[MISSION] Dans l'espace, personne ne vous entend crier

Une respiration étouffée dans un sursaut et ses yeux s'ouvrent sur cette immensité vite qu'est l'espace. Il flotte sans vraiment bouger dans ce vide intersidérale, n'ayant pour paysager que l'obscurité et les étoiles lointaine. Dans un premier temps, il est perdu, il ne comprend rien, il a même peur et pense être en train de faire un cauchemar totalement éveillé. Bougeant un peu, il regarde autour de lui et un bout du Voyager apparait sous son regard encore paniqué. Vakarian a beau être entrainé pour tout ce merdier, quand on se retrouve dans une situation comme celle-ci, il y a de quoi paniquer. Il tente de se calmer, ferme les yeux une petite seconde tout en expirant. Ça y est, il se souvient de ce qu'il s'est passé...

La mission était simple, une sortie en combinaison spatiale pour que MacKenzie puisse faire un relevé des "environ" quelques choses de plus précis que ce qu'elle pourrait faire dans l'arboretum qui n'est pas totalement réparé. Sur le papier c'était simple et pas forcément très dangereux. Tout ce qu'il fallait ce ne pas dériver dans l'espace et jouer le remake de Gravity. Alejandra et lui avait été sélectionné pour accompagner la jeune femme. Une fois brieffé et équipé, il était l'heure de sortir faire un tour dans ce lieu sans gravité. Sa supérieure était en tête avec le jet pack pour les diriger. MacKenzie était au milieu et lui fermait la "marche". Tous les trois étaient reliés à une corde pour plus de sécurité. Dans l'espace, une petite poussée et vous pouvez dériver à l'infini. Un filin leur permettait de rester accroché à la structure du vaisseau. Sans ça... il risquerait de partir vers l'infini et l’au-delà. Tout se passait bien, mais tout se passe toujours bien au début, n'est-ce pas ! Dans les films d'horreurs c'est toujours comme ça, ça se passe comme sur des roulettes jusqu'à ce que l'élément perturbateur vienne annoncer que la merde commence. Eh bien... ça allait commencer.

Si Alejandra et Frye ont été choisis, c'est parce qu'ils sont militaires et qu'ils savent très bien qu'une créature rode dans l'espace. Ils sont donc là en gardien pour protéger la jeune femme et se protéger entre eux. Inutile de compter sur les opérateurs pour servir de G.I Joe. D'ailleurs, en parlant d'opérateur, l'un d'eux sembla se mettre à avoir un bug sévère. Il clignotait ? Merde, c'est qui le con qui l'a pas rechargé ? Ce n'est qu'au moment où il pointa une direction que le cauchemar débuta. La masse noir et sombre qu'il avait déjà croisé fonça sur eux. Ce truc était tellement proche qu'il n'eut même pas le temps de dire "merde" que plus rien... le noir total.

Voilà comment on en est arrivé là. Un Frye perdu et paniqué qui se réveille. Combien de temps a t'il été inconscient ? Si seulement il le savait ? A présent, il avait le souvenir de cette chose leur fonçant dessus et par instinct de survie il bougea dans tous les sens pour regarder tout autour de lui afin de le localiser. Il pourrait passer de nouveau à l'attaque ? Mais rien, hormis ce vide vertigineux. "Alejandra, MacKenzie" pense t-il subitement. Devant lui flottait une combinaison, l'écusson indiquait que c'était MacKenzie. Avec difficulté, il parvint à l'attraper pour la rapprocher de lui. A première vue, elle était vivante, juste inconsciente. Son casque était fissuré. Rien d'alarmant pour le moment, mais il ne va pas falloir rester trois heures ici. "Vargas... merde ou est-ce qu'elle est ?" se demanda t-il à lui même sans ouvrir la bouche. Une nouvelle fois, il balaya les alentours du regard, mais rien. Puis, il remarqua à quel point ils étaient loin du vaisseau et que le filin qui servait de "ligne de vie" était brisé. En gros, ils étaient à la dérive. "Vargas, est-ce que vous me recevez ?" demande t'il par radio. "Vargas ? Je n'ai aucun visuel, indiquait moi votre position ? Vargas ?" Puis il remarqua que la radio était grillée. Ceci lui fit lâcher un "Bordel de merde !" que personne ne pouvait entendre hormis lui-même dans son propre casque. Sans système de communication ça va être compliqué et le son ne risque pas d'être entendu par qui que ce soit. Ah super ! Pourquoi chaque mission est toujours pire que la précédente ? Frye ne pouvait ni contacter Vargas, ni le vaisseau, les voilà livré à eux mêmes. Il fit signe à l'opérateur de se rapprocher, mais ce dernier semblait galérer tout autant. Visiblement sa propulsion fait des siennes. "Contact le vaisseau, on a besoin de secours ! Et est-ce que tu peux localiser Vargas !" A quoi bon dire quoi que ce soit, ce truc là ne peut pas l'entendre et il ne sait pas s'ils sont capables de lire sur les lèvres ou de déchiffrer d'une quelconque manière les langages humains. C'est vraiment la merde !

Nous y revoilà…

Je pris une longue et profonde inspiration. L’air rejeté dessina un petit nuage de buée sur la visière de mon casque. J’avais une étrange impression de déjà-vu, à me retrouver à nouveau au beau milieu de l’espace, dans ce vide intersidéral, munie uniquement d’un jetpack pour me guider dans son immensité étoilée… Noire. Je traquais inlassablement du regard cette brume sombre et épaisse qui obscurcissait parfois les étoiles. Sortir, à découvert, était une très mauvaise idée. J’avais mis plusieurs fois Mackenzie en garde, de peur qu’elle ne cherche à se rapprocher de la passerelle pour effectuer ses relevés. Pourtant, je ne l’avais pas dissuadé de se rendre dans l’espace.

Je savais ce que nous risquions à être là, alors… Pourquoi ? Je ne saurais pas l’expliquer moi-même. J’avais insisté pour l’accompagner en personne, car j’avais déjà effectué cette traversée récemment. Il valait mieux que des militaires l’accompagnent pour s’assurer que tout se passe bien, non ? J’aurais sans doute pu demander à d’autres pilotes de le faire, mais l’idée ne m’avait même pas effleurée. Je voulais être là. C’était un besoin viscéral, incompréhensible.

Je me faisais peur moi-même, au fond. C’était insensé de tenter une nouvelle sortie, pas après ce que j’avais vu. J’avançai à une allure modérée avec le jetpack, leurs deux vies pendues au bout du fil qui me reliait à eux. Je me retournais parfois pour vérifier que tout allait bien, mais mon regard ne cessait de traquer cette forme noire et étrange. J’avais des sueurs froides dans ma combinaison. Je me sentais traquée, épiée. Quand l’un des opérateurs se mit à clignoter frénétiquement, leur attention fut attirée subitement par lui. Je ne le vis même pas. Toute mon attention était accaparée par… Cette chose, qu’il avait dû voir autant que moi. Je me figeai, parfaitement immobile, le souffle coupé.

J’aurais dû les prévenir.
Dire n’importe quoi. Crier même peut-être. Alors… Pourquoi ?

Je restais comme une idiote à le fixer, alors qu’il se rapprochait à toute vitesse. Mon cœur s’était emballé. Ce n’était pas la peur, non… Rien de tout ça. Je le laissais approcher, sans rien faire pour l’en empêcher. Puis, ce fut le noir complet. Les ténèbres accueillantes, sereines, qui me prenaient la main. Je me souvenais à peine avoir perdu connaissance, car tout était noir ici. J’étais pourtant certaine d’avoir ouvert les yeux, mais plus une étoile ne constellait le ciel. Il ne restait plus rien, plus personne non plus.

J’avais envie de fermer les yeux et de me laisser aller. Je n’avais pas peur d’être là, même sans savoir où c’était réellement. Je me sentais… Bien ? Comme soulagée d’un poids. Je soufflai doucement : « Est-ce que… Est-ce quelqu’un est là ? » Qui me répondrait ? Pourquoi le feraient-ils ? Pourquoi aurais-je besoin d’une réponse au juste ? Il suffirait de fermer les yeux et… Un sursaut de conscience m’incita à bouger, à me débattre un peu, pour m’extirper de là. Je sentis une résistance contre ma combinaison, même si elle ne s’était pas déchirée. C’était comme un cocon mou qui entravait mes mouvements. « Frye ? Mackenzie ? » Où étaient-ils ? Avaient-ils été engloutis eux aussi ? La radio ne répondait pas. J’avais plus peur pour eux que pour moi. Si je n’essayais pas de les retrouver… Je m’emparai du jetpack encore accroché à mon dos et l’orientait lentement vers la membrane. Je n’étais pas certaine de savoir ce que j’essayais de faire, ni même si c’était une bonne idée.

Non, j’étais même plutôt persuadée que c’était une mauvaise idée. Je n’avais pas besoin de me propulser bien loin, uniquement d’une petite étincelle pour créer une ouverture. Dans l’espace, le feu se propageait vite, comme un dôme. J’avais de nouveau des sueurs froides alors que je cherchais à doser savamment quelque chose que je ne maîtrisais aucunement, pour ne pas provoquer une réaction en chaîne qui me tuerait plus sûrement qu’un alien. « Quoi – ou qui – que tu sois… Tu dois me libérer. » Je pris à nouveau une longue et profonde inspiration, puis… Je libérai le gaz pour provoquer la combustion.

Se réveiller en train de flotter dans l'espace, c'est loin d'être la meilleure sensation qu'il soit, surtout après un choc étrange et incompréhensible. C'est peut être même pire, quand vous êtes le seul à reprendre conscience. Avant que Mackenzie ne se décide à sortir des bras de Morphée, il n'avait pas la moindre idée si cette dernière était vivante ou morte. Tout ce qu'il savait c'est qu'il se sentait terriblement seul et quelque peu inquiet. Plus rien ne les raccrochaient au Voyager et sa collègue avait totalement disparu. Qu'est-ce qu'il est censé faire ? Sa radio ne marche plus, il n' plus aucun moyen de contacter le vaisseau. Autant dire qu'ils sont livrés à eux même dans cette immensité galactique qui semble tout à coup très peu accueillante.

La demoiselle paniqua à son réveil, il tenta de la calmer, mais il ne pouvait pas faire grand chose. Au final, peut être le temps de comprendre la situation, elle cessa de chahuter dans tous les sens. Elle parla, mais ne pouvait pas l'entendre sans radio, mais elle devait sans doute s'inquiéter de savoir ce qu'il venait de se passer. Frye lui fit signe d'attendre une petite minute, il a peut être un moyen de communiquer avec elle. Il regarda sa tablette à son bras et commença a écrire dessus. Ce dernier ne peut plus emmètre, mais il peut toujours s'en servir pour écrire et lui montrer. Autant dire que là, ils vont devoir faire par écrit ou avec des signes pour se comprendre. Ainsi, il écrivit ce message : "Quelque chose nous a percuté ! Vargas a disparu et nous n'avons plus aucun moyen de contacter le Voyager, ni même de bouger d'ici." Ce n'était pas des nouvelles réjouissantes, ni même rassurantes, mais elle finirait par se rendre compte de la vérité très vite, autant ne rien lui cacher. Les opérateurs étaient en piteux états et ce ne sont surement pas eux qui vont les sauver.

Le tacticien était en plein réflexion quand il vit la chose. Putain, ce truc était là et avait l'air de foncer droit sur eux... Alors c'est comme ça que ça va se passer ? Ils vont mourir ? Ce truc va les bouffer ou les réduire en bouilli ? Putain, il n'aurait pas pensé mourir ainsi. Fuir était une option hélas impossible. Même avec un minimum de propulsion, ils ne pourraient pas aller bien loin. Que peuvent-ils faire ? Rester et attendre la mort ? Frye est un soldat, ce n'est pas son genre de se laisser mourir. Du coup, il ne reste que l'option de se battre contre ce truc totalement irréel. C'est une chance qu'il ne soit pas sorti sans une arme, juste par précaution. Cette dernière sera surement inutile contre ce truc, mais l'envie de vivre est capable de vous faire faire l'impossible. Le militaire, retira l'arme de son holster, bien attachée à la ceinte de sa combinaison. Il attrapa le poignet de MacKenzie, il visa la chose. C'était peut être approximatif, il ne sait pas trop, mais il tira sur ce qu'il jugea être la chose. A peine eut-il tiré, que la force pourtant faible sur terre dur tir, les poussa vers l'arrière. Merde, il aurait dû y penser plus tôt. La créature allait peut-être être touché et eux étaient en train de reculer à une vitesse moyenne. Si son tir fait fuir ce truc, ça pourrait être une bonne chose, mais est-ce que ce truc est sensible aux balles... qui sait ? Le destin est loin d'être très sympa avec eux. A croire qu'ils sont tous maudits.

La chaleur commençait à monter ici, au sens propre du terme.
Je me débattis dans ce cocon étrange et mou, avec davantage de force cette fois. Je sortais lentement de ma torpeur, face au danger imminent, que j’avais moi-même engendré. « Merde, merde, merde… ! » Un message d’alerte m’informa que ma réserve d’oxygène descendait en chute libre. Ma combinaison n’acceptait pas bien ce traitement non plus, même si elle tenait bon encore. Bientôt, les minutes me seraient comptées, si ce cocon ne se décidait pas à… Enfin ! J’émergeai avec difficulté de la membrane, le cœur battant. Je peinais encore à retrouver mon calme pour analyser la situation. Je tentais de nouveau, vainement, de contacter Frye et Mackenzie sur la radio. Elle était toujours H.S. J’aurais du mal à les rejoindre avec si peu d’oxygène, malgré mon jetpack encore en état de fonctionnement.

Mais dans quoi m’étais-je fourrée exactement ? Je me retins au mur, le temps de vérifier rapidement ce qui m’entourait. Des postes de travail, des consoles… J’étais de nouveau dans la zone scellée ? D’autres cocons étaient là, alignés, et vides. J’écarquillai les yeux alors que l’horreur s’installait doucement. J’avais pu m’extraire de là par la force – et surtout une sacrée dose de chance – mais les autres ? Il y avait eu d’autres malheureux pris au piège avant moi. Qu’étaient-ils devenus ? Avaient-ils été… Assimilés ? Ou alors changés ? Les théories les plus invraisemblables germaient peu à peu dans mon esprit. Aucunes d’elles ne m’aidaient à conserver mon calme.

Tout va bien… L’alien n’était plus là, mais rien ne me disait qu’il n’y en avait pas d’autres. J’hésitais sur la marche à suivre. Je devais retrouver Frye et Mackenzie, sans même savoir où les chercher, et regagner la zone sécurisée. Etaient-ils, eux aussi, prisonniers de cocons semblables ? J’évitais de toucher la bouillie noirâtre qui s’échappait des cocons et m’écartait lentement d’eux. Repartir à l’extérieur, sur le terrain de chasse de l’alien, était une mauvaise idée. Je ferais mieux de vérifier les autres salles attenantes, voir si l’une d’elles ne contenait pas un de mes camarades ou… Une porte de sortie, vers la liberté. Pourvu, surtout, que je ne croise pas le résultat de cette alliance étrange qui pourrait bien donner vie à une autre forme alien.

Le tir de Frye ne parvient pas à toucher sa cible, mais s'était presque couru d'avance. Ceci a néanmoins l'effet de les propulser vers l'arrière mais pas vraiment dans le bon sens. Si ceci peut leur éviter de se faire tuer par cette chose, c'est peut être le seul point positif, mais est-ce que s'en est vraiment un ? Dériver dans l'espace n'a pas l'air d'être une punition des plus sympathique non plus. Mackenzie parvient à attraper un opérateur au passage, mais il doute que ça puisse réellement les aider. Puis la chose semble les oublier pour dévier sa trajectoire vers le vaisseau ? Vraiment ? Elle les abandonne comme ça ? Ils n'ont pas une assez bonne gueule de Big Mac pour elle ? Vakarian se demande s'il doit trouver ça bien ou si c'est plus inquiétant ? Une chose est sûre, ils doivent se rapprocher du vaisseau. Est-ce que Alejandra est au niveau de la passerelle ? C'est une possibilité.

L'opérateur, bien qu'en état assez médiocre peut certainement les conduire là bas. Enfin en théorie, il regarde s'il n'y a pas un truc à rafistoler ou bien à casser pour avoir une propulsion assez importante et retourner vers l'intérieur. Ses yeux observes les câbles de la machine, il doit certainement en avoir un qui peut aider... Finalement, il regarda un gros câble, qui ne semble pas faire passer de fil, mais peut être de l'air ou un truc du style. Avant de l'arracher, il fait signe à sa partenaire de s'accrocher à l'opérateur, il attend d'être dans le bonne angle et il arrache le tuyau qui rejette de l'air ou de l'azote liquide peut être et les voilà propulsé vers la passerelle. Bon, ils se dirigent vers le monstre, mais aussi vers l'intérieur. Un problème à la fois... et puis il a toujours son arme même s'il n'est pas certaine que ça puisse avoir un effet sur ces créatures.

Un nouveau message d’alerte apparu à l’écran, suivi bien vite d’un signal sonore tonitruant. Je ne retenais pas le flot de jurons dans ma langue natale qui me venait subitement, alors que la situation semblait toujours plus inextricable. Je devais trouver un moyen de rejoindre la zone sécurisée, en espérant qu’ils s’en soient sortis eux-mêmes. Je les retrouvais une fois là-bas ou… Il faudrait lancer une expédition de secours. Prévenir quelqu’un, oui. C’était sans doute le mieux à faire dans l’immédiat. Vakarian n’était pas sans ressources et tiendrait le temps qu’il faudrait. J’espérais vraiment que Mackenzie était avec lui.

Je me souvenais encore vaguement du trajet effectué quelques mois auparavant pour rejoindre la zone sécurisée. Le sas serait à nouveau fermé… Mais ma radio fonctionnerait peut-être à nouveau d’ici là et, surtout, je serais dans une zone pressurisée. J’essaierais de respirer et de réfléchir calmement, pour ne pas empirer la situation. Mon regard s’évadait partout aux alentours, la peur au ventre. Et, soudain, elle s’estompa.

Il était là, devant moi.

J’avais arrêté de respirer alors que la forme noire et intangible de l’alien semblait m’observer en chien de faïence, alors que j’en faisais de même. Il s’était placé entre ma porte de sortie et moi, mais il ne paraissait pas agressif, loin de là. C’était étrange… J’aurais dû vouloir prendre mes jambes à mon cou, m’enfuir le plus loin possible de cette forme de vie non identifiée. C’était la réaction la plus logique à avoir, dans ce type de situation. Alors pourquoi… Il m’inspirait une telle confiance ? Je revivais la même scène qu’avec Naël à mes côtés, avec ce désir inexplicable de me rapprocher d’elle, de la toucher à nouveau. Je soufflai doucement, dans mon casque : « Mais qui es-tu ? » Je tendis une main hésitante vers lui, vers cet œil lumineux qui me fixait en retour. S’interrogeait-il lui aussi, autant que moi ? « Que nous veux-tu ? » Tant de questions, et si peu de réponses.

Je voulais savoir. J’avais le sentiment que je ne saurais pas retrouver le sommeil avant de comprendre. J’oubliais l’idée de m’enfuir pour me rapprocher lentement de lui, toujours avec cette main tendue et ouverte. S’en emparerait-il ?

C'était risqué, mais qu'est-ce qui ne l'est pas sur le Voyager ? C'est une bonne question, non ? Le simple fait de vivre à bord pourrait se révéler dangereux. Ce vaisseau, c'est un peu comme une conserve en milieu de l'espace. Il suffirait d'un trou pour que tout s'écroule. Bon c'est exagéré, mais vous comprenez l'image. La vie de tous ne tient qu'à un fil. Alors sortir à l’extérieur c'est encore pire et voilà que le trio en a fait les frais. Alejandra était portée disparu et pour l'heure Mackenzie et et Frye ne pouvait rien faire pour elle. Le plus urgent était de rejoindre la station pour ne pas mourir à la dérive dans l'immensité spatiale.

A l'aide de l'opérateur, le soldat avait un plan, c'était pas forcément le meilleur, mais ils n'ont pas non plus trente six solutions. La jeune femme à ses côtés se tenaient à la machine et il sectionna le bon câble ce qui les propulsa avec une certaine violence au début vers le Voyager. Au moins, ils se dirigent au bon endroit. Négocier la bonne trajectoire reste difficile, mais il ne pouvait pas se tromper. Finalement, il atteigne la passerelle, non sans se fracasser légèrement contre les murs, mais rien de grave. Au moins l'absence de pesanteur leur épargne quelques menu dégâts. Vakarian observe Mackenzie, il essaie de voir si ça va. Elle ne semble pas blessé et sa combinaison intact. Parfait.

Enfin, il prend le temps de regarder autour de lui. Ce n'est pas ici que Frye s'imaginait trouver sa supérieur. Elle était plus loin et pire encore face à la créature qui leur cause tant de problème. "Putain de merde" lâche t-il pour lui même vu que personne ne pouvait l'entendre. Il fait quelques pas précipité et s'arrête. La chose ne bouge pas, elle observe Alejandra. Mais c'est quoi ce bordel. Pour éviter que sa compagne d'infortune ne fasse de même, il tend son bras pour l'empêcher d'avancer et aussi pour qu'elle fasse attention. Peut-être que s'ils approchent la chose va passer à l'attaque ? Le pilote regarde quelques secondes la jeune femme, espérant qu'elle aurait une idée miracle, puis il observe de nouveau la directrice. "Alejandra..." merde c'est vrai que sa radio ne fonctionne plus. Il fait signe à Mackenzie de ne pas bouger et il s'approche doucement pour rejoindre sa collègue. Sincèrement, il espère ne pas lui faire peur, il approcha sa main et la pause sur son épaule tout en regardant cette chose. Bon sang, de sa vie, jamais il n'aurait imaginé voir ça.

L’alien ne bougeait pas, son regard rivé sur moi. J’avais l’impression qu’il avait longuement attendu nos retrouvailles, sans doute autant que moi. Ma main se posa sur lui, et le changement fut immédiat. Je retrouvais cette sensation d’étrange sérénité, qui détendit aussitôt tous mes muscles. Je me sentais bien, si bien. Tous mes doutes, mes réticences, s’étaient envolées en un battement de cil. Je n’avais plus envie de m’en aller, de le quitter à nouveau.

Ca ne s’arrêtait pas là. La sensation était aussi grisante qu’inexplicable. « … Naël ? » J’avais l’impression de le voir, à travers lui. Non, plutôt… J’étais lui. Je m’étais sentie transportée dans la conscience de Naël, comme si elles étaient étroitement reliées. Nous enfilions une combinaison, un casque, prêt pour un bond dans l’espace. Il s’apprêtait à nous rejoindre, lui aussi, pour que nous soyons tous les trois de nouveau réunis comme… Une seule et même entité. Entendaient-ils aussi mes pensées ? J’avais fermé les yeux, doucement. Je me concentrais sur ces sensations nouvelles et inédites. Elles auraient dû m’effrayer, mais je me sentais plutôt… Transportée. Je soufflai doucement, vers l’alien qui me faisait face : « Peux-tu me comprendre ? » J’avais l’impression de pouvoir le comprendre, si le temps nous était laissé. Ces sensations…C’étaient les siennes, non ?

Mais avant de pousser l’expérience plus loin, un contact à mon épaule me fit rouvrir les paupières. J’émergeai lentement de ma torpeur pour me retourner vers celui qui venait de faire irruption à nos côtés. Naël ? Non… « Frye ? » Il pouvait lire l’interrogation sur mon visage, mais nous ne pouvions échanger sans nos radios. J’aurais pu lui expliquer la situation, sinon. Comme c’était étrange… Je n’arrivais plus à communiquer avec les miens, alors même que je m’ouvrais à une autre forme de vie. Je lui souris doucement, pour le rassurer, les traits détendus. « Laisse-moi… Je vais rester ici encore un peu. Vous devriez rentrer. » S’il ne savait pas lire sur les lèvres, il comprendrait sans peine que je n’étais pas prête de partir. Je m’étais déjà retournée vers l’alien, en ignorant son intervention. C’était à lui que je m’adressais ensuite : « Tout va bien. » Oui, tout irait bien maintenant.

La présence de l'alien n'avait rien de rassurant pour Frye. Il n'aimait pas ça, il avait l'impression d'être devant une bête sauvage qui pourrait lui sauter dessus à n'importe quel moment. Le fait que la créature ne semble montrer aucune animosité ne le rassurait pas. Et puis... comment reconnaitre quand ce truc veut passer à l'attaque ? Personne ne le sait vraiment. Quoi qu'il en soit, sans en connaitre plus sur ce machin, il ne se faisait pas fier à devoir être à quoi... un ou deux mètres d'elle. Mais là, il devait essayer de récupérer Alejandra pour la ramener à l'intérieur et que tout le monde soit enfin en sécurité. Déjà, il avait réussi -et c'est un miracle- a les ramener Mackenzie et lui sur la passerelle. C'est mieux que de dériver dans l'espace. Ils ont l'assurance de pouvoir retourner à l'intérieur et le plus tôt serait le mieux vu l'état du casque de la jeune femme qui était derrière lui. D'ailleurs, il n'était pas certain que l'intégrité de la combinaison de Vargas soit tip-top. Bref, il faut que tout le monde retourne à bord.

La directrice avait regardé Frye une fois qu'il lui avait touché l'épaule. Son visage afficha une sorte d'étonnement, mais la suite le surprit. Elle ne semblait pas vouloir rentrer. Il n'est pas très bon pour ce qui est de lire sur les lèvres, il avait grosso-modo comprit et l'expression du visage de la jeune femme avait fait le reste. S'il comprenait pas bien, elle n'avait pas l'intention de bouger. C'est quoi ce merdier ? "Bordel Vargas, qu'est-ce qui vous arrive ? C'est pas le moment de nous péter un plomb !" dit-il bien que personne ne puisse l'entendre et qu'elle ne le regardait déjà plus. Qu'est-ce qui pourrait la faire agir de la sorte ? L'alien ? A moins que ce soit un manque d'oxygène ? N'ayant pas les informations sur la consommation d'air de sa supérieur, il ne pouvait qu'imaginer que ce soit un problème causé par ça. En plongé, le manque d'air ou même le fait d'en inspirer trop peut être dangereux et provoquer des sortes de délire. Techniquement, il y a aussi les profondeurs qui doivent jouer un rôle. L'espace à peut-être des effets néfastes ? Merde, il est pas docteur pour trouver la raison de tout ça. Alors, il vint doucement se saisir de son poignet, espérant attirer son attention. "Alejandra, vous savez tout aussi bien que moi, que je ne peux pas vous laisser là. Et si vous me connaissiez un temps soit peu, vous devriez savoir que je ne suis pas du genre à laisser un de mes hommes derrières moi !" Il imagine qu'il va lui falloir de l'aide. Il tourne sa tête et une partie de son corps pour essayer de voir Mackenzie qui devait être dans l'attente de savoir quoi faire. Il lui fit signe de venir doucement, puis fit un signe de tête vers Vargas et hocha négativement la tête, comme pour lui faire comprendre qu'elle ne voulait pas venir et qu'ils allaient devoir l'emmener de force s'il le faut. Ceci l'ennuie, mais tant pis et si jamais l'envie vient plus tard à Vargas de lui gueuler dessus, qu'il en soit ainsi. Mais au moins, il lui aura sauvé la vie avec Mackenzie.

Pour une raison inconnue, je m’étais imaginée que Frye allait lâcher l’affaire et faire demi-tour bien gentiment. Sans doute à cause de la présence de l’alien… Je me sentais comme dans un état second. Sa présence me rassurait, alors même que j’aurais dû paniquer et chercher à le fuir au plus vite, comme la première fois que je m’étais retrouvée face à lui. Cette sensation de bien-être qu’il me prodiguait, c’était comme une véritable drogue. Le pire, là-dedans ? Je n’avais pas songé un seul instant à quel point je pouvais en avoir désespérément besoin. Nous étions constamment sous pression, à la sécurité, encore plus aux postes les plus élevés. Nous avions la responsabilité de protéger le dernier fragment de l’humanité qui subsistait encore dans l’univers entier. Et ici, c’était nous, les envahisseurs… Mais cet alien ne s’était pas comporté de manière agressive avec nous. Il avait toujours cherché à me rassurer, à nous comprendre. J’avais une chance d’en faire de même…

Du moins, je le croyais. Frye me tirait cette fois par le poignet, pour me forcer à lâcher prise. A cause de la gravité zéro, il m’entraînait dans son sillage, m’éloignant aussitôt de l’alien. « Non ! » Je tendis une main vers lui, sans pouvoir m’y raccrocher. J’étais si proche de saisir la vérité ! Je me retournai vers le pilote, avec un regard troublé. Je ne comprenais pas un traître mot de ce qu’il cherchait à me dire, mais la détermination au fond de ses yeux se passait de mot. Il ne repartirait pas sans moi, il s’en était fait le serment. Peut-être bien… Si les places avaient été inversées, j’aurais sans doute fait de même pour lui. Ca ne m’empêchait pas d’être amère d’avoir été interrompue en si bonne voie. Mackenzie s’était jointe à l’effort, pour me traîner au plus loin de l’alien. Je l’observai, avec un regard impuissant. J’avais bien cherché à m’extirper de leur prise au début, avant que le signalement inquiétant de ma combinaison ne me fasse changer d’avis. Depuis quand mon niveau d’oxygène était aussi bas ? Si j’étais restée rien que quelques minutes de plus… Je restais sidérée, alors qu’ils me raccompagnaient tous deux vers la station.

Une fois à l’intérieur, le sas refermé, je retirais mon casque dans un geste tremblant. Je respirais soudainement mieux, mais j’avais eu chaud au sens littéral. J’étais encore un peu sonnée par ce qu’il venait de se produire, surtout à voir que les filins de mes coéquipiers avaient également été coupés. Avaient-ils dérivé, promis à une mort certaine, avant de me retrouver ? « Je suis désolée. Je ne sais pas ce qui m’a prise. » Je poussai un profond soupir, exténuée. La situation avait été… Etrange, déstabilisante. Je n’étais pas du genre à reconnaître facilement mes erreurs, mais là, quelque chose d’inhabituel s’était produit. Je me posai une main sur le front, butant subitement sur les mots. « C’était comme s’il était… Dans ma tête. » J’avais vraiment eu l’impression de ne faire qu’un avec Naël, avec lui. Mais c’était impossible, n’est-ce pas ? Et surtout… Pourquoi cette seule idée ne parvenait pas à me faire paniquer ? Je n’osais pas leur parler de mes propres doutes. J’en avais déjà trop dit. J’avais tout de même conscience que quelque chose n’allait pas, quand je me retournais vers Frye. « Je vous confie le commandement, Vakarian. Je ne pense plus être en état de prendre les bonnes décisions. » C’était un aveu difficile et amer, mais la situation exigeait de le reconnaître. Je les avais tous les deux mis en danger, en refusant de les suivre.

C'était loin d'être une situation évidente, mais il n'allait pas laisser Vargas derrière lui, elle aurait le droit à une mort certaine. Qu'importe qu'elle se débatte ou pas, il la trainera s'il le faut pour la ramener à bord, en sécurité. Mackenzie était là pour l'aider, saisissant l'autre bras de la directrice. Et voilà que dans un effort commun, grandement aidé par la gravité 0, qu'ils trainent la jeune femme. Elle n'était pas d'accord, tenta de se débattre un peu au début avant de laisser tomber. Ce n'est pas pour autant qu'il allait la lâcher et la laisser faire des fois que ce soit une feinte.

Finalement, le duo parvint à ramener la directrice à bord et ce fut un soulagement pour tout le monde d'être en sécurité. Frye retira le casque de la combinaison, se sentant un peu plus libre. Du personnel ne tarda pas à arriver en petit nombre au début. Alejandra s'excusa de son comportement, disant qu'elle ignorait ce qui lui était arrivée. "Les médecins vont vous examiner. L'important c'est que vous soyez saine et sauve." Il regarda Mackenzie, elle avait l'air entière ceci le rassura. "Merci pour votre aide. On devrait nous aussi faire un tour à l'infirmerie pour un check up complet." A la nouvelle phrase de Vargas, il la regarda, surprit, ne s'attendant pas du tout à ce qu'elle se dise dans l'incapacité d'exercer ses fonctions. "Quoi ? Mais attendez, vous êtes sérieuse Vargas ? C'était un incident, peut-être le manque d’oxygène, je ne peux pas prendre votre rôle ! Attendez au moins l'avis des médecins !" Pour lui ce n'était pas possible, elle était peut être juste choquée, encore sous l'état de panique ou il ne sait trop quoi de ce qu'elle vient de vivre. C'est une décisions prise un peu trop rapidement, non ?

Je secouai la tête négativement. Aucun des deux ne me reprochait de les avoir mis inutilement en danger, par mon refus de les suivre. Ils auraient dû, pourtant. Le casque de Mackenzie était fendu sur l’avant, ses minutes comptées autant que les miennes. Ca n’avait pas dû être facile, pour eux non plus, quand nous avions été séparés. Je m’étais retrouvée piégée dans ce cocon, et eux… Que leur étaient-ils arrivés, sans le jetpack pour les mener à bon port ? J’osais à peine l’imaginer. Alors pourquoi je ne ressentais aucune haine ni appréhension envers cet étrange alien ? C’était comme s’il m’avait appelé à lui, et il en avait fait autant pour Naël.

J’avais du mal à mettre de l’ordre dans mes idées. La situation me paraissait encore bien confuse, quand les secours arrivèrent au pas de course. Je relevai la tête pour les interroger aussitôt à la volée : « Naël a-t-il tenté de me rejoindre là dehors ? » Certains d’entre eux s’arrêtèrent assez subitement pour se regarder, l’air interdit. « Oui, comment le savez-vous ? » Ils savaient aussi bien que moi que nos radios étaient coupées, que nous étions injoignables. C’était bien la raison de leur présence, n’est-ce pas ? Je poussai un soupir, alors qu’ils confirmaient mes craintes. Je me retournai vers Frye et Mackenzie. Leur confiance m’honorait, mais ils n’avaient pas vécus les choses de la même manière que moi. Je repris d’un ton bas, pour ne pas alarmer tout le monde. « Ce n’était pas un accident, Frye. C’était comme si nous étions… Connectés tous les trois. Lors d’une précédente expédition, nous sommes entrés en contact, Naël et moi, avec cet alien. Je ne peux pas l’expliquer mais… Surtout restez prudents, tous les deux. » Je n’étais pas certaine qu’ils ne ressentiraient pas bientôt la même chose que moi. Ce sentiment d’attirance, de plénitude… Et puis, j’avais été comme projetée dans le corps de Naël. Comment aurais-je pu leur expliquer ce qu’ils ne pourraient comprendre ?

Je me retournai vers l’équipe de sécurité, qui éluda rapidement. « On va vous mener à l’infirmerie, c’est terminé. »
Contrairement à eux, je n’en étais pas si sûre…

Encore une mission qui se déroule... mal ! A croire que ça devient une habitude, mais au moins, il n'y a aucun mort et ce n'est pas plus mal. Mackenzie était en vie et c'est ce qui compte, tout comme Alejandra qu'ils ont réussi à ramener à l'intérieur.

La directrice le surprit en disant qu'il devait prendre son rôle, il ne comprenait pas et ce n'est que dans quelques jours que ceci sera plus où moins expliqué. De même, Vargas demanda quelque chose au sujet de Naël qui se révéla être vrai, c'est bizarre cette histoire... Mais il ne veut pas faire de conclusion hâtive. Malgré le fait que sa supérieur indique que ce qui s'était passé n'était pas un simple hasard, il ne pouvait pas accepter ce rôle. D'abord, il faut qu'elle fasse un tour à l'infirmerie et après on verra. Du monde était déjà là pour l'aider et la mener directement entre les mains des médecins. Au moins, elle est entre de bonnes mains. Laissant la directrice partir, il se tourna vers sa partenaire d'infortune. "Je vous aide à retirer votre combinaison et on la suis. On a prit un choc, un petit check up ne sera pas de refus." Il se montre gentil et rassurant, surtout vu le comportement étrange de sa collègue. "Pour le moment, je vais vous demander de garder ce qu'il s'est passé secret tant que les médecins n'ont pas examiné complétement Vargas. Si on peut éviter que ça s'ébruite, je pense que c'est mieux. Inutile de semer la panique davantage à bord." Entre l'attaque de l'alien, leur dérive et la rencontre du troisième type qu'il vient d'avoir, ceci doit rester secret, jusqu'à ce que les "autorités" décident quoi faire, s'il faut en parler ou pas. Il espère que la demoiselle comprendra et n'ébruitera pas cette histoire. Une fois débarrassé de leur combinaison, les voilà parti pour l'infirmerie.