[INTRIGUE] Phase 1.2 D'un Sommeil sans Rêve ☾ Groupe 2 — ATP-ATZ

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Les sourcils froncés, j’ouvre la bouche pour parler sans qu’un mot n’est le temps de sortir. Les yeux écarquillés, comme tous les autres, je ne peux que retenir mon souffle au vu des étincelles et de la visible perte d’autonomie du Cygnus. Et l’univers étant ce qu’il est, la loi de Murphy prévaut. Tout ce qui doit se passer mal se passera encore plus mal. Hécate couvre les clameurs et exclamations, faisant taire un instant la peur et la panique. Avant que tout ne reprenne de plus belle.

La verrière est bien trop loin des portes pour réussir à les atteindre, même si je pique un sprint. C’est fou comme ça parait court 60 secondes quand on a sa vie en jeu. Ça c’est passé aussi rapidement sur Terre ? Pas le temps de réagir ou de vraiment comprendre ? Ou ont-ils eu des semaines, des mois d’angoisse et d’espoir ?  Je secoue la tête et inspire profondément.

Certains commencent à courir, les larmes coulent et beaucoup paniquent. Rien que de très normal. Et moi ? Moi je reste là, à regarder le Cygnus se rapprocher, essayant de trouver quelque chose à faire. Réfléchis. Fais quelque chose. Le bouclier.  Je tourne la tête vers le directeur Minaïev alors que ses pensées ont eu le même cheminement que les miennes visiblement. Si l’Arboretum est fichu, toute l’Arche le sera. Toute l’Humanité le sera. Sceller les lieux est la seule solution, et si d’autres le regardent d’un air horrifié, je peux qu’acquiescer par automatisme.

Et le sifflet retentit, attirant plus ou moins l’attention de tout le monde. Et tout le monde suit. Tout le monde se précipite vers cette lueur, pour sortir de là. Une part de moi est curieuse de savoir comment la verrière va résister, de savoir ce qu’il va se passer exactement quand l’air sera aspiré à la moindre fissure, de savoir comment le bouclier fera effet une fois que l’impact aura eu lieu. Suffira-t-il ? Permettra-t-il de revenir dans l’Arboretum ? Y restera-t-il quelque chose à sauver ? Et le Cygnus et ses occupants ? D’accord, je n’y pense pas longtemps, même si je me demande si ce qui les a percutés est encore dehors à observer le résultat de la manœuvre,  et si peut-être il voudra terminer ce qu'il a commencé…

Je ne prête plus attention au temps, alors que le gens se précipitent sur ces échelles et couloirs bien trop étroits, sans trop savoir si la porte résistera au vide qui va se créer. Mais mieux vaut y croire que de rester là à attendre de mourir. Je ne sais pas s’il reste du monde, je ne sais même pas jusqu’où ont avancés ceux qui sont passés, je les suis, j’avance alors que les secondes finissent de s’égrener, alors que j’attends déjà le choc, sans parvenir le moins du monde à ralentir les battements effrénés de mon cœur.

Je ne tourne la tête que pour voir le directeur Campbell réquisitionné pour fermer la trappe. On ne lui a jamais dit que les noirs mourraient toujours en premier dans les films catastrophes ?... Enfin, s'il meurt, on meurt tous, ce serait encore plus moche. Pourvu que cette foutue  porte tienne...

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A chaque seconde écoulée depuis la fermeture de cette porte, depuis le compte à rebours, tu avais bien cru que ton coeur allait lâcher avant l'aspiration, l'explosion, n'importe quoi, que tu allais vivre. Parce que tu connaissais la vérité sur la mort dans l'espace. Il n'y avait pas de mort gelée - il n'y a pas d'air froid dans l'espace, vu qu'il n'y a pas d'air - ni de corps qui explose à cause d'une différence de pression - le corps peut y résister, enflant juste un tout petit peu. Non. La mort dans l'espace, c'est une asphyxie violente, et une perte de connaissance en quinze secondes. Quinze secondes de trop où on cherche l'air.

Brrr. Tu ne voulais plus y penser.

Parce que si tu étais resté un long moment tendu, les yeux fermés, à attendre la mort en t'accrochant au bras d'une personne totalement inconnue - rare moment où tu avais eu besoin d'un contact physique avec quelqu'un... Si tu avais vécu la secousse comme si tu allais crever à l'instant... Si tu avais cru ton heure arrivée... Tu survécus. Les choses finirent par arrêter de bouger, et ce n'était pas parce que tu étais mort.

Quand tu ouvris les yeux, uniquement après un long moment, ce fut parce que tu avais entendu la voix de Jerry, qui proposait de partir en éclaireuse. Si vite ? Elle se remettait si vite, tu en étais presque impressionné. Sauf que tu étais spécialiste, et quand elle demanda si quelqu'un savait où il fallait aller, tu en avais ton idée. "Je-." Tu éclaircis ta voix, qui était si enrouée qu'on avait cru la voix d'un castrat de Venise. "Il doit y avoir un point d'accès à Hécate, par-là. Je pourrais... Reprendre le contact avec. Connaître, hum, les dégâts. Ce genre de choses." Tu bougeas un peu, te sentant relativement comme une poupée de coton, pas certain de tenir sur tes jambes.

Sauf qu'en gardant appui sur les murs, tu parvins quand même à te diriger vers l'endroit où tu supposais - avec logique - trouver ce relais de communication. Tu préparas même ton comlink, espérant que cela fonctionne. Tu ne savais d'ailleurs pas encore ce que tu allais demander. Certainement... Quelle est la situation ? Tu aurais peut-être dû demander à quelqu'un de plus gradé, voire attendre. Mais tu arrivas devant ce qui était justement une interface de communication, et ainsi... Tu scannas ton comlink, posant cette question à voix haute, espérant une réponse.

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L’espace d’un instant je bénis le ciel de ne pas être claustrophobe. Avant de me rappeler que le ciel, tel que nous l’avons connu, n’est plus qu’une vue de l’esprit. Une de plus. Une de trop. Je me rends compte que je suis à deux doigts de perdre pied pour de bon. On y voit à peine dans ces tuyaux et je me trouve beaucoup trop grand pour ce genre d’exercice. A se plier en deux pour passer, à ramper même, alors qu’on avance, sans trop savoir où l’on va. Enfin tout du moins, c’est mon cas, alors que je me surprends à croiser les doigts pour que ce soit pas le cas de tout le monde.

On se retrouve tout de même à attendre, dans un silence plus ou moins total et interrompu par les respirations un peu rapides de certains. Ou de la mienne, allez savoir. Là encore, je préfère ne pas trop me pencher sur le sujet, de peur d’une réponse qui risquerait de laisser libre court à cette panique qui se planque dans un coin, prête à me bondir dessus et à prendre le pas sur tout le reste. Pourtant, je négocie âprement avec elle, en lui soulignant que nous venons de survivre à un crash de navette dans l’espace. Niveau statistiques, on doit crever le plafond. A ça, la panique me souligne qu’on a eu une chance de dingue, pas dit que ça continue.

… Et là, difficile de trouver de quoi lui répondre.

Je l’entends ricaner alors que je sens qu’elle commence à s’insinuer un peu partout. Et je suis soulagé d’entendre certains prendre la parole, laissant filer un rire nerveux alors que j’entends un… canard. « On a une invitée surprise ? Elle doit être ravie d’être là. Presque autant que nous. » J’ai un regard en direction du jeune Gallagher, le distinguant vaguement entre les ombres qui nous séparent et j’ai un soupir de soulagement quand il réussit son coup et nous relie avec Hécate. « Si on m’avait dit qu’un jour je serais soulagé d’être dans un tuyau à entendre une IA nous montrer le chemin, j’aurais trouvé ça totalement surréaliste. » J’ai grommelé dans ma barbe plus qu’autre chose et j’attrape un des casques, me calant aux cotés de Théodore dont je capte le regard. Et il ne me faut que quelques secondes avant de comprendre ce à quoi il pense. Je le fixe en silence, avant de souffler, d’une voix aussi calme que possible. « Essayez de faire le moins de bruit possible. Et de ne pas trop vous cogner aux murs. » Qu’on n’attire pas trop l’attention de ce qui peut se balader autour de nous, dans les autres conduits. Si c’est pas déjà trop tard.

Non mais, au pire, si on tombe sur un alien, un coup de coincoin et casque réussiront à le convaincre que nous sommes bien trop stupides et inoffensifs pour qu’il mérite de s’attarder sur nous. Sinon, on aura qu’à leur dire que Daisy est notre chef à tous. Sur un malentendu, ça pourrait donner quelque chose d’intéressant. Ou nous permettre de fuir le temps qu’ils comprennent.

… oui, je crois que je perds encore un peu la boule là. C’est moi où les murs du conduit se sont un peu rapprochés ?

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« Je ne suis pas certaine... » Tu ne veux pas dire n’importe quoi… Certes, tu as participé à la conception de la station, mais tu ne sais pas, avec certitude, où débouche chaque conduit… « Je crains que les conduits débouchent dans la zone scellée… » Loin de toi l’idée de les inquiéter, mais la passerelle étant le centre névralgique de la station : il est logique que ce soit le point de ralliement de nombreux chemins.

« Jerry, est-ce que tout le monde est là ? »  Jerry doit savoir qui elle avait comme « élèves » dans son cours d’entraînement d’endurance et tu espères qu’elle te dise que tout le monde est passé par le conduit.  Tu te sens triste d’un coup, tu te doutes que vous n’avez pas pu sauver tout le monde et vous ne savez pas bien si la verrière a survécu ou pas, mais dans le cas où la verrière n’aurait pas tenu, il y aura des morts à déplorer... « Est-ce que tout le monde va bien ? »  Déjà avant toute chose, avant de prendre une quelconque décision, il faut savoir si personne n’a de bobo.

Les comlinks se rallument.  Au moins un peu de vie dans ces conduits à peine éclairer où la lumière rouge tamisée nous donne à tous l’air d’être malade… « Hécate, fais nous un rapport : est-ce que la verrière a tenu ? » Tu surenchéris la question de Vassili. Tu veux l’entendre, tu sais que cela va rendre la chose réelle, mais il faut en avoir le cœur net, qu’Hécate le dise clairement. Tu n’oses pas demander combien il y a de blessés ou pire de morts, mais tu veux le savoir. Tu veux pouvoir imaginer, malheureusement, la situation que cela doit être au-dessus de vos têtes.

« Leontina, c’est ça ? » Tu prends les mains de la belle brune dans les tiennes pour la calmer, tu ne lui as jamais parlé – à part les quelques mots pendant l’entraînement -, mais tu la connais parce qu’à ton réveil, tu t’es tenue au courant des services remis en route et par qui. Tu te souviens t’être attardée sur le profil de Leontina. « Tout va bien aller. Venez, vous allez rester avec moi. » Ca, tu n’en es pas certaine, mais tu l’espères très très fortement. Toujours est-il, Leontina étant au bord de la crise de panique, pas la peine d’en ajouter.  Tu la prends par les épaules et elle, elle se cramponne à toi. Tu te fais un devoir de la protéger. De les protéger. Tous. Telle une mère poule, tu te sens réellement responsable de tous les passagers dans ce conduit que tu leur as fait emprunter.  

« Directeur Minaïev, on vous suit ! Mackenzie, je passe derrière vous. Faites tous attention les conduits peuvent être étroits par moment ! » Tu te doutes, plus ou moins, de ce qu’il vous attend… Une marche longue et douloureuse digne du parcours du combattant, parce que les conduits de maintenance n’ont pas été conçus pour le passage d’humains. Tu ne sais même pas si vous y arriverez… jusqu’au pont… Il faut espérer que oui… Tu serres Leontina contre toi, tu sais que malheureusement vous ne pourrez pas marcher comme ça longtemps, mais le temps que tu pourras afin de la rassurer.

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Je regarde ma main en fronçant les sourcils alors que j’accroche pour la troisième fois le tissu de mon t-shirt. Il ne manquait plus que ça, j’ai réussi à me casser un ongle en descendant ce fichu truc. Je vais mourir avec un ongle cassé. Je ne sais pas trop pourquoi, cette idée me fait rire. Une demi-seconde certes, mais quand même, quelqu’un m’a dit un jour que si elle parvenait à se faire rire elle-même, c’est qu’elle était drôle. Bon, elle est morte maintenant, mais elle l’était, drôle, à l’époque… Je disais quoi ? Ah oui, qu’on allait sans doute mourir dans d’obscurs et étroits couloirs de maintenance, et que je n’aurais même plus de manucure parfaite quand l’oxygène fera sauter mes derniers neurones. Ce serait donc moche. En même temps, je pense que l’oxygène se fait déjà rare vu le cheminement de mes pensées.
Et nous n’allons pas mourir dans le vide astral, la porte tenant visiblement bon. Bien, très bien. Cela ne solutionne pas le reste du problème, à savoir que nous sommes coincés ici, mais mon cœur se remet néanmoins à battre et je parviens à reprendre ma respiration. Je toussote en écoutant distraitement les divers échanges, presque épatée de les voir réussir à circuler et à se passer devant dans ces couloirs trop sombres et trop étroits. Enfin, le principal est qu’ils y arrivent et que l’un d’entre nous parvient à relancer Hécate, ou tout du moins à établir un contact relatif, même si je me demande vaguement comment il a fait. Peu importe au final. On sait que le Cygnus s’en est sorti, et que ses occupants sont tous vivants pour le moment. On peut s’en sortir. On peut avancer.
Tout va bien.

On sait où aller, et comment y aller. Et c’est bien le souci. Je me fige malgré moi, me tendant nerveusement, et mon regard croise celui du jeune directeur, non sans avoir bugué un instant sur le canard qu’il tient. « Un canard, d’où il sort ce canard ? Vous comptez l’utiliser pour faire comme dans les mines au XIX siècle ? C’était des canaris non ? » Je cligne des yeux et le dévisage… Une partie de moi est soulagée de lire dans ses yeux la même inquiétude qui doit transparaître dans les miens, une autre n’en est que plus alarmée. Alarme qui se met à sonner plus fort alors que je tourne la tête pour fixer Peter, écarquillant les yeux malgré moi. « Pas de bruit, c’est une bonne idée. Et s’ils fonctionnent à la chaleur plutôt qu’au son… on est fichus de toute manière. » Je sais, je suis rassurante, mais en même temps, il faut bien quelqu’un pour être un peu sensé… Vu que visiblement personne n’a jugé bon de réfléchir à cela en sortant Cygnus.

Du coup, c’est pas trop le moment de lancer un ‘Heigh-Ho ! Heigh-Ho !’ pour voir si ça résonne. Je souris malgré moi. « Si je lance un Hello, je vais avoir un Winston en retour ?... Ou un Maaaaar au moins ? Au moins, ça prouverait qu’ils ont un certain sens de l’humour. »

Quoi ? Avouez, ça serait presque drôle !

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Il laissa échapper un soupir de soulagement, quand la trappe par laquelle ils étaient passés fut fermée, dans un « cling » retentissant. Le bruit qui en émanait n’était pas pour le rassurer, mais ils gèreraient les conséquences plus tard. Ils ne risquaient plus de mourir par asphyxie, ou aspirés dans l’espace pour dériver pour toujours. Même si la seconde solution était, de toute évidence, la meilleure : ils n’auraient pas souffert longtemps. Enfin, était-ce réellement le cas ? Secouant la tête, il essaya de ne pas se concentrer sur ces pensées peu réjouissantes. Ils n’étaient pas encore sortis d’affaire, ils devaient avancer. Et visiblement, Allan avait une bonne idée de la façon de procéder – une façon qui le laissa plus que perplexe : il ne gérait pas la communication entre Hécate et les Voyagers, ce n’était pas son rôle. Comment avait-il pu rétablir la communication avec l’IA du vaisseau ? À moins qu’elle n’ait cherché à entrer en contact avec les gens qui se trouvaient sur l’arboretum et ait utilisé le signal du comlink d’Allan pour cela… Mais Alec était sceptique.

Même si c’était une bonne chose, et qu’il eut enfin l’impression qu’ils allaient s’en sortir. Ils avaient le plan, ils pouvaient communiquer. Ils savaient où aller. À condition qu’ils ne se perdent pas. Qu’ils ne soient pas séparés. S’approchant de son supérieur, autant que faire se peut, il prit la parole à son tour. « Directeur Minaïev. Je vais fermer la marche. Si par malheur nous sommes séparés et que nos comlinks ne peuvent plus communiquer, nous pourrons certainement rétablir la communication entre nos deux groupes. Et peut-être que nous pouvons dès maintenant activer les gps des puces présentes dans les comlinks. Pour garder un œil les uns sur les autres. Vous avez votre pad, j’ai le mien, ça nous faciliterait la tâche. Si vous m’en donnez l’autorisation. » Il sortit son pad, cherchant le meilleur moyen d’agir, en attendant l'approbation de son directeur – au moins pour connecter sa propre puce à son pad. Quitte à le donner au directeur. Il ne pouvait garantir qu’ils auraient assez de batterie pour se connecter à toutes les puces et les suivre tout du long, ni même qu’il aurait réellement le temps de le faire, mais s’il pouvait au moins suivre les déplacements de son directeur et réciproquement, ça serait une petite victoire. Et il n’aurait qu’à reproduire la même manœuvre pour les autres.

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Peut-être aurais-tu dû réfléchir, au fait que tu avais peut-être pas, aux yeux de tous, les autorisations nécessaires pour réactiver les communications ? Mais tu n'avais pas réfléchi, tu étais dans un état d'adrénaline que tu n'avais jamais connu jusque là, et tu avais pensé à l'urgence, pour avoir des informations, tout pour survivre. Tu géreras la suite, après, quand vous serez sorti de là et que vous aurez survécu à ce qui te semblait être un couloir digne de l'appartement d'un geek qui ne faisait jamais le ménage. Tu t'étais fait discret, après tout, tu ne parvenais pas à desserrer les dents. Tu gardais l'espoir de sortir de là en vie - surtout après avoir pu voir que vous approchiez du pont. Encore plus alors que tu entendais, comme les autres, ces voix - qu'une personne associait à des fantômes. Vraiment ? Tout ce que tu arrivais à rationaliser, quelque part au milieu de la peur, c'était qu'il y avait peut-être d'autres survivants qui étaient de l'autre côté et qui - qu'est-ce qui se passait ?!

Tu t'étais juste mis au hasard vers le milieu, pas loin du docteur - un moyen de te rassurer, quelque part, puisqu'elle te semblait une bonne personne - quand tu t'étais senti partir un peu trop loin du soleil. "Ah ?!" Tu crus bien mourir sur place, avec les pieds ne touchant plus le sol... Et dans le quasi-noir. "MAIS-!" Tu t'accrochas à un mur, essayant de te taire avec une main sur la bouche. Ne pas crier. Des fois qu'il ne s'agirait pas de survivant, par là. Tu voulus tout de même vérifier, sur ton pad qui avait un coin légèrement fêlé à cause d'un choc, ton comlink, mais tu n'avais plus aucun accès au réseau. Mais comment ? Tu chuchotas : "Tout s'est éteint, je... On n'a plus accès à Hécate." Tu en eus un frisson. Il devait se passer des choses graves, des dysfonctionnements dûs au choc que le vaisseau venait de vivre.

Tu en étais à te demander comment vous alliez pouvoir avancer, en flottant comme des papillons bourrés. Et comme pour te donner un aperçu du futur, tu te cognas la tête en essayant de bien te positionner. Mais tu t'empêchas de faire trop de bruit. Vous étiez seuls, désormais.

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Je réprime un rire nerveux aux interventions des uns et des autres ponctuées par des « coin ? » qui rendent la situation encore plus surréaliste qu’elle ne l’est déjà. Et pourtant, je ne pensais pas la chose possible. Je suis le mouvement tant bien que mal, sans me blesser de mon côté même si ce n’est pas le cas de tout le monde. J’ai la vague impression qu’on ne sortira jamais de là, que ces fichus tuyaux sont sans fin et que… alors oui, je pense que c’est cette panique insidieuse qui a pris le pas sur tout le reste, c’est fait. Il faut dire que ce n’était pas particulièrement difficile au vu des circonstances.

Je m’efforce pourtant de rester aussi calme que possible, surtout quand je réalise, probablement en même temps que les autres, à quel point ces murmures non-humains sont proches. Beaucoup trop proches. Vous êtes déjà allés au zoo ? Je me rappelle de ce tigre qui s’amusait à mettre des coups de patte sur la paroi de verre nous séparant de lui. Comme pour nous prouver qu’il suffisait d’un rien pour qu’il ne fasse qu’une bouchée de nous. Et bien là, c’est la même idée. Tout crépite autour de nous et je me sens cerné de part et d’autre sans pouvoir rien y faire. Mais au moins, on avance, c’est toujours ça de pris.

Avant que ne me fige totalement quand j’entends cette voix. Humaine. Et que je reconnais sans le moindre mal. Sauf qu’il devrait être mort. Ou alors, s’il ne l’est pas, c’est qu’il est entre leurs mains depuis plusieurs semaines ? Je cille, regardant autour de moi alors que je cherche quelque chose à quoi me raccrocher, tant physiquement que psychologiquement. La voix de Seth continue de résonner dans ma tête alors que je ne sais pas quoi faire de cette information. Et j’hésite à leur dire. A quoi ça servirait de toute façon ? On ne peut rien faire pour lui dans l’immédiat si ce n’est lui tenir compagnie et se faire dévorer le bras à notre tour. La panique est déjà à deux doigts de tous nous envahir ne nous leurrons pas. Et si quelqu’un se prend pour un héros à vouloir le sauver, il risque de nous mettre tous en danger. Mon regard croise pourtant une nouvelle fois celui de Théodore. Je me demande s’il a compris ce qui m’est passé par la tête. Je me sens de nouveau hésitant et je finis par ouvrir la bouche pour le dire.

Sauf que c’est le moment où les éclairages finissent par s’éteindre. Je murmure un « et merde » bien senti et inhabituel chez moi, me retenant de justesse de me cogner une nouvelle fois contre la paroi alors que je me sens décoller du sol. Plus de pesanteur. C’est parfait. Tout simplement parfait. Je désigne les trappes d’un mouvement de la main aux autres, si tant est qu’ils puissent voir mon mouvement et qu’ils ne l’ont pas déjà vu par eux-mêmes. Mais peut-être qu’en désignant l’évidence, ça la rendra plus acceptable. Ou pas, on est bien d’accord.  

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Tu es fatiguée, Tina. Si fatiguée ! Tes membres fourbus crient grâce, et tu es bien forcée d’admettre le bien-fondé de l’entraînement sportif auquel les autorités de Voyager veulent vous contraindre. Tu ne parles pas, pendant l’éreintante transhumance des rescapés tout le long de la station, concentrée sur la nécessité absolue d’avancer, car le salut réside dans la fuite. La tentation est grande pourtant de capituler, mais quelques bribes de courage demeurent ancrées au creux de tes os et te poussent à la suite des autres, suivie par les cancanements occasionnels de la cane de Theodore. À choisir, tu préfères un coin-coin de temps en temps, que les voix clairement pas humaines qui s’élèvent depuis peu quelque part de l’autre côté de la cloison du tunnel… Tu as eu la chance de ne pas être blessée, mais tu ne donnes pas cher de ta peau si les entités hostiles parviennent à te mettre la main dessus – ou quelque autre appendice dont leur créateur maléfique les aura pourvus. Nerveuse, tu portes la main à ton poignet pour effleurer la médaille de Saint Christophe accrochée à ta gourmette de baptême. Le saint patron des voyageurs, tu parles ! Qu’il fasse un peu son boulot, seigneur tout-puissant !

Tu t’apprêtes à te faufiler sous une trappe hermétiquement close comme la vingtaine que vous avez déjà dépassées, lorsque soudain l’enfer semble soudain se manifester tout autour de vous. Tout se coupe. Les comlinks, les pads, la lumière d’urgence, la gravité artificielle… et même le verrouillage des trappes ! Celle sous laquelle tu te trouves s’ouvre en coulissant silencieusement, et l’on entend bien plus fort les voix déformées. Si tu avais la tête à ça, tu te demanderais pourquoi leur intonation semble si interrogatrice et désorientée – mais la panique n’est jamais tapie très loin de la surface, et tu imites Daisy : fermement silencieuse et aussi discrète que possible, tu t’agrippes à Theodore avec l’énergie du désespoir pour reculer et ne plus te trouver directement sous l’ouverture, exposée à ce qui pourrait s’y pencher. Le sifflement de douleur de l’éleveur t’inquiète, et son chuchotement ensuite te fait sursauter. Chut ! voudrais-tu lui hurler, pétrifiée comme une biche dans le faisceau de phares particulièrement éblouissants. « Salve-nos. » murmures-tu en réponse à sa demande, prière éphémère adressée à tous tes saints patrons.

D’une main, tu attrapes les prises diverses au mur – des tuyaux, des poignées, des aspérités, tirant Theodore avec toi – bénie soit l’apesanteur qui vous rend si légers… Et par miracle, tu ne percutes rien. Pour le moment.  
Si vous sortez de là en vie, il te devra un verre !

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