douleur grandissait en moi, plus les années passaient, plus je me sentais seule, je tentais de compenser en essayant de me faire des amis, j’avais le contact facile avec les gens après tout, mais j’avais peur de m’attacher à eux et je finissais par de plus leur parler, la seule personne avec qui je m’amusais encore, quand j’avais le moral, était Solveig, elle était arrivée au bon moment dans ma vie. Il y avait bien quelques personnes qui malgré tout restaient dans mon cercle d’amis, mais c’était assez compliqué pour moi, je craignais l’abandon, qu’il leur arrive quelque chose ou qu’ils n’aient plus envie de me parler tout simplement. Mon père tenta alors de me faire sortir de chez moi en me faisant faire des journées découvertes sur certains sports ou activités artistiques. Malheureusement pour lui, tout ça s’avérait être une perte de temps, je n’accrochais à rien, je préférais rentrer chez moi et continuer de planter des graines dans des pots de yaourt ou bien lire des ouvrages consacrés aux sciences pour peu qu’ils étaient adapté à mon âge. Mais la perte de temps n’était pas totale puisque j’avais pris gout à apprendre à jouer du piano, j’aimais le son de l’instrument, les mélodies que l’on pouvait faire… J’aimais tellement cet instrument que mon père dégota un piano d’occasion.

• 2008 : A cette période de ma vie, je n’arrivais plus du tout à vivre sans jamais avoir connu ma mère, j’avais beau écouter les histoires d’elle que me racontait mon père, ça ne calmait pas la douleur. Je commençais alors à tout remettre en questions, mes passions, les rares amis que j’avais, ma vie, l’école… Mon père avait tout essayé, mais sans était trop pour moi, je commençais à sécher les cours, je n’avais plus gout à quoi que ce soit, j’avais même laissé mourir mes plantes qui depuis n’étaient plus élevées en pots de yaourt. J’étais même sur le point de rater mon année scolaire, mes professeurs tentaient de me comprendre, mais le pouvaient-ils vraiment ? Aucun d’entre eux n’avait perdu un parent sans l’avoir connu, pour les plus âgés d’entre eux, c’était la nature qui leur avait pris leur père, leur mère, pas le mauvais sort. Heureusement pour moi, la chance allait pour une fois dans ma vie être de mon côté puisque lors d’une journée d’orientation j’ai rencontré l’homme qui me redonna espoir, qui me fit comprendre que je pouvais continuer d’avancer. C’était un bioingénieur, un homme plutôt expérimenté dans le milieu puisqu’il avait plus de cheveux blancs que bruns, du moins c’est ce que je me suis dit en le voyant pour la première fois. Voyant que j’étais hors du groupe, l’homme s’était intéressé à moi, me posant tout un tas de questions, il était agréablement surpris par mes réponses et remarqua mon intérêt potentiel pour son métier. Il me propose alors de venir découvrir son travail durant quelques jours. C’était l’élément qui apaisa ma douleur, quelqu’un s’intéressait à moi pour ce que j’étais, pour ce que je valais et me montrait que je pouvais arriver à quelque chose dans ma vie même si je souffrais au fond de moi. Je retrouvais une certaine joie de vivre, motivée plus que jamais à un jour peut-être moi aussi décrocher un diplôme me permettant de refaire tous les jours ce que j’avais vu.

• 2010 : Je découvre avec terreur les joies de l’attachement, moi qui pensais être capable de ne m’attacher à quelqu’un par crainte de le perdre ou d’être abandonnée. Je me souviens encore très bien de ma rencontre avec ce gars, il s’appelait Thomas et il était beau comme un dieu et il jouait du piano comme Mozart ou encore Beethoven, c’était le coup de foudre instantané, je ne parlais plus que de lui, mon père était heureux pour moi, il pensait qu’enfin j’allais pouvoir me libérer de mes craintes, effacer ma douleur… Tout ça a duré en tout et pour tout huit mois, huit mois durant lesquels j’étais heureuse et je ne pensais plus à rien, je voyais la vie en rose pour tomber de haut après huit mois… On sortait ensemble pourtant, mais apparemment je n’étais pas assez bien pour lui, puisqu’un jour, alors que j’allais faire des courses, je le vis en train d’embrasser une autre fille. En une seule action, je retombais plusieurs années en arrière, mes craintes devenues réelles ! Je retournais alors à ce que j’aimais le plus pour oublier cette erreur, je n’aurais jamais dû me laisser tenter, j’avais raison, je craignais tellement qu’on abandonne ! Je me jurais que ça n’arriverait plus jamais, préférant alors me consacrer à ce qu’il me restait dans ma vie, mes études.

• 2012 : C’était enfin le jackpot, je pouvais enfin commencer mes études de bioingénieur, après avoir traversé tellement d’épreuves, après avoir douté, avoir presque touché le fond, j’avais atteint mon objectif et même s’il me restait encore du chemin à parcourir, j’étais fière de moi, mon père l’était aussi d’ailleurs, lui qui avait toujours été là pour moi. L’université, rien d’y penser j’avais des frissons partout et le jour de la rentrée était pour moi comme une renaissance, ça peut paraitre surfait, mais en fin de compte, c’était la chose qui m’avait maintenue à flot, ce qui m’avait poussé à me ressaisir quand j’étais prête à tout abandonner, il ne me restait plus qu’à tout réussir pour enfin atteindre mon objectif. Très vite, j’ai décidé de m’orienter vers tout ce qui avait potentiellement un avenir, quelque chose de neuf et en me rappelant mes plantes en pots, je savais que me spécialiser dans la « production et préservation des ressources naturelles en milieu urbain » était ce qu’il y avait de mieux pour moi… D’ailleurs, je m’intéressais plus aux cours qui tournaient autour de « l’hydroponie » et comment faire en sorte de nourrir la planète entière lorsqu’il nous sera impossible de cultiver des terres ou d’élever du bétail. Je décide alors de tourner mes études aussi bien dans les options que dans mon mémoire à cela.

• Novembre 2016 : Malgré quelques frayeurs, mon parcours universitaires se passe plutôt bien même très bien, la fin de mes études approchait tout doucement et avec les quelques amis que je m’étais fait durant cette période, on prévoit déjà ce que l’on va faire pour fêter notre réussite. Certains envisageaient d’assister à un festival de rock tandis que d’autres étaient plus ambitieux et pensaient faire un tour du monde (ou presque). Tous les signaux étaient au vert pour moi et enfin je pouvais voir ma route se dessiner devant moi. Mais à chaque fois qu’il se passe quelque chose de positif, le négatif arrive assez vite. Un soir après les cours, je me souviens être rentrée chez moi, mon père m’attendais, assis dans le salon, il me proposait de boire un verre avec lui chose que j’ai accepté sans la moindre hésitation. On a parlé longtemps, on a retracé notre parcours en parlant des choses positives comme négatives, plus la discussion se déroulait, plus je sentais qu’il y avait quelque d’anormal. Mon père me rappelle à quel point il était fier de moi puis m’annonce qu’il est atteint de cancer du poumon ! Détecté trop tard, il est impossible de lui faire subir le moindre traitement et qu’au mieux il lui reste six mois… Moi qui pensais enfin voir le bout du tunnel, voilà que la vie se retournait à nouveau contre moi, je n’avais jamais connu ma mère, j’allais perdre mon seul parent… Dévastée par cette terrible nouvelle, je n’avais envie que d’une seule chose, que tout s’arrête la maintenant, je n’en pouvais plus de subir de tel revers dans ma vie et tandis que je continuais péniblement mes études, j’entends tout le monde parler d’un projet dingue, curieuse de savoir de quoi il s’agit, je décide de postuler sachant très bien que bientôt je n’aurais plus rien, que bientôt je n’aurais plus d’objectif dans ma vie.

• Début 2017 : Je n’y arrivais plus, pourtant j’étais sur le point d’atteindre mon objectif, mais comment vivre encore après avoir enterré son père trop tôt ? Je finis mes études avec les dernières ressources qu’il me restait, je me souviens avoir songé durant un long moment à moi aussi quitter ce monde mais je savais pertinemment bien que ça n’était pas ce que mon père aurait voulu, il voulait que je sois forte, que je me trace ma route et que je vive heureuse, je décidais alors de continuer pour lui, pour ma mère, pour vivre ce qu’ils n’ont pas pu vivre et je trouve en le projet Starship Voyager cette possibilité lorsque je passe les entretiens. Je ne m’attendais pas à grand-chose, mais au fond de moi j’espérais être retenue, je n’avais plus aucune attache ici et je ne pouvais plus vivre chez moi, je voulais de toute manière partir, alors si je pouvais être utile à un grand projet, participer à quelque chose, je signais directement.

• 2018 : C’était sans doute la plus grande surprise de l’année quand j’ai appris que ma candidature avait été retenue et que j’allais prendre part à ce grand projet, que j’avais trouvé un nouvel objectif, qu’enfin j’allais peut-être pouvoir mettre de côté le passé et vivre la grande aventure, ou tout simplement vivre… J’allais bientôt devoir tout quitter, mais à qui dire au revoir ? Solveig, mes grands-parents… Je n’avais jamais vraiment passé beaucoup de temps avec eux, mais il me semblait important qu’ils soient au courant, qu’ils ne s’inquiètent pas pour moi et qu’il pouvait vivre leur fin de vie paisiblement. Mais j’avais peur d’aller les trouver surtout Solveig, je craignais qu’elle m’empêche de parti qu’elle me retienne, après tout elle aurait probablement raison peut-être qu’avec elle j’aurais pu continuer ma vie et retrouver la joie de vivre, qui sait… Non, je ne pouvais pas aller leur dire en face, la solution la plus simple était pour moi de leur envoyer un courrier que je postais le jour de mon départ pour prendre part aux entrainements, il leur serait alors impossible pour eux de m’empêcher de partir et je mourais d’envie de partir, faire table rase du passé et recommencer une nouvelle vie.