Tension et détente [pv Ruiling Zhao]

On pouvait dire que ces derniers jours furent bien mouvementer. Alec avait l’impression de n’être sortie de son caisson que depuis une semaine, et avoir vécu des émotions intenses en peu de temps. Il chercha à rester positif, sourire avant tout, dire que tout allait s’arranger, mais le sort semblait s’acharner sur eux avec violence. Priver de leur maison, perdu au milieu d’un océan céleste, privé d’une bonne partie de la nourriture, d’eau, meurtre, sabotage, invasion extra-terrestre, passagers devenant fou… Alec avait du mal à y croire. Tout semblait partir en vrille. Cela le stressait tellement qu’il plongea sa tête entre ses mains, retenant un cri au fond de sa gorge pour ne pas craquer.
Non ! Tout n’était pas perdu ! Magdalena et lui, ont découvert ce qui devait être une carte. Si leur théorie s’avérait être vraie, ils pourraient sans doute trouver de l’eau et de la nourriture. Ainsi, plus de raison de paniquer. Il fallait garder espoir. Le mieux pour ça, c’était de se concentrer sur son travail, poursuivre ses observations, se concentrer sur les glyphes aliens. Oui, il le fallait. Mais alors que l’allemand se releva pour se diriger vers son ordinateur, la porte de son dortoir s’ouvrit. Surprit, Alec se tourna vers le visiteur qui entra lentement dans la pièce et s’approcha de lui. Freiszmuth exprima un air surprit, mais un petit sourire déforma son visage.

"Oh c'est toi Chancey ! Comment vas-tu mon chère ?"

L’opérateur émit une petite série de bip, qui ressemblait à celui du robot R2D2 dans Star Wars quand il exprimait la joie. Le linguiste supposa qu’il en était de même. Voilà que depuis l’explosion, le petit robot de secours s’était entiché de l’humain et venait quelques fois lui rendre visite. Au départ gêner, l’allemand prenait petit à petit en affection cet infirmier mécanique. Il n’y avait pas de grands échanges entre eux, juste une rapide visite qui se ressemblaient et toute, et dont notre ami devinait donc la raison qui poussait Chancey à venir le voir.

"Ne me dis pas que tu me ramènes encore de ces précieux sparadraps et désinfectant si ?"

La même série de bip et l’opérateur tendit au linguiste une petite boîte en plastique avant de s’en aller comme il était venu. Alec soupira et ne prit pas la peine de l’ouvrir, devinant le contenu. Recevoir assez souvent ces présents était bien entendu fatiguant, mais en même temps il ne put trouver adorable le geste affectueux du robot. Peut-être n’était-ce qu’un programme mais l’allemand appréciait. A chaque fois que Chancey lui apportait ce genre de cadeau, Alec alla les rapporter à l’infirmerie, ou à Anatole son compagnon de chambrée. Mais ce dernier n’était pas là, il devra donc se rendre à l’infirmerie pour restituer ces biens.
C’est alors qu’une idée lui traversa l’esprit. Et s’il allait recroiser Zhao ? Cela semblait remonter un peu la dernière fois qu’il l’eut vue, mais à chaque fois qu’il pensa à elle, il ressentait le même malaise que la première fois, cette sensation enivrante qui faisait perdre ses moyens. Perturbant, mais tellement addictif qu’Alec se sentit motiver d’aller la voir. Il alla donc de se pas retrouver le médecin.

*****

Devant la porte de l’infirmerie, Alec sembla hésiter. Il avait pourtant une bonne raison de venir ici, mais la revoir le chamboulait tellement. Un millier de scénario défilaient dans sa tête et rares furent ceux qui rassuraient l’expert. Néanmoins, il savait qu’il devait la voir, au moins pour rendre ce qu’on avait quelque peu détourner. Alors au tant y aller. Prenant son courage à deux mains, il toqua à la porte avant de la faire s’ouvrir, juste prévenir de son arrivé.

La salle était comme la dernière fois qu’il l’avait vue. Blanche, calme, aseptiser, on se croirait dans un hôpital futuriste, comme dans ces vaisseaux spatiaux qu’on voyait à la télé. Mais ce que voyait l’allemand devant lui, l’intéressait bien plus qu’une table d’opération et de nombreux outils articulés pendus dessus et ces écrans sortant d’un autre monde.
Comme à chaque fois, Ruiling furent recouverte d’une aura lumineuse et douce quand il la contemplait. Il n’y avait plus qu’elle qui comptait, le reste n’avait plus la moindre importance. Belle, grâcieuse et divine, l’allemand sentait son rythme cardiaque augmentait fortement, sa température faire de même, et un sourire béat lui tirait les muscles de la mâchoire. Il vit ses lèvres bougées, devant sans doute lui parler. Mais il n’entendait qu’un doux murmure aussi délicieux que celui d’une ondine envoutant un pauvre passant près de sa marre. Puis, revenant quelque peu sur Terre, Alec s’expliqua.

"Euh oui.. Hallo Fräulein Zhao. Désolé si je vous dérange. Chancey ma rapportait encore quelques affaires de l’infirmerie, je viens vous les rendre…"

Même le contact faible voir indirect de Ruiling, fit frémir Alec, lui faisant ressentir une sorte de décharge qui lui remontait tout le long du bras. S’il était parvenu à s’exprimer correctement jusque-là, tout son être fut ébranlé rapidement. Un linguiste qui perdait ses mots, ne sachant trop quoi dire ou faire. Le moindre plan que le quarantenaire aurait put imaginer venait de s’envoler pour de bon, laissant un Alec complétement dépourvu. L’air semblait pesant, comme à un début d’orage, il devenait moite. Bon, le médecin avait récupéré son bien. Elle semblait ravie, ce sourire qui illumina ce magnifique visage de porcelaine le fit rougir de plaisir.

"Heureux de vous avoir rendu service."

Au moins, Chancey avait l’avantage de permettre ce genre d’interaction entre ces deux humains. Serait-ce un coup monter par l’opérateur pour rapprocher ces deux-là ? Nan ! Alec se faisait des idées, une machine ne se souciait pas de ce qu’elle ne comprenait pas. En tout cas, il fut bien heureux au final d’avoir put revoir et parler, même si ce n’était que quelques mots, avec le docteur Zhao. L’allemand pensait que tout s’arrêterait ici, mais avant d’avoir le temps de saluer et faire demi-tour, le médecin le questionna sur les raisons de sa venue ici.

"Nein. Je suis juste venu vous rapporter ça. Seulement." Profitant de cet instant, Alec ajouta "Bon… Je vais y aller. Je vous souhaite une schöner Tag, miss Zhao." (schöner Tag : Bonne journée)

La saluant en inclinant la tête avec un sourire quelque peu nié, Freiszmuth tourna donc les talons et se dirigea vers la sortie. Il espérait rapidement redevenir normal une fois le seuil de la porte franchit, mais frapper par une idée subite, le linguiste stoppa sa course et se tourna vers la belle chinoise. Il semblait gêner, et en même temps qu’il lui parlait, le linguiste se gratta le cuire chevelue.

"En fait… J’aimerais savoir si vous aimez manger. Enfin, pas que vous êtes gourmande, enfin je ne veux pas dire que vous êtes en chaire…" Prit par une soudaine panique de l’idiotie qu’il était en train de prononcer, Alec eut comme des yeux exorbiter et tendit ses mains vers Zhao comme s’il voulait lui éviter toute fuite. "Non non ! Vous êtes très bien ! Tout le contraire ! Pas le contraire que vous êtes bien, mais belle, bien faite. Enfin vous paraissez en bonne santé. Vous l’êtes quoi..."

Se sentant à l’apogée du ridicule, Alec respira un bon coup pour se calmer et reprendre comme il fallait sa demande. Un peu plus et cela aurait été sans doute catastrophique. Respirant et se raclant la gorge, l’allemand poursuivit en gardant son calme.

"Je voulais vous demander si vous accepteriez de venir dîner avec moi ce soir… Où déjeuner vue qu’on est encore en pleine journée… Théoriquement. Nǐ jiēshòu ma?" (Acceptez-vous)

C’était sans nul doute, la demande de rendez-vous la plus maladroite qui soit. Malgré la meilleure maîtrise qu’avait acquit l’allemand, il se sentait tout aussi nul et pathétique que la première fois. Zhao Ruiling devait le prendre pour un fou, elle devait se dire « Quand allons nous ouvrir la section psychiatrique du vaisseau, j’ai un patient d’urgence sous la main là ! » Alec avait mit du temps à mettre un nom sur ce qu’il ressentait et comme un ado honteux, il cherchait à gérer seul ce qui le touchait au risque que comme maintenant, de passer pour un vrai fou.

L’air qui semblait lourd était électrique, l’allemand avait le sentiment qu’il allait finir écraser par l’air même de la pièce, ses membres devenant de plus en plus moite et ses jambes qui lancaient cet ultimatum « Soit il se sauve, soit elles l’abandonnent. » Difficile de choisir, Freiszmuth attendait donc la réponse de Ruiling qui pouvait décider de son destin. Oui, notre ami était vraiment un dramatique des fois.

La réponse favorable du médecin emplissait de joie le linguiste. Elle pouvait encore déclinée, prétexter ne pas avoir le temps. Après tout, le travail d’un médecin était prenant surtout sur le Starship où le moindre bobo pouvait devenir grave. Vu la chance qu’il avait, Alec ne put s’empêcher de sourire, le visage tout illuminé comme si la fille sur qui il rêvait, acceptait de l’accompagnée au bal. Il se sentait aux anges comme on dit.

"Grosses Dankeschön !* Euh... Parfait dans ce cas."

Freiszmuth devait quand même faire attention pour ne pas s’emballer trop vite, ou trop fort. Il ne voulait pas effrayer son invitée.

"Ce sera plus plaisant que de manger tout seul."

A cette phrase, le linguiste avait l’envie de se cogner la tête contre un mur pour l’avoir prononcé. Pourquoi ? Car quand il eut fait cette proposition à la belle chinoise, Alec était dans l’état d’esprit du rencard, du rendez-vous intime. Et déjà que la communication entre eux n’était pas facile, chacun tombant à côté des intentions de l’autre, voila que notre ami allemand exécuta une sorte de demi-tour, sans doute dû à la timidité, présentant ce déjeuner comme une simple sortie banale.
Et cela ne s’améliora pas quand Ruiling Zhao mentionna le réfectoire et son menu du jour. Alec la regarda d’un air surpris et marmonna dans sa fine barbe :

"Réfectoir ?"

Et oui. Le Starship Voyager n’avait pas de restaurant quatre étoiles. C’était avant tout une entreprise spatiale, un bâtiment qui flottait dans le vide, transportant en son sein ses employés, et non un vaisseau de croisière comme dans le cinquième élément. Si Alec voulait inviter Ruiling à un rendez-vous galant, les options restèrent bien minces.
Le réfectoire bien entendu ne proposait pas une haute gastronomie. Si déjà nous nous plaignons de nos cantines, avec la viande congelée et les légumes bas de gamme, le Starship proposait pire. Ici, tout était recyclé, et si on s’amusait à commander un met, on était servi comme tout le monde, avec un plan étrange, nourrissant, mais qui vaudrait bien des blagues.

Si on cherchait en plus un coin intime, le réfectoire n’était pas idéal non plus. Seule une poignée de l’équipage était réveillée, mais on trouvait toujours du monde ici. Au moins, on pouvait se mettre à l’écart sur une table dans un coin pour rester seul ou discuter tranquillement.
Alec, suivit de Ruling, attrapa un de ces plateau qu’on faisait glisser pour y mettre ses plats. Mais comme on ne servait plus que la même chose ou presque, le service fut rapide.

"Que direz-vous de nous mettre à l’écart mais près d’une baie vitrée ? On aurait une belle vue comme ça non ?"

A défaut d’être dans un grand restaurant avec fontaine, musiciens, spectacles et bouquet de rose, Alec ne trouva rien d’autre pour le moment afin de proposer un cadre plus « romantique ». Il ne voulait pas brûler les étapes, mais cherchait vraiment des conditions optimales pour passer un bon moment. Cet instant où il serait seul avec le médecin, que ce soit autre pour le boulot, il l’avait tant attendu. C’était peut-être sa plus grande chance et il espérait de ne pas être déranger.
Au moins, l’endroit ne manquait pas de verdure. Au lieu de ressemblait à une immense salle grise et triste, elle était décorée de quelques plantes si elles sont encore en vie. Cela évitera ou diminuera le risque d’avoir le cafard. Comme quoi, tout n’était pas noir non ?


*Super merci !