[INTRIGUE] Phase 1.2 D'un Sommeil sans Rêve ☾ Groupe 2 — ATP-ATZ

Magda est un bon petit soldat, alors quand on lui a dit qu’elle devait faire une heure de sport par semaine, elle a fait la mou, mais elle a accepté. Si elle avait été plus jeune, elle serait allée chez le médecin pour avoir une dispense.

Elle n’est plus une enfant, alors il faut assumer. Pas du tout sportive, elle n’aime pas du tout ça. Dans sa cabine P3, elle enfile un pantalon de sport noir un peu large pour qu’elle soit à l’aise et un tee-shirt de couleur marron comme son département. Elle noue ses cheveux en queue de cheval, prend son comlink, son pad, sa gourde d’eau en verre, vérifie plusieurs fois que tous les objets dans sa chambre sont parfaitement alignées, que tout est en ordre et que la porte est bien fermée. Elle part enfin après quelques minutes de vérifications.

En passant dans les couloirs, Magda arrange les objets ici et là sur son passage.  Et parle à l’enregistrement vocal de son pad tout en marchant, elle se fait une to do list dès qu’elle voit quelque chose à arranger, ajouter, changer.

Une fois arrivée dans l’arboretum, elle pose son pad, rejoint le groupe et se met à l’arrière de ce dernier, faisant plus ou moins semblant de faire ce que Jerry lui dit. Physiquement, Magda n’a jamais été réellement au niveau. Elle ne peut pas suivre, alors elle fait des petits gestes avec ses bras de haut en bas sans trop se fatiguer. « Vous serez là Ruiling si je me foule un muscle. » lance-t-elle à la médecin.

Quand elle entend l’annonce d’Hécate, un « ouf » venu du coeur, lui échappe. « Nous sommes sauvées ! » dit-elle en regardant Leontina non loin d’elle. Elle fait comme si elle n’entend pas les coups de sifflets de Jerry.

Elle arrête ce qu’elle est en train de faire ; de toute façon, elle ne fait pas grand-chose. A vrai dire, elle fait plus acte de présence qu’autre chose. Elle est l’une des premières à s’approcher de la sublime verrière. Elle, qui adore tout ce qui est architecture. Elle est totalement amoureuse de cette verrière, de cette vue sur l’immensité de l’espace. Magda la connaît bien, c’est elle qui a suggéré sa construction. Elle voulait que le noyau de l’Arche soit un poumon végétal comme une bouffée d’air frais qui sert l’espace d’un instant à s’évader ailleurs.

Avec le même enthousiasme que les autres, elle fait coucou à la navette. Un peu de joie et de gaieté dans ce chaos, cette tension et l’inquiétude palpable.

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Je fixe mon « uniforme » de sport, la mine un rien dubitative. Il y a déjà quelques semaines que j’ai repris le sport, ça devient plus qu’essentiel dans un espace clos comme celui-là, où on se demande si la prochaine nouvelle ne sera pas pire que les autres ? Oui, je suis toujours aussi optimiste sur notre avenir, quand bien même je suis heureux de voir de plus en plus de monde qui se réveille et, surtout, de voir le réveil du vaisseau. Mais la disparition de mon colocataire me pèse plus que je veux bien le reconnaître. Je le connaissais à peine et je n’ai abordé le sujet avec personne, mais de voir que c’est comme s’il n’avait jamais existé, que les heures passées à discuter avec lui sont comme un souffle de vent déjà passé – et je ne parle toujours pas le vent malheureusement…

… bref, je me perds un peu là. Même mes pensées partent dans tous les sens, c'en est presque effrayant. Bon, pas presque et j'avoue être plutôt content que personne ne puisse les lire en cet instant.

Je secoue la tête, enfilant ma tenue avant de me diriger vers l’Arboretum. Entraînement obligatoire, remise en forme. Ma foi, pourquoi pas. Je reconnais quelques silhouettes et je plisse les yeux en direction d’Alec, presque jaloux de voir qu’il y échapper pour aujourd’hui.

Je m’étire alors que tout le monde finit d’arriver et que Jerry, notre coach donc, fait son petit discours. De motivation je suppose. Enfin, elle a raison. On ne sait pas ce qui peut arriver et si on va pas devoir détaler à l’autre bout du vaisseau. Heureusement, personne ne souligne que de savoir courir dans un endroit clos ne sera pas utile éternellement et, comme je n’ai pas envie de jouer au rabat-joie, je me contente de lisser un faux-pli sur mon t-shirt rouge avant de suivre le mouvement en trottinant sagement.

Essayant de ne pas me focaliser sur le fait que je n’ai plus le souffle de mes vingt ans, je préfère me dire que, comparé à d’autres, je ne m’en sors pas si mal. Petites foulées, la respiration plus ou moins régulière, je suis la boucle, sans vraiment prêter attention à ce qui se passe autour de moi, suivant la cadence du sifflet par automatisme.

Et je mets un moment avant de tiquer qu’il se passe quelque chose. Je lève un sourcil alors que je rentre dans quelqu’un, bredouillant des excuses en lui tapotant l’épaule, avant que mon attention ne soit captée par le passage de Cygnus. Et je murmure, d’une voix incrédule. « Finalement, on dirait que tout commence enfin à se remettre en marche. » Peut-être qu’on va réussir à survivre à tout ça après tout. Et que courir nous servira à quelque chose, tôt ou tard. Comme tout le monde, je me focalise sur le spectacle, essayant de voir si je reconnais des silhouettes, sans succès évidemment.

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Je n’ai pas attendu qu’ils en donnent l’ordre pour reprendre une activité sportive. Outre le fait que tourner en rond dans ses couloirs rendraient fou n’importe qui à force, j’ai toujours eu besoin d’évacuer ce trop plein d’énergie. Les rares fois où j’ai tenté de passer outre se sont relativement mal terminées, et pas forcément pour moi. Et il est évidemment hors de question que cela se produise sur l’Arche. Même si rien ne m’aide à suivre cette excellente résolution… Etant donné que mon nombre d’heures de sommeil a fortement chuté depuis quelques semaines, depuis quelques mois même, celui passé en salle d’entraînement a augmenté en proportionnel… Je sais bien que ce n’est guère tenable sur le long terme, peut-être me résoudrais-je à quémander quelques somnifères si la situation ne s’améliore pas. J’ai également un peu augmenté ma dose quotidienne de café, et de sucreries comme je pouvais, mais pour le moment, je vais bien. Parfaitement bien. Si je suis peut-être un peu plus irritable que d’ordinaire, je suis capable de réfléchir et d’analyser, et c’est bien là le plus important.

Je soupire en enfilant le short et le t-shirt vert gracieusement fournis, avant de rapidement rejoindre l’arboretum. Je salue rapidement les personnes déjà présentes, haussant un sourcil au discours de la coach. On ne sait pas ce qu’il peut se passer… Elle tente de motiver ses troupes en les prévenant des multiples problèmes possibles ? Vous pouvez être coursés par un monstre de l’espace et mourir, alors autant le faire en forme ? Ou peut-être qu’en s’entraînant à la course, les plus lents et les plus fragiles se feront manger avant, donc ne négligez pas le cardiaque ? Je retiens un énième soupir, entamant les mouvements d’étirement et les tours sans discuter pour autant. Et pourquoi Alec ne court pas lui ? Je le fixe avec un sourire moqueur en passant non loin de lui, ne pouvant m'empêcher de lever les yeux au ciel. La course, ça me va à moi, même si une heure ça fait un peu long non ? Surtout pour ceux qui n’ont pas l’habitude. Enfin, ce ne sera peut-être pas une heure de course. Même si ça s’annonce plutôt mal vu qu’on entame le quatrième tour. Qu’on ne terminera sans doute pas étant donné que tout le monde s’arrête et se rapproche de la verrière à l’annonce d’Hécate.

Je grimace quand on me rentre dedans, avant d’esquisser un sourire alors qu’il s’excuse. « Ce n’est rien. » Peter, il était là lors de l’expédition…  Super souvenir, youpi. Je secoue la tête, chassant de nouveau tout cela de mon esprit, et m’avance pour rejoindre tout le monde, ignorant totalement les coups de sifflets. Ce qu’il se passe dehors est bien plus important et intéressant. J’essaie de deviner qui fait partie de l’expédition cette fois, sans parvenir à voir autre chose que des silhouettes vue la distance. Je jette un regard à Peter en l’entendant, bloquant une seconde avant de reporter mon regard sur l’extérieur. Remettre en marche… Je me mordille l’intérieur des joues tout en suivant la navette des yeux. Ils dégagent de la chaleur dans un espace vide. Ils ont dû y réfléchir et penser à toutes les éventualités, n’est-ce pas ? Même en ayant perdu le seul exobiologiste qui était réveillé, quelqu’un a bien dû se demander comment ces créatures se repéraient et agissaient dans l’espace non ?
Un sourire orne néanmoins mes lèvres, alors que je me retiens de demander à Hécate si elle perçoit autre chose que Cygnus, et je me laisse prendre au jeu, comme tous les autres.

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Alec n’avait rien contre le fait de se tenir en forme, et de faire du sport. À vrai dire, il n’avait pas vraiment attendu après Hécate, pour le faire. Mais que ce soit organisé en groupe, avec une coach supposée les motiver… Ça l’emballait nettement moins. La course était une activité solitaire, et se donner en spectacle en faisant des tours en troupeau dans l’arboretum, ça n’était pas sa tasse de thé. Mais comme tout un chacun, il s’y plierait – comme s’il avait le choix. En attendant, il était soulagé de ne pas avoir à le faire en compagnie de son supérieur, alors que c’était aujourd’hui que le Cygnus prenait son envol hors du Voyager – officiellement, du moins, et de manière à le faire voir. Pour montrer que tout allait bien, certainement. Il était sûrement quelque peu cynique, mais il se souvenait de ce mort, qu’il n’avait vu que de loin, mais qui était bien ancré dans sa mémoire. Et de la disparition, non, de la mort, d’Elias et de Seth. Il connaissait à peine le second, mais il avait beaucoup échangé avec le premier, et savoir qu’il avait agi aussi inconsidérément, qu’il avait compromis sa propre survie, le touchait plus qu’il ne l’admettrait. Et la seule personne à qui il pourrait se confier n’était pas encore là.

Mais ce n’était pas le moment de s’appesantir là-dessus. Du travail les attendait, beaucoup de travail, et ce n’était pas en rêvassant qu’il pourrait l’effectuer. Même si cela n’avait duré que quelques secondes à peine, en réalité. Il secoua la tête, alors que son directeur marmonnait. « Les neuf-cent ans écoulés et le matériel usés ne suffisent pas à causer autant de dysfonctionnements. Ni sur eux, ni sur les autres opérateurs. Ce serait une perte de temps conséquente, mais je me demande parfois si on ne ferait pas mieux de recommencer à zéro. Ou d’observer ce que fait Hécate, quand elle les met en service – on est bien trop peu pour le gérer nous-même, mais l’erreur doit bien venir de quelque part. » Sauf qu’ils ne la détectaient pas. Et c’était probablement le plus frustrant.

Il arqua un sourcil, en entendant Théodore leur parler, à son nouveau passage devant eux – ne devrait-il pas garder son souffle ? Mais il avait raison, cela dit. Il devait, évidemment, travailler main dans la main. C’était d’ailleurs lui qu’Alec consultait, pour essayer – sur son temps libre – de reproduire des espèces animales, et donc de comprendre ce qui était essentiel, et ne l’était pas. Tâche à laquelle Elias contribuait. Se renfrognant subitement, il composa malgré tout un masque avenant, pour grandement sourire à Peter qui le regardait avec attention. Il se para d’un sourire tout aussi moqueur que celui que Mar lui adressait alors qu’elle passait devant lui, lui faisant signe d’accélérer d’un air amusé. Il accueillit toutefois avec soulagement l’annonce d’Hécate, curieux de voir le vaisseau depuis les baies vitrées de l’arboretum. Pas tranquille, non plus, en pensant à ce qui les attendait… ce qu’ils avaient vu, l’autre fois, venait de dehors, pas de dedans. Mais il s’inquiétait sûrement pour rien. Il s’inquiétait forcément pour rien.

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Tu fronces les sourcils quand tu vois brièvement quelque chose passer devant Cygnus. Tu ne distingues pas ce que c’est, mais tu as bien conscience que la trajectoire de Cygnus a été déviée. Tu n’as pas le temps de vraiment réfléchir à ce que tu as vu, peu importe, c’est fait ! L’impact est imminent et il faut agir ! Toi-même, tu n’es pas certaine que la verrière va tenir le coup, tu as étudié ces plans par coeur, mais dans le doute vous n’allez pas rester là pour voir si ça tient le coup ou pas. Effectivement, vous l’avez conçue pour qu’elle puisse résister à des chocs, mais en vrai vous n’en savez rien. Et là tout de suite, vous n’avez pas envie d’être les cobayes de ce test à haut risque.

Vous n’avez pas beaucoup de temps. 60 secondes, une minute, pas plus. Tu sais par où il faut aller pour avoir une chance de s’en sortir. Tu connais les plans de l’Arche par cœur et l’arboretum n’a aucun secret pour toi. Tu sais que vous êtes condamnés et que Vassili a donné les ordres qu’il fallait.

58 secondes

Alors regroupant toutes tes forces et ton énergie, tu cours vers Jerry et lui prends d’un coup sec son sifflet sous son air d’incompréhension. « J’en ai besoin ! » lui cries-tu en mâchant à moitié tes mots tu n’as pas le temps. Tu souffles plusieurs fois dans le sifflet pour attirer l’attention vers toi. « Suivez-moi, je sais comment sortir ! ». Sortir est un bien grand mot, mais tu n'as pas le temps d'en dire vraiment plus...

Tu te diriges à toute vitesse vers la console de contrôle, entraînant les autres avec toi à coups de sifflet et les prenant par la main, les bras. Le décompte affiche les secondes et selon toi, vous n’aurez jamais le temps, mais tant pis il faut essayer. « Aller aller aller entrez par là ! Faites attention, prenez la petite échelle, descendez et hâtez-vous ! » Là tout de suite, tu ne vois pas de meilleures options que les étroits conduits de maintenance, au pied de la console de contrôle.

Tu fais passer les autres devant, les aidant à entrer par ce passage pas très large. C’est selon toi, l’abri le plus proche de vous ! Ils n’ont qu’à aller tout droit et suivre les conduits, dans l’immédiat le chemin importe peu pourvu qu’ils soient à l’abri. Tu vas attendre et tu seras l’une des dernières à rentrer dans le conduit. Tu sais que la porte n’est pas facile à fermer et tu n’as pas le temps d’expliquer aux autres comment faire alors avec ton sens inné de l’organisation, tu les fais passer un à un par le conduit.

Vite.
Vite.
Viiiiiiiiite.

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J’avais lu, une fois, tout ce qui pouvait se passer en 60 secondes.

Un paquet de trucs incroyables.

A une époque où la Terre était encore vivable, 142 000 000 de mails étaient envoyés en 60 secondes. 102 000 photos étaient téléchargées sur Instragram… dont je n’ai jamais réussi à me servir soit dit en passant. 509 000 tweets étaient envoyés pendant qu’un être humain clignait une vingtaine de fois les yeux.

Vous savez qu’il est possible de sabrer 48 bouteilles de champagne en 60 secondes ? Et que Mark Zuckerberg gagnait 65 000 dollars pendant ce laps de temps ? Pas aussi bien qu’oncle Picsou et ses 125 000 dollars, je veux bien le reconnaitre. Mais c’était déjà pas mal pour se faire une piscine de pièces.

Et il parait qu’en moins d’une minute, il y avait près d’1,5 million d’orgasmes dans le monde. Et oui, tout ça au même moment. Impressionnant non ? D’autant que c’est pas près d’arriver de nouveau. Surtout au rythme où vont les choses.

On pouvait aussi réchauffer une bouillotte au micro-onde pendant ce laps de temps.

…

Et oui, c’est fou tout ce qui peut arriver en 60 secondes.

On peut aussi voir un vaisseau entrer en collision avec la station qui nous sert de radeau de sauvetage. Et se dire que finalement, 60 secondes, c’est bien trop peu. Surtout quand on n’a pas forcément envie de mourir tout de suite.

Je pense que tout le monde entend ce que dit Minaïev malgré la panique générale. Ce qui signe probablement notre arrêt de mort. Si certains courent en espérant trouver une issue miracle, je suis comme figé, alors que mon cerveau continue de m’envoyer des pensées aussi absurdes qu’inutiles.

Comme cette histoire d’une minute qui peut durer une éternité. Et bien autant vous le dire que, dans une situation comme celle-là, c’est bien la pire des conneries qu’on puisse entendre.

Les secondes filent alors qu’un coup de sifflet retentit et me fait sortir de cette espèce de torpeur ridicule. Je suis le mouvement, entraîné par le reste du groupe, pour voir un conduit s’ouvrir juste sous nos pieds ou presque. J’avoue, j’hésite une seconde, me demandant si j’ai envie de mourir compressé dans des tuyaux ou de façon plus spectaculaire, comme aspiré par les fissures que ne va pas manquer de créer la collision du vaisseau contre la paroi. Ca aurait quand même nettement plus de gueule.

Sauf qu’on ne me laisse pas vraiment le choix et que je suis poussé vers le conduit. « Et bien, c’est parti pour une nouvelle aventure on dirait. » Et je prends l’échelle aussi vite que je peux, sans bien savoir ce qui se passera par la suite. A dire vrai, tant qu’il se passe encore quelque chose, ce sera déjà beaucoup, non ?

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Tu faisais ton sport, de façon tout à fait normale, cette fois-ci dans l'Arboretum - tu ne souhaitais pas t'éloigner trop de Jerry pendant que tu le faisais, juste au cas où. Même si tu en faisais depuis un mois, il n'en restait pas moins que tu ne te sentais pas encore à l'aise pour rester seul dans la salle de sport. Tu étais donc tranquillement en train de courir, à l'écart des autres, ne voulant pas trop te mélanger, quand tu entendis la voix d'Hécate au-dessus de ta tête. Au début, tu pensas à un bug, encore, et tu aurais pu continuer ta route, si tu n'avais pas vu le vent de panique du groupe de sportif du jour. Le coup de sifflet, les 58, 57, 56... 50... 49... secondes pour arriver à les rejoindre, étant donné que tu les voyais se diriger vers ce qui semblait être un passage de maintenance. Parce que tu avais entendu monsieur Minaïev ordonner la fermeture des lieux, vous bloquant. Vous sacrifiant, même.

Tu ne savais pas si tu allais y arriver. Tu ne voulais pas crever, pas comme ça. Tu avais d'un coup extrêmement mal aux jambes, elles semblaient si lourdes, mais bon sang, tu devais bouger. Tout de suite. Maintenant. Là.

Tu fis un pas. 40 secondes. Un autre. 39 secondes. Plusieurs autres. Plein. Plus rapides. 35 secondes. Tu traversas l'espace qui te séparaient des coups de sifflets, que tu suivais comme autant de feux follets dans une forêt irlandaise. 33 secondes. Tu percutas une femme, alors que tu avais cherché à l'éviter. Mais tu n'étais pas encore assez assuré de tes jambes. 32 secondes. "Bouge !" Tu t'appuyas sur les épaules de la femme, par accident, et tu l'emportas dans ton élan. 31 secondes. "Allez !" Tu la lâchas, pour rejoindre le groupe. Le groupe égalait la survie, pour toi.

Tu ne regardas plus les écrans, commençant à devenir fou de terreur.

T'étais venu coder un réseau social, toi, pas flipper parce que l'Arche prenait des airs de Fallout 3.

Tu lâchas donc pour de bon la brune - que tu étais persuadé d'avoir croisé quelque part, au bar, mais pas le temps de penser. Tu te trouvais désormais auprès du groupe, flippant, essoufflé de l'effort soudain que tu faisais, de la peur qui augmentait ton rythme cardiaque, pulmonaire. Tu avais même les yeux écarquillés, bien que, dans l'état où tu étais, tu pensais plus à survivre, qu'à reconnaître vraiment ceux avec qui tu étais. Ou même où tu te trouvais. Tant que tu avais une chance de survie. Quoique, si tu continuais à te cogner partout dans ton empressement...

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Panique !
Panique terrible, sidérante, pétrifiante, qui te transforme en statue de cire éperdue d’angoisse, figée dans une terreur primitive qui te paralyse et t’enserre dans les rets d’une frayeur souveraine. Tu vas mourir, Leontina Tavares, la petite fille qui courant pieds nus dans la poussière de la favela qui t’a vue naître – tu vas mourir, Tina la superstar, mondialement adulée par les cohortes déchaînées d’un public en liesse à chacune de tes apparitions. Tu vas mourir quand la verrière va éclater en milliers de morceaux, une fois que Cygnus aura embrassé l’Arboretum avec une ferveur des plus percutantes. Un rire étranglé t’échappe tandis que des larmes se massent sous tes cils. Tu vas mourir. Tu es terrifiée. C’est terriblement ironique. L’univers a décidément un sens de l’humour déplorable.

Tu restes là, immobile et les bras ballants, dans le chaos tapageur qui t’environne. Il y a l’alarme d’urgence, le clignotement rouge des signaux d’alerte, le décompte qui décroît sur les écrans, le cri aigu d’un sifflet strident qui déchire tes tympans, les cris des malheureux enfermés comme toi. Le mouvement désordonné des corps qui s’agitent et qui courent. Tes sens sont saturés. C'est trop d'un coup. Deux secondes passent, que tu dédies entièrement à admirer le sang-froid du directeur Minaïev, d’avoir osé prendre cette décision fatale – puis les larmes débordent et un coassement pitoyable t’échappe. « Eu não quero morrer. » chuchotes-tu dans ton portugais natal. « Deus, me salve ! »

Et l’on te percute violemment par-derrière. Un bras t’attrape, t’agrippe, te bouscule vers l’avant. Des mains se tendent, t’attirent le long d’une échelle de maintenance – tu sens le froid sous tes doigts, et tu atterris en petit tas. Tu te relèves maladroitement, hébétée, pressée contre la paroi du couloir étroit et presque bondé, les lèvres tremblantes sous la frayeur, cherchant désespérément quelque chose à quoi te raccrocher – et tes mains se joignent en prière, trempées de tes larmes qui s’échappent, coulent et dévalent, emportant avec elles toute ta foi qui hurle à la mort. « Ave Maria, cheia de Graça… » Une question polie résonne au-dessus de toi – machinalement, rendue docile par la panique, décidée à obéir à ceux qui savent, tu lèves ton visage trempé – puis tes mains, à l’injonction de l’homme penché vers toi, et tu attrapes quelque chose de plumeux. C’est en serrant doucement la cane contre toi que tu achèves ta litanie murmurée. « Santa Maria, Mãe de Deus, rogai por nós, pecadores, agora e na hora de nossa morte… » Tu n'as aucune idée du temps qu'il vous reste. Alors, tu recommences ta prière incessante, rebouclant une autre supplique. « Ave Maria, cheia de Graça… » « Coin ? » Tu n’as pas de réponse à lui donner. Est-ce ta faute, si la cane ne parle pas portugais ?

Spoiler:

Il aurait presque préféré être en train de courir, et que rien ne se passe. Tout, plutôt que ça. Qui aurait pu imaginer qu’un simple entrainement, une simple vérification des opérateurs qui travaillaient sur les lieux, aurait pu tourner à la catastrophe comme ça ? Bien sûr, il s’attendait à ce que quelque chose se passe, mais pas comme ça ! Pas maintenant ! Pas quelque chose qui compromettait la sécurité de tous les gens présents dans l’arboretum. Il pensait, peut-être, que la navette allait découvrir des choses inquiétantes vues de l’extérieur, mais rien de fatal. Et pourtant… Il frémit en entendant l’ordre donné par Vassili – sachant pourtant que c’était le bon. Le seul viable, pour préserver le Voyager. Mais une petite voix égoïste lui disait intérieurement qu’il ne devait pas mourir pour ça. Il n’avait pas signé pour trépasser, des suites d’une collision navette-verrière. Pas du tout, même. Il était censé être ingénieur en robotique, son métier était passionnant, mais pas du genre qui le mettait en danger !

Mais l’adrénaline, peut-être, faisait tourner son cerveau à plein régime. Y avait-il des espaces sécurisés, dans l’arboretum, en cas de brèche impromptue dans la verrière ? Des combinaisons, qui leur permettrait de s’attacher quelque part, et d’avoir de l’air ? Il n’avait aucun souvenir de tels dispositifs, et l’endroit était bien trop grand pour le fouiller. Mais si ça n’était pas le cas, ça vaudrait le coup de s’y pencher – pas sur l’abri, sur les combinaisons. Ça devait pouvoir se faire, non ? Secouant la tête, il se rendit compte de l’absurdité de ses pensées, alors qu’il allait peut-être, probablement même, mourir dans quelques secondes.

C’est la voix de Magdalena Hoffer, qui le sortit de sa rêverie. Il n’hésita pas une seconde à lui emboiter le pas, mais un peu plus à se lancer dans les conduits. Était-ce certain, qu’ils pourraient passer et ne se retrouveraient pas coincés ? Mais… Si ça pouvait leur offrir un abri, même provisoire, alors c’était surement la meilleure solution. Son hésitation avait sûrement duré plus longtemps qu’il ne le pensait, car une femme qu’il ne connaissait pas vraiment, tout au plus se souvenait-il de son prénom, Mackenzie, le bousculait et passait dans le tuyau. Ramené à la réalité, il s’y glissa donc à son tour, descendant l’échelle dès que possible.

Spoiler:

Tes doigts ont été plus d’une fois bloqués entre les corps que tu aides à faire passer et le conduit, mais tant pis, tes mains sont à moitié râpées. Tu regardes attentivement le décompte, dès les dernières secondes tu entreras dans le conduit et tu verrouilleras la porte. Tu sais qu’elle se verrouille avec un blocage étanche, comme les portes des sous-marins. Ce que tu ne sais pas c’est si tu vas avoir assez de force pour tourner le volant mécanique pour bloquer le sas.

« J’ai besoin de toi, je ne sais pas si j’aurais la force de bloquer la porte, il faut tourner le volant mécanique dans le sens des aiguilles d’une montre. » dis-tu à Theodore que tu attrapes au vol tout en faisant passer Mackenzie par le conduit. En fait, tu le sais, tu n’as pas la force de le faire c’est certain… Mais bon, tu ne veux pas inquiéter tout le monde.

Tu le regardes d’un air attentif, cela signifie qu’il sera sensiblement le dernier à descendre par l’échelle. Tu veux t’assurer que c’est « okay » pour lui, c’est une lourde responsabilité, mais seule tu n’y arriveras pas. Idem, s’il y a encore des passagers dans l’Arboretum, il faudra avoir le courage de les abandonner.

Tu les vois défiler : Peter, Allan, Ruiling, Leontina que tu n’as pas vraiment le temps de rassurer, la pauvre son état t’inquiète un peu, Alexander, Vassili. Tout ton corps tremble de l’intérieur, mais tu te montres forte. Tu n’as pas le choix parce qu’au fond du toi, tu ressens ce besoin de prendre soin des autres, ils sont sous ta responsabilité en tout cas tu le vois comme ça. C’est toi qui a conçu l’Arche, s’ils sont là aujourd’hui c’est parce que tu as dessiné les plans, alors il est de ton devoir de les protéger.

25 secondes

« Jerry, passez, je vous suis ! » Tu fais un signe de la tête à Theodore pour voir si tout est bon pour lui et tu t’engouffres dans le tunnel.

20 secondes

Tu descends suffisamment pour laisser la place à Theodore d’entrer dans le tunnel lui aussi, mais tu attends. Tu veux être avec lui pour potentiellement le guider avec ta voix s’il n’arrive pas à verrouiller le conduit.

Pourvu que cela suffise.
Pourvu que la verrière tienne le coup.
Pourvu qu’il n’y ait pas trop de morts.  

10 secondes

9 secondes

8 secondes

7 secondes

6 secondes

5 secondes

…

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