3 jours à peine...

Le Voyager est une bombe prête à exploser, cela ne fait de doute pour personne. Tous les jours, quelqu'un en vient aux mains que ce soit pour une ration d'eau, une respiration jugée trop forte, un désaccord... il suffit d'un rien ou presque, dans cette tension à couper au couteau qui a envahi les couloirs de l'Arche. Les émeutes de l'Arboretum n'ont rien résolu, bien au contraire, et les gens à cran ne manquent pas. Même les occasions de se défouler sont interdites et la tension non évacuée, la peur de mourir, l'inquiétude face à un avenir incertain fait le reste. Les pilotes renforcent toujours la sécurité mais ils ne sont tout simplement pas assez nombreux, ou plus assez vaillants, pour vraiment instaurer la paix dans les couloirs.

Il a voulu séparer deux passagers avant qu'une bagarre n'éclate l'irlandais, et la bousculade qui a suivi a envoyé valser son crâne contre l'une des arêtes métalliques d'une coursive. C'était un accident, tout simplement, mais les blessures à la tête saignent énormément sans forcément être très grave et en vérité, Cieran est bien plus agacé d'avoir trempé de sang son uniforme qu'autre chose. C'est stupide, mais l'idée d'être encore plus sale qu'il ne l'était jusqu'à présent le révolte. Et pourtant, Dieu sait à quel point, tous, ont urgemment besoin d'une douche ! Et d'air. Et de centaines d'autres choses.

Cieran n'a eu d'autres choix que de se rendre à l'infirmerie, où on lui a donné un paquet de compresses et une poche de froid, avant de lui demander de patienter. Le secteur médical est lui aussi bien dégarni et l'irlandais sait qu'il va devoir prendre son mal en patience. Installé sur un brancard vide, les jambes se balançant dans le vide comme un gamin de six ans, l'irlandais rédige sur son pad un rapport d'incident qu'il est presque sûr que personne ne lira. Le rideau qui se tire soudain attire son attention et Cieran lève la tête, une main toujours plaquée sur sa blessure, l'autre venant déposer son pad à côté de lui. Il ne connaît pas le nouveau venu, fait plutôt exceptionnel dans le microcosme qu'est devenu le Voyager, et ses yeux clairs se fixent sur lui avec curiosité tandis que l'homme bégaie quelques mots. "Ma tête a rencontré une arête métallique quand j'ai essayé de séparer deux gars qui en sont venus aux mains. Je ne pense pas que ce soit très grave mais ça saigne beaucoup." Située un peu à l'arrière du crâne, la blessure a maculé de sang le col de l'irlandais et il hésite quelques secondes avant d'enlever sa main pour laisser Alejandro jeter un œil.

"Je m'appelle Cieran." Indique-t-il, bien conscient que c'est inutile pourtant : la bande patronymique scratchée sur son uniforme est un indice suffisant et l'homme a probablement déjà son dossier médical en main. "Et vous êtes un des petits nouveaux éveillés récemment." Il n'a aucune mérite, franchement : ils sont rares, ceux dont la tête ne lui dit rien et les couloirs bruissent de la nouvelle. On ne devait réveiller personne et les voilà avec plusieurs nouveaux, rien d'étonnant à ce qu'il le sache, l'irlandais ! "Un des amigo -Il passe décidément beaucoup trop de temps avec des gens qui parlent espagnol- de Tina ?" Il n'en sait guère plus, de toute façon : c'est sa petite sœur qui était fan de Sunrise et s'il a déjà entendu leurs chansons, l'irlandais n'a pas franchement souvenir de les avoir déjà vu.

"J'ai la tête dure à ce qu'il paraît mais visiblement, ça n'a pas suffit." Avoue le pilote avec un léger sourire, s'agitant un peu sur la couchette pour trouver une position assise plus confortable. Il a sûrement besoin de points, ou d'agrafes, rien de très grave n'est-ce pas ? Ce n'est pas lui qui a un abonnement à l'infirmerie, après tout !

Alejandro, comme il s'est présenté, finit par approcher une lumière pour mieux observer la blessure. L'irlandais résiste à l'envie de s'agiter et oblige consciemment ses épaules à se détendre. L'homme est délicat mais l'observation n'est jamais agréable et Cieran se demande déjà comment il va bien pouvoir faire pour se débarrasser du sang qui macule ses cheveux. Rien que l'idée lui donne soif et s'il sait que ce n'est qu'un tour de son esprit, il s'efforce de se concentrer sur la conversation plutôt que d'y penser. Il n'est pas difficile de deviner le sourire du jeune homme derrière son masque à l'évocation de Tina et la confirmation ne tarde pas à suivre.

Il se retient de hocher la tête et soupire doucement quand le verdict tombe. Il a déjà eu des agrafes, plus jeune, après être tombé de son vélo sans casque - il a cru que sa mère allait l'étrangler aux urgences - et la pose ne lui a pas laissé un bon souvenir. Mais il était ado, c'est sans doute différent maintenant ? Il l'espère sincèrement. Pour une ancienne star de la musique, en tout cas, les gestes semblent assurés et délicats, au grand étonnement de l'irlandais. Alejandro lui tend ensuite une lingette avant de lui expliquer l'utilité de cette dernière et le pilote acquiesce, débarrassant de son mieux le sang qui a tâché ses mains. Nouvelle question et l’irlandais réfléchit quelques secondes avant de répondre. "Un an et quelques mois." Waouh. Déjà. Il en est lui-même surpris, de ce temps passé qui a filé bien plus vite que ce à quoi il s'attendait. Évidemment, il n'a pas chômé pendant tout ce temps, entre les problèmes à régler et son boulot mais tout de même, il est presque choqué de voir qu'autant de temps est passé depuis qu'il a appris que la Terre n'existait plus, et qu'il était l'un des derniers survivants de l'humanité.

Mieux vaut se concentrer sur autre chose."Je ferais peut-être mieux de tout raser." Lance-t-il, à moitié sérieux, en ce qui concerne sa coupe de cheveux. Plus simple pour se laver, non ? L'idée de ressembler au chauve de la sécurité le fait frissonner un moment, quand même, et Cieran songe que c'est une idée qu'il garde en dernier recours. Tout, tout dernier recours. Alejandro prépare son matériel et l'irlandais l'observe un moment avant de reprendre la parole, curieux, et peut être un peu méfiant. "Vous étiez docteur dans une vie antérieure ?" C'est une question valable, il en a bien l'impression, avant de confier son crâne aux mains de n'importe qui. "Ne le prenez pas mal, doc, mais vous êtes musicien, non ?" Il a beau préciser à Alejandro de ne pas mal le prendre, il est clair que la confiance n'est pas là pourtant mais en même temps, qui peut le lui reprocher ? Alejandro a lui-même confirmé qu'il est l'un des amis de Tina et à ce qu'en sait l'irlandais, enchaîner les tournées mondiales et faire des études de médecine est très très peu compatible niveau timing. Il se doute, évidemment, que l'infirmerie n'embauche pas n'importe qui mais ils sont tellement à court de personnel, depuis... depuis. Le suicide de tous ces gens, Cieran veut juste l'occulter de son esprit : l'idée de supprimer son existence, de vouer à la mort la vie que Dieu nous a offerte heurte bien trop ses croyances pour qu'il se risque à réellement y penser.

"Je ne veux pas insinuer que vous n'êtes pas compétent pour faire ça." Il s'enfonce Cieran, il le sait bien, et ne sait pas trop comment se sortir de ce traquenard. Peut-être en se taisant ? La tête lui tourne un peu et il se frotte la tempe en grimaçant. C'est de plus en plus fréquent ces derniers temps, surtout à cause du manque d'oxygène, mais il n'y a pas d'autres solutions que de prendre son mal en patience en priant pour qu'ils tombent sur des ressources exploitables au plus vite.

Il s'efforce de rester de bonne humeur l'irlandais, en tout cas d'être positif au maximum. Passer du temps dans la chapelle l'aide, certes, mais surtout passer du temps avec les autres. Veronica, évidemment, mais ses autres camarades aussi. Être occupé a toujours été la façon de Cieran pour ne pas sombrer et continuer à avancer. Le projet du simulateur, lors de son réveil, a été d'une immense aide pour ne pas se noyer dans les conséquences et les questionnements de la disparition de la Terre. Aider le Voyager à ne pas sombrer dans le chaos est sa façon de se tenir occupé désormais, alors que toute activité physique est proscrite et que tout doit être économisé au maximum. Occuper ses mains pour occuper sa tête est une maxime qui ne lui a jamais failli encore.

"Ca ira." Assure l'irlandais avec un frisson imaginaire. Il n'est pas particulièrement attaché à sa chevelure, les régulations dans l'armée ayant toujours imposé une coupe plutôt courte, mais sa coupe actuelle lui convient parfaitement, si le secouriste n'est pas dans l'obligation de la sacrifier. Et puis contrairement à leur bien-aimé directeur de la sécurité, il n'a pas une tête de chauve, Cieran en est persuadé. Alejandro le laisse ensuite patauger dans ses explications, l'irlandais essayant avec assez peu de réussite de s'expliquer tout en ménageant une éventuelle susceptibilité de l'homme en face de lui. Mais heureusement pour lui, Alejandro ne semble pas vexé de ses doutes, les comprenant même.

Visiblement, la musique n'est pas la seule chose qu'Alejandro est fait de sa vie. Les quelques mots du jeune homme évoque des souvenirs à l'irlandais tandis que l'homme en face de lui lui expose brièvement son parcours et la raison pour laquelle il officie en temps que secouriste, avant de lui assurer que ça ne le dérange pas d'aller chercher un docteur plus officiel. Cieran balaie d'un geste les dernières paroles de l'homme, avant de lui assurer : "Pas la peine de déranger le Docteur Zhao pour si peu." Elle a suffisamment de travail pour ne pas s'encombrer de lui si Alejandro est tout à fait capable d'être à la hauteur ! Il a un léger rire, l'irlandais, avant d'expliquer. "Ma mère a insisté pour que je passe une licence d'étude en ingénierie, ce que j'ai fait, avant de m'engager dans l'armée." Il comprend bien, pour le coup, qu'Alejandro ait choisi la musique malgré ses études. "C'est comme ça que j'ai négocié le prix de mon brevet de pilote." Avec le recul, il ne regrette absolument pas ses années d'études l'irlandais. Il est persuadé, d'ailleurs, que cela a joué un rôle dans son intégration au projet Starship.

Il oublie très souvent, Cieran, que son niveau de vie est parfois à des années lumières de celui de ses interlocuteurs. Son enfance aisée, dans un milieu protégé au maximum, choyé par des parents aimants et une famille soudée est quelque chose qu'il a parfois du mal à appréhender comme n'étant pas une règle universelle. Il n'est pas stupide l'irlandais, il sait que tous n'ont pas eu une enfance et une adolescence aussi simples que les siennes et rentrer dans l'armée l'a confronté à ce fait mais pour autant, il a tendance à ne pas être très prudent sur le sujet. Son amitié avec Adrian, puis son amitié - et plus si affinité - avec Veronica l'ont obligé à se confronter à d'autres enfance, bien plus difficile que la sienne, mais l'irlandais est un privilégié et il n'y pense pas souvent.

"Laissez-moi deviner, une fois les agrafes mises, pas de douche pendant une semaine ?" C'est une blague douteuse étant donnée le contexte actuel que l'irlandais assume pourtant parfaitement, comme l'indique son sourire entendu.

La remarque du secouriste lui semble si incongrue que l'irlandais éclate de rire, surpris qu'on le considère comme un avantage pour le Voyager. Ce n'est pas qu'il n'a pas confiance en lui-même, c'est plutôt que d'être sans arrêt confronté à ses camarades, pour la grande majorité plus doués et bien plus spécialisés que lui, lui a vaguement fait ressentir qu'il n'était pas, et de loin, l'élite du Voyager. Plutôt une pièce sacrifiable, si l'on va par là : ce n'est pas un hasard s'il a tout fait devenir le chouchou d'Alejandra, c'était un moyen comme un autre de protéger son égo. Cieran secoue la tête, avant de grimacer devant la nausée soudaine induite par le geste. Pendant qu'Alejandro prépare le matériel de suture, le pilote s'explique. "J'ai passé des tests comme tout le monde et croyez-moi, je suis loin d'être un atout." Et encore moins avec ses récents déboires. "Le Voyager est rempli de gens extrêmement doués. J'ai quelques connaissances, et je donne un coup de main là où je peux mais je suis à des années-lumières du niveau de certains." L'admettre n'est pas compliqué : il est lucide, l'irlandais, sur ses compétences qui sont parfois loin d'égaler celles de ses compagnons.

Il ne retourne pas la question au secouriste : il sait, pour avoir évoqué le sujet avec Tina, que le groupe Sunrise a payé sa place sur le Voyager. Il ne les considère pas comme des inutiles surtout qu'après tout, sans argent, ce projet n'aurait pas été bien loin ! Tout le monde est un peu pareil, désormais, de toute façon : chacun cherche à s'en sortir en utilisant le meilleur de ses compétences pour assurer sa survie et celle des autres. Barman, secouriste ou mécanicien de pacotille, ils en sont tous au même point sur le Voyager qui part à la dérive.

Sa blague sur la nécessité - ou non - de prendre une douche ne tombe pas à plat et Alejandro lui précise de mettre un bonnet de bain s'il doit se doucher. On ne sait jamais, un miracle est si vite arrivé ! L'irlandais reste silencieux pourtant, alors que l'homme le prévient qu'il va commencer. Il n'est plus un bébé, et n'est certainement pas douillet mais il appréhende un peu la sensation désagréable que le secouriste, malgré sa bonne volonté, ne pourra pas complètement empêcher. C'est assez rapide, au final, et l'irlandais résiste à l'envie de toucher et de se frotter la tête à peine libéré. Les consignes données par son médecin du jour sont claires et plus pour occuper ses mains que par réelle nécessité, Cieran réajuste son uniforme de travail. Le col est ensanglanté et vu les conditions actuelles, le vêtement fera sans doute un tour par la case incinération. "Bien sécher la plaie, ne pas toucher, et garder ma tête loin de tout ce qui fait des bosses. Compris." Résume brièvement l'irlandais comme un élève modèle qu'il est parfois. Son sourire fait écho à celui d'Alejandro et le pilote observe le jeune homme quelques instants, avant de demander avec autant de sympathie qu'il le peut.

"Vous tenez le coup ?" Son propre réveil, et tout ce qui a suivi ensuite a déjà été difficile mais dans le cas du secouriste, il a peine à imaginer le coup de massue que cela a dû être. Se réveiller pour tomber en plein cauchemar, avec une survie plus qu'incertaine, doit être encore pire. Il ne sait pas trop comment aborder le sujet Cieran mais une chose est sûre, maintenant plus que jamais, l'équipage du Voyager doit être soudé. Il y a eu trop de morts, trop de suicides pour qu'il ne pose pas la question. Il n'explicite pas pourtant, embêté à l'idée d'évoquer frontalement un sujet très personnel avec quelqu'un qu'il ne connaît pas, mais réellement, il ne peut pas faire comme si tout était normal. Plus que son devoir de chrétien, c'est son devoir d'être humain : ils sont tous en galère, ici, l'entraide est une nécessité.

C'est étrangement facile de parler avec Alejandro, peut-être parce qu'il n'est pas réveillé depuis longtemps, ou parce qu'il fait tout simplement partie de ces gens qui vous mettent à l'aise sans vraiment le chercher. Quoi qu'il en soit, l'homme est efficace et rapidement, Cieran se retrouve avec quelques agrafes de plus sur la tête. Cela ne fait pas réellement mal, c'est plus dérangeant qu'autre chose et l'irlandais espère sincèrement que la sensation de démangeaison va s'estomper une fois qu'il ne pensera plus à sa blessure. Peut-être est-ce aussi pour ça qu'il a posé la question de savoir comme l'homme tient le coup, plus que par charité. La raison est multiple, quoi qu'il en soit, et l'irlandais s'oblige à poser les deux mains sur le brancard pour ne pas être tenté de les porter à sa tête.

La réponse du secouriste est une chose à laquelle l'irlandais peut tout à fait s'identifier. Se noyer dans le travail pour ne plus penser, c'est sa spécialité. Heureusement, lorsque ça lui arrive sur le Voyager, il peut compter ses camarades et amis pour l'obliger à sortir de cette spirale. Alejandro a-t-il, seulement, la même chance que lui ? Un sourire désabusé naît sur les lèvres de Cieran lorsque l'homme lui retourne la question. "Un de mes camarades de chambre est psy." Indique-t-il, comme si cela constituait une réponse. Ce n'est pas le cas : il n'a pas réellement eu le temps de beaucoup échanger avec le nouvel éveillé, leurs horaires de travail coïncidant rarement et Cieran s'efforçant de passer le plus clair de son temps en compagnie de Ronnie, ou à travailler justement. "Mais je tiens le coup." La réponse est presque innocente de simplicité, et l'irlandais pose ses yeux clairs sur le secouriste. "On s'en est sorti jusque là, il n'y a pas de raison de croire que cela va changer."

Oh, il y a des dizaines de raisons de croire qu'ils se précipitent vers une mort certaine, évidemment, mais Cieran veut croire en un pouvoir supérieur et un Dieu qui veille sur eux. Il veut croire qu'ils ne sont pas destiné à mourir ici, que l'être humain ne voit pas sa race être exterminé à cause d'un déficit d'air et d'eau. "Tout le monde travaille à ce que ça aille mieux." Lui assure encore Cieran. Il ne faut pas baisser les bras. Il est bien difficile d'être positif, ces derniers temps, mais c'est la seule chose qui reste entre le calme et la folie. L'espoir. "Je vous promets, ce n'est pas le coup sur le crâne qui me fait délirer." Ajoute l'irlandais, dans une tentative bien visible de dérider l'atmosphère. Ce qui lui fait penser à quelque chose et avec une grimace quelque peu contrite, Cieran demande. "D'ailleurs, vous n'auriez pas quelque chose à prendre contre le mal de tête ?" Il n'est pas du genre à demander des médicaments mais il appréhende un peu, l'irlandais, le moment où sa blessure va le titiller et où le mal de crâne, induit par la raréfaction de l'air, va s'intensifier. Il le sait, ils n'ont certainement plus grand chose en stock, même périmé, et le reste est réservé aux urgences. Mais même de l'homéopathie, même des plantes, il prend : il a besoin de continuer son job l'irlandais, et un mal de crâne répété ne l'aidera pas à se concentrer.

Visiblement, l'infirmier aussi hésite sur le fait qu'être le compagnon de chambrée de Corrado est un bienfait ou non. Cieran le reconnaît volontiers, l'homme n'a pas l'air d'être du genre à vouloir le psychanalyser mais il se sont vu très très peu depuis le réveil de l'homme, et ils n'ont même jamais vraiment parlé. Chacun est occupé à sauver le vaisseau de son côté, sans doute. Cieran, en plus de sa mission principale, est bien décidé à sauvegarder autant que possible l'ambiance. Il l'a bien vu, se plonger dans la déprime n'aide personne, se montrer agressif non plus. S'il n'est pas aussi joyeux qu'il semble l'être, il fait tout pour donner le change l'irlandais, et veille à ne pas confier ses peurs et ses angoisses.

Alejandro semble de son avis, lorsqu'il lui fait remarquer que c'est toujours agréable à entendre. L'irlandais lui adresse un sourire qui se veut bien plus confiant qu'il ne l'est réellement avant de changer de sujet. L'homme s'éclipse quelques secondes avant de revenir avec une plaquette de médicaments, pas grand chose, mais Cieran sait bien qu'il peut difficilement en demander plus. Il s'excuser presque, le secouriste, de ne rien pouvoir lui donner d'autre mais l'irlandais comprend, réellement. Il n'est pas réellement sûr que cela ait de l'effet mais rien que le geste - et l'effet placebo, peut-être - est suffisant pour qu'il en soit reconnaissant. "Merci." Lance-t-il en acceptant les quelques médicaments, les glissant dans l'une des poches de son uniforme avant de la fermer soigneusement. Il n'en abusera pas, et n'en prendra que s'il a vraiment mal mais avec l'air qui se raréfie, les maux de tête se font de plus en plus fréquents et intenses et il a bien peur, Cieran, que sa blessure accentue tout ça.

Il ne peut se retenir, l'irlandais : devant l'aveu du soignant, il éclate de rire, avant de vite faire la grimace et de porter une main à sa tête, oubliant allègrement qu'il ne devait pas toucher à sa blessure. Peut-être que le bonnet de bain lui serait utile, finalement ! La douleur passe rapidement, heureusement, et la grimace de l'irlandais se métamorphose en léger sourire. Il le sait, il est quelqu'un d'amical et souvent de bonne compagnie, de sources multiples et diverses. "Promis, je ne répéterais rien." Glisse Cieran avec amusement, avant de poser ses yeux sur Alejandro. "Je vous retournerai bien le compliment mais vu que je viens de rencontrer un morceau de métal qui m'a ouvert le crâne, la concurrence n'est pas bien rude." Le ton de l'irlandais est joyeux et il résiste à l'envie de se frotter les cheveux avant de se relever de là où il était assis, prudemment au début, puis avec bien plus d'assurance une fois sûr de ne pas vaciller.

"Merci doc." Et il est sincère, l'irlandais. Comme beaucoup, il n'aime pas les médecins qui lui rappelle de mauvais souvenirs mais Alejandro est plus qu'agréable. "Je mentirai en disant que je serai ravi de revenir ici mais si jamais cela n'implique ni blessure, ni rien de la sorte, je serai ravi de vous recroiser." Quand les circonstances seront meilleures - et elles finiront par l'être, il veut y croire - nul doute qu'il entraînera l'homme dans une découverte du Voyager. Ils ne peuvent pas s'aventurer très loin en ce moment, dû aux restrictions d'oxygène, mais par la suite, Alejandro n'échappera pas à une visite en règle !